Carnet de curiosités : Lectures 2014
« O puissance d'imaginer, toi qui nous emporte parfois si loin hors de nous qu'on ne s'aperçoit pas que sonnent alentour mille trompettes, qui te met en mouvement, si les sens ne t'excitent? »
– Dante, le Purgatoire
Carnet 2013 ...
114 livres
créée il y a presque 11 ans · modifiée il y a 11 moisChêne et chien (1937)
suivi de Petite cosmogonie portative
Sortie : 24 septembre 1969 (France). Poésie
livre de Raymond Queneau
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
Dedans, il y a tout pour m'agacer mais ça réussit à ne pas. Ca marche tout de même très rarement et ça s'épuise vite.
Gravité
Cycle des Xeelees, tome 1
Raft
Sortie : 1991 (France). Roman
livre de Stephen Baxter
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
Je peine à trouver un cycle de SF qui saura m'accrocher, placer son crochet profondément et me promettre des milliers de pages. Allons pour les Xeelee, je crois bien tomber peu à peu dans le puits de gravité Baxter. Malgré ses nombreux défauts. Et puis c'est une séquence un peu lâche où chaque roman est totalement indépendant. Ca évite d'étaler sur trop longtemps.
Mes objets favoris du ciel profond ont toujours été les nébuleuses, ces fantastiques et gigantesques corolles de gaz colorés (même sans les fausses couleurs Hubble), tombeaux et pépinières d'étoiles, passées et à venir. Alors, forcément, placer l'action dans une, y imaginer tout un microcosme autarcique (à l'échelle d'un univers, évidemment !) même en ayant un récit initiatique artificiel, un héros encore parfait, même en devant aller dans un autre Univers ou la constante de Gravité est différente pour que tout ça se tienne, moi, j'aime le décor. Surtout avec des baleines cosmiques translucides et des îlots de fortune rafistolés à partit d'un vaisseau spatial ou de peau humaine... Ca me parle, surtout que si Baxter a franchement du mal à décrire, a tendance à toujours utiliser la même métaphore, ses descriptions restent profondément visuelles. Il aime l'espace et ça se voit.
De plus, je reste surpris face à ce premier roman : ce n'est pas si horrible que ce à quoi je m'attendais.
Les Grands Chemins (1951)
Sortie : 16 mai 1951. Roman
livre de Jean Giono
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
La même année que le Moulin... (1951) Giono reprend l'idée du narrateur biaisé, avec sa propre vision des choses et son stye bien à lui, ici sorte d'enflure de celui de Giono, fait de fausse désinvolture, d'oralité familière qui glisse, liquide, gorgée d'expressions toutes faites et pétrie de dictons souvent à la noix ; sorte de sagesse populaire cristallisée. Un délice qui tape sur les nerfs tout comme ce personnage tendre, attachant, mais franchement naïf et parfois même dégueulassement manipulateur sur les bords, plus qu'il ne voudrait le croire. L'Artiste est, bien entendu à claquer dès les premières pages.
Cent phrases pour éventails
Sortie : 1941 (France). Poésie
livre de Paul Claudel
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
Evidemment, sitôt que l'on a un tant soit peu lu Basho ou Issa ou n'importe quel haïkiste traditionnel on ne peut que voir le jeu d'imitation,les emprunts, les copies sans doute.Et de nos jours, leur exotisme doit sembler moins rafraîchissant. Mais,au-delà de ce jeu de pastiche apparent, ces petites d'apparat ont bel et bien leur originalité : plus dans l'abstrait, dans l'idée, dans la métaphore tout occidentale.
Il réussit très bien dans le jacottetisme.
Solaris (1961)
Sortie : 1961 (Pologne). Roman, Science-fiction
livre de Stanislas Lem
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Je m'attendais à trouver ça balourd, lourdaud, pataud, loin du film. C'aura été l'inverse : l'approche de Lem me parle plus, me semble plus exaltante, tellement plus excitante que le film. Ho... Non, loin de tomber dans des débilités fantaisistes, elle pose de vraies questions universelles. Son résumé de la solaristique prévoit même l'approche tarkovskienne. Pour le coup, je trouve Tarko, qui détestait la SF, pour de bien mauvaises raisons, un peu naïf, et même totalement con : non ça ne parle pas juste d'abrutis qui vont dans des gros fusées. Toute la SF que j'aime a toujours su recroiser les thèmes chers aux cinéaste russe. Sans renier mon appréciation de son film, je me dis que tout de même c'était dommage d'aller adapter ce roman si ce n'était pas pour l'exploiter et juste faire sa propre tambouille à côté.
Bref, le bouquin !
C'est tellement plus stimulant quand les auteurs imaginent des aliens profondément différents de nous, formes et modes de vie qui nous dépassent totalement tout en restant crédibles voire plausibles : bulles de liquide, ectoplasmes joviens, îlots de corail, cristaux, symbioses inter-espèces, plus que de vagues variations humanoïdes ou animales auxquelles on rajoute, ou enlève, quelques membres ou quelque appendice (probablement pour ça que Vinge ne m'attire guère). Le "contact", s'il arrive jamais, en devient moins familier, plus profond, moins spielbergien et, gardant tout son mystère, notamment ici, pourtant pas moins poétique.
Pierrot sceptique (1881)
Pierrot Sceptique : pantomime
Sortie : 3 mars 2004 (France). Roman, Théâtre
livre de Joris-Karl Huysmans et Léon Hennique
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
C'est tout petit, ça tient 15 minutes à tout casser et ça passe pas mal à côté de son sujet, celui d'un Pierrot noir, conclusion logique du Pierrot en partant de Watteau et en passant par Laforgue.
Amants, heureux amants... (1921)
Sortie : 1921 (France). Recueil de nouvelles
livre de Valery Larbaud
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
Je n'étais probablement pas dans le mood pour supporter ce flux de mesquineries d'un jeune dandy oisif, égocentrique, misogyne, lâche, en pleine crise d'ado et ce trois fois de suite, trois avatars successifs, à n'en point douter, de A.O Barnaboo....Larbaud.
À la lisière du temps (1984)
suivi de Le Voyage d'automne
Sortie : avril 1990 (France). Poésie
livre de Claude Roy
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
Claude Roy a l'air très sympathique, très tendre, sensible, il y a des bouts de Supervielle en lui. Plus que Jaccottet que j'imagine comme un connard fini à la douceur composée. Simple ressenti.
Là, comme toujours avec ces poètes du quotidien, je comprends bien, j'adhère même mais ça ne fonctionne pas sur moi (surtout après un Calet). Encore, encore et toujours cette triste intuition de lire de la prose – un peu fadasse – découpée au hasard histoire de faire des poèmes. Même de la prose peut avoir pourtant le plus délicat des tempos. Je suis peut-être vieux jeu, je tiens à mes rimes, mes anaphores, mes pieds, mes chiasmes ; même tordus et tout cabossés.
En plus, Roy aime bien les multiples espaces c'est très énervant et
ça n'ajoute aucun rythme.
Et la neige tombe et elle fond, la vitre se givre la lumière éclaire sa page, il est poète (il vous le répète) et puis les jolis oiseaux. Souviens-toi.
Et pouf
Ca s'évapore
Les Grandes Largeurs
Sortie : 1951 (France). Récit, Autobiographie & mémoires
livre de Henri Calet
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Calet rabâche toujours un peu la même chose et pas vraiment. Diverses pièces, parfois doublonnes, de son puzzle.
Monsieur de Phocas (1901)
Sortie : 1901 (France). Roman
livre de Jean Lorrain
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Bien entendu, malheureusement, on ne peut éviter le rapprochement... pis, la comparaison, avec A Rebours. Hors les deux me semblent, sous le couvert roman dit décacent, dit fin-de-siècle, très différents et même carrément opposés. Des Esseintes était très intellectualisant, un caractère singulier, presque abstrait, chantourné de sa culture et ses pensées, une espèce de singularité qu'on dénudait de son horizon des événements. De Fréneuse, lui, est tout entier dans la sensibilité, dans la torture, la souffrance, pétri de pulsions et de désirs soit-disant malsains et abjects. Véritable maladie touche-à-tout de l'âme typiquement XIXe. Puis, il demeure profondément mondain, va s'ébattre dans le monde moderne, fréquente les bouges, les clubs trendy et les soirées de la jet-set parisienne. Fréneuse tient donc d'avantage d'un personnage sorti de Maupassant en plus... émo. Voila bien la limite de ce roman, son narrateur pleurnichard n'est pas très intéressant et un gros brin irritant. Sa fameuse quête des yeux glauques ne nous mènera pas bien loin et certainement pas dans les hauteurs qu'on espérait.
Or, pour rejoindre A Rebours, l'un date de 1884, l'autre de 1901, dans l'un Gustave Moreau est à porter, on lance un mouvement, dans l'autre, mort, son musée est déjà ouvert et Gide publie à tout va. Il y a un arrière-goût âcre d'anachronisme, de train raté.
Sur la forme, idem : les chapitres sont faussement thématiques, l'encyclopédisme de Lorrain a des limites très restreintes à son époque et à ses franges larges quand Huysmans, A Rebours et ailleurs, délivre réellement une riche pinacothèque personnelle.
Reste le style ferme, musical en sourdine, pas tapageur de Lorrain (après Baxter c'était un délice) mais, comme il fera plus tard avec son Noronsoff cannois, le caractère vicié, décomposé, la lente déchéance de son héros est artificielle, toute forcée et décalée. En somme, plus dite que (dé)montrée. Le format du conte me semble mieux lui sied.
Singularité
Cycle des Xeelees, tome 2
Timelike Infinity
Sortie : 1992 (France). Roman
livre de Stephen Baxter
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
Diable ! Pourquoi suis-je donc allé relire du Stephen Baxter ? Probablement car, au-delà de tous les défauts formels, littéraires, psychologiques, narratifs, de Temps subsiste le souvenir du vertige cosmique de sa fin. Je pense que j'ai réellement envie de l'aimer ce Baxter : sa vision de la SF semble se rapprocher de la mienne, c-a-d une extension x100 d'un A.C Clarke ou d'une actualisation d'un Olaf Stapledon. Là où je crois qu'un Ian Banks ou même Asimov ne m'iront jamais vraiment.
La première qualité de Singularité c'est de durer moins de 300 pages quand tous ses autres bouquins en font plus de 600 : c'est dense et ça va presque droit au but même s'il parvient tout de même à fourrer une loooonguee bataille spatiale. C'est rigolo à l'écran quand la caméra virevolte, se renverse et qu'il y a des lasers tout colorés sur fond de Jupiter et la musique de John Williams mais à lire c'est souvent très chiant. C'est toujours aussi mal écrit, Baxter ne sait pas décrire, ni les actions ni les décors et, tourne vite à vide sur les mêmes métaphores.
La seconde qualité de Singularité c'est de ne pas avoir l'infect Reid Malenfant. Ses personnages ne brillent certes pas mais au moins ils ne sont pas des inserts fantasmés de son auteur et sont plus crédibles.
Ici, on est dans la "séquence Xeelee", c'est donc plutôt tendance space-opera avec, nécessairement, sa clique d'aliens aux noms ridicules, de l'action pulp et aux technologies vraiment trop exotiques quand Temps restait un tant soit peu vraisemblable, plus en retenue (ou plutôt se constipant pour son final). On flirte alors avec du kitsch gras et épais, qui colle, et tout le tralala semble bien alambiqué.
Et puis on consulte la chronologie du cycle et on y voit que les 3/4 du bouzin ne sont pas traduits et sont contenus dans des nouvelles.
Bon, Gravité et Flux ont l'air totalement indépendants et dispensables... allons tester Accrétion même si on retombe dans du +500p.
Fricassée de galantin à la mode d'Edo (1785)
Edo Umare Uwaki no Kabayaki
Sortie : 13 juin 2014 (France). Roman
livre de Santo Kyoden
Nushku a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
La Forêt perdue
Sortie : 1967 (France). Roman
livre de Maurice Genevoix
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
Un tantinet artificiel, mécanique même, les faux contes ne font pas forcément les bons écrits. Si Genevoix l'a saisi, il ne parvient jamais à réellement rendre tout le mystère de cette forêt perdue qu'on croirait sortie du Tasse, de Grimm, de Tolkien ni la beauté de ce cerf quasi-divin qu'on croirait revenu de Princesse Mononoke. Encore moins l'intérêt de son prophète-fou et ses faux airs d'oracle antique.
Forme fumante et échevelée, richesse (ivresse ?) du vocabulaire cynégétique et de quelques tournures vieillottes, pour donner un côté ancien voire médiéval à cette histoire un peu guindée, comme des ronces qu'il faut traverser, griffé, pour toucher la clairière du texte. J'ai toujours apprécié, admiré même, les auteurs qui, faisant fi de leurs lecteurs, ne se gênent pas pour utiliser un vocabulaire riche, exotique et technique mais là, tout de même, ça gêne grandement l'immersion et l'immédiateté de l'action. Mais en même temps c'est aussi ce qui fait le charme de ces quelques pages.
« Nature rêveuse et passionnée, accordée aux forces de l'univers, aux miracles des saisons, à la couleur de l'air et aux paroles du vent qui passe, Bonavent était poète. Il vivait au-delà des choses, attiré par des mystères que les hommes ordinaires ne voient point. »
Peintures
Sortie : 1916 (France). Poésie
livre de Victor Segalen
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Ekphrasis imaginaires, magiques, ce qui les rend plus véridiques, de peintures chinoises. Une céramique et quelques laques au passage.
On les imagine à merveille ces rouleaux horizontaux, ces soies verticales, ces reliefs ; on les a vu aux British Museum, dans des expos, à Guimet. Mais le texte de Segalen sait vivre par lui-même, hors de la frustre mémoire de l'œil, ne se complaît pas dans le détail pittoresque, dans l'exposé régional et le déroulé ethnographique (il pourrait). Petits poèmes en proses.
« … Vous n’êtes pas déçus ? Réellement, vous n’attendiez pas une représentation d’objets ? Derrière les mots que je vais dire, il y eut parfois des objets ; parfois des symboles ; souvent des fantômes historiques… N’est-ce pas assez pour vous plaire ? Et si même on ne découvrait point d’images vraiment peintes là-dessous… tant mieux, les mots feraient image, plus librement ! »
Le Tout sur le tout (1948)
Sortie : 1948. Récit
livre de Henri Calet
Nushku a mis 8/10.
Annotation :
Si dans la première moitié du XXe Léon-Paul Fargue était le promeneur, le piéton de Paris, Calet en fut son habitant. Ancré tout entier et très profond dans ses ruelles, ses fonds de rue, ses sordides appartements, ses magasins du coin, ses fêtes annuelles et autres foires d'arrondissement, ayant tâté de tous les petits métiers plus ou moins légaux. (Projet avorté d'un "Paris à la maraude") Il le dit et redit, il n'est pas là pour raconter sa vie ; il joue de l'ellipse, nous sucre ce qui semblait pourtant le plus passionnant : sa captivité et son évasion, la guerre, ses voyages en Amérique du sud et la drogue, ses amis artistes, écrivains et sculpteurs, le beau monde de l'époque.
On a ici, comme dans sa Belle Lurette, un style qui, a première vue, pourra sembler relâché, bâclé, presque torché, un peu trop spontané dans son oralité peut-être, il y a un grand déséquilibre et un manque certain d'homogénéité d'une partie à l'autre, d'une phrase à celle d'à côté mais y transparaît pourtant une évidente forme de justesse et de rythme.
Calet a un (très) léger côté roublard, il a toujours en tête des chansons populaires, du proverbial, de l'argot mais sans jamais verser dans le faux : si Schwob s'y était intéressé de loin, en tant que linguiste, il vient le plus naturellement du monde à Calet et n'en abuse jamais. Il aimait ainsi à se voir tel une sorte d'inculte un peu benêt, loin de l'intelligentsia parisienne (tout en la fréquentant)
Il y a en outre chez l'auteur une certaine propension à... disons, non pas la geignardise, Calet ne chouine pas, il est parfois un peu triste, il a toutefois l'ironie légère mais mordante... difficile de nommer la chose, peut-être est-ce le lot de la simplicité et de la sincérité, elle est toujours sur le fil, prête à tomber, on se méfie, et c'est probablement cet équilibre qui en fait le charme et le touchant.
Poésie
(1946-1967)
Sortie : 26 mai 1971 (France). Poésie
livre de Philippe Jaccottet
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
Un peu plus d'agacement, déjà. Jacottet n'est clairement pas à l'aise dans l'étendue, dès plus de 6 lignes, dès un vrai long vers, il s'étale.
Moustiques (1927)
Sortie : 1948 (France). Roman
livre de William Faulkner
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
{5.5.. 5 ?}
La préface de Queneau est décevante : il ne me semble ni très pertinent, ni très intéressant de ne lire Moustiques qu'à l'aune du Bruit à venir.
Et à dire vrai le livre lui-même est décevant, et il faut là aussi vraiment creuser pour s'y attacher. Mais ce n'est guère surprenant, deuxième roman (1927), assez exotique, Faulkner semble encore fourbir son attirail (et l'aiguisera dans Sartoris).
On dirait du Fitzgerald dans cette critique acerbe, un peu facile, un peu vaine voire naïve de la petite bourgeoisie locale, ses affaires et ses affèteries érotico-névrosées. Avec plus de violence sourde, heureusement. Chaque personne de la croisière semble surtout porter son archétype d'artiste, de mécène, de parvenu en petit baluchon sur l'épaule. Et tous sont bien évidemment proprement insupportables alors que j'aime généralement ses personnages. Faulkner n'est franchement pas à l'aise dans ce milieu mondain ; quand bien même il y aurait passé ses jeunes années. Steinbeck, avec son bus lui aussi naufragé fera, quelques décennies plus tard, quelque chose de déjà plus intéressant. (doté cependant des mêmes défauts...)
Qu'on s'emmêle vite les pinceaux, qu'il faut du temps pour émerger, mais pas encore de ce bel emmêlement, voulu, recherché, dont, plus tard, il sera le chantre et qu'on aimera à démêler. Il est drôle d'ailleurs d'ainsi avoir de sa part un journal de bord, jour après jour, heure après heure.
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Intéressant, tout de même, de voir que Faulkner pose ici une esquisse de son projet littéraire : « S'il décrivait la vie américaine d'une manière que même la traduction l'altérait pas (comme l'a fait Balzac pour la vie française, par exemple) elle prendrait, à son insu, un caractère éternel. La vie est partout la même, vous savez. Les habitudes peuvent être différentes – ne le sont-elles pas entre villages voisins ? – mais le devoir et les désirs des hommes, l'axe et la circonférence de sa cage d'écureuil, ne changent pas. Peu importe les détails... »
Le Bestiaire (1991)
Sortie : 1991 (France). Recueil de nouvelles
livre de Jean Giono
Nushku a mis 6/10 et a écrit une critique.
Etudes sur l'argot français (1889)
Sortie : 1889 (France). Essai, Littérature & linguistique
livre de Marcel Schwob
Nushku a mis 7/10.
Ennemonde et autres caractères (1968)
Sortie : 21 février 1968 (France). Recueil de nouvelles
livre de Jean Giono
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Drôle de petit opus que voici. Ni tout à fait roman, ni tout à fait chronique(s) d'un lieu dit, le Haut Pays habituel ou, plus étonnant (mais pas tant que ça), le delta de la Camargue. Giono le présente très bien lui-même : "certains caractères entourés de leurs paysages." ou... un paysage peuplé de caractères pour le second texte. Il y a du 'Jean le Bleu' défait de ses fausses velléités autobiographiques, des relents de Vies (minuscules) en somme.
C'est très disparate, même dans le style qui ratisse plusieurs types de densités, tout ça a probablement mis plusieurs années à se digérer et à germer. Bref, on peut penser ou aimer à s'imaginer qu'il aurait pu continuer ainsi sur des centaines et des centaines de pages, brosser tout un tas de caractères, de cœurs et de passions entourés de leurs paysages se croisant ou ne se croisant pas, réels ou imaginaires, burlesques ou héroïques.
« Cette bête est tellement énorme et innommable que le jour en est malade, que le calendrier se recroqueville sur lui-même. Il n'y a plus d'espace : on a l'impression de regarder un paysage intérieur; plus de temps : on est immobile et aux aguets depuis l'éternité. La bête rode; elle est là-bas, elle est ici. Elle est dans mon cœur, elle est dans le noir des marais, elle s'approche, elle s'éloigne. On ne la voit pas, on voit son sillage. Elle ne cherche pas une proie (que serait la chair d'une homme pour une bête de cette importance ?). Elle cherche un but et on sait qu'on est le blanc de la cible. le complexe d'Andromède ouvre mille boulevards de glace dans l'âme la plus pot-au-feu. L'odeur se lève : celle de la boue (nous somme dans un delta), celle d'un poisson, mais si éloquente que tout le vaste ciel n'est que l'œil du poisson, qu'on imagine que ses écailles vont se frotter aux galaxies, que sa queue s'enfuit dans les lointains du monde en expansion plus vite que la lumière. »
Un cabinet d'amateur (1979)
Sortie : 1979 (France). Roman
livre de Georges Perec
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
Perec fait fort : parvenir à m'ennuyer avec un livre rempli de centaines de tableaux et ce en moins de 100 pages. Bravo ! Une ekphrasis impersonnelle à base de faux extraits de ventes, de faux catalogues façon Drouot, de fausses citations, de faux tableaux et de vrais tableaux, le tout enrobé du petit jeu ancien, très anodin, totalement bénin, sur le tableau dans le tableau à la Van Haecht ou à la Pannini et la contrefaçon. C'était certes à faire et voila. Vain et pas si malin que ça.
Le Grand Dieu Pan (1890)
The Great God Pan
Sortie : 1901 (France). Recueil de nouvelles, Fantastique
livre de Arthur Machen
Nushku a mis 6/10.
Annotation :
On sait, proto-Lovecraft et tout le toutime, une sorte de E. Poe parallèle et longtemps oublié mais ça frise tout de même bien l'ennui, cela reste tout à fait jalonné même pour sa propre époque. Le Lovecraft en question aura su bien mieux gérer la construction de ses récits et, surtout, donner une toute autre dimension à ce qui cache derrière le voile.
Le Gambit du cavalier (1949)
Knight's Gambit
Sortie : 1951 (France). Recueil de nouvelles
livre de William Faulkner
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
Nouvelle éponyme : 6+ // les autres : 5-4
Le Gambit du Cavalier c'est un peu la Demi-Brigade de Faulkner : reprendre un personnage de ses romans pour le réinjecter dans plusieurs nouvelles touchant au policier. Sauf que, patatras, là où l'un où était une vraie réussite, roman généreux, de gourmand, parvenant à densifier son personnage tout en gardant une bonne part de mystère (différent du simple suspense), l'autre est rachitique, anémique...
Ce qui semble par trop paradoxal chez l'auteur qui sait d'habitude jouer avec tant de brio de ces parts de brume et en faire les articulations majeures de sa narration. Mais, en définitive, pour que ces zones aveugles puissent fonctionner encore faut-il qu'il y ait la matière à contraste, la part concrète des choses. Or, ici, pas d'enquêtes, ni de puzzle, encore moins de suspense ! Ni même de véritables portraits psychologiques ; on a un mort, un coupable et un long dialogue où l'on explique de A à Z tout à ce bon Gavin, ce personnage rapidement sympathique mais surtout totalement transparent que Faulkner tente dur dur de rendre iconique.
Le Gambit du Cavalier, novella, par sa dimension proche du petit roman retrouve les qualités tant d'écriture que de narration de l'auteur mais renifle bon le déjà lu, les mêmes situations redistribuées et renforce le déséquilibre des autres nouvelles. Le recueil n'a pas la cohérence kaléidoscopique de Descends, Moïse ou de l'Invaincu.
« – Peut-être que si, dit-il. Peut-être que je pourrais aller voir où ça se trouvait.
– Tu n'as pas besoin de te déplacer pour ça, dit son oncle. A la bibliothèque. Rien qu'en ouvrant la bonne page dans Conrad* : le même carrelage vernissé rouge et noir, les mêmes moulures dorées, la faïence, le Boule ; jusqu'au long miroir qui semblait contenir, comme dans un plat d'argent, toute la lumière condensée de l'après-midi, où semblait flotter, sur les profondeurs, comme un nénuphar sur sa propre répétition concordante, ce front innocent et lisse de toute pensée, uniquement ravagé par la douleur et par la fidélité...»
___________________
{* Heart of Darkness ? : “The dusk was falling. I had to wait in a lofty drawing–room with three long windows from floor to ceiling that were like three luminous and bedraped columns. The bent gilt legs and backs of the furniture shone in indistinct curves. The tall marble fireplace had a cold and monumental whiteness." }
Les Prodiges de la vie
Sortie : 1904 (France). Recueil de nouvelles
livre de Stefan Zweig
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Voila l'automne et j'ai soif de crépuscules ambrés, de douces lumières dorées, de confortable peinture flamande et de forêts humides normandes.
Une des premières nouvelles de Zweig, concentrée comme un alcool aux reflets mordorés et qui condense en elle plusieurs thèmes essentiels. Où l'on tangue entre l'art, la vie et Dieu, mais aussi et c'est le nerf de cette nouvelle historique entre plusieurs religions : judaïsme, catholicisme, protestantisme. On est alors plongé à Anvers en pleine Querelle des images (http://bit.ly/1rfcD44) et la nouvelle fourmille de couleurs, tantôt délavées, tantôt cristallines, souvent des jeux lumières, d'ombres et de reflets qui confinent à l'illusion et que l'on retrouvera plus tard chez la contre-Réforme. Une nouvelle profondément duelle, métaphysique, où l'extase mystique, l'amour et la sexualité s'entre-mêlent et se dissolvent. Mais sans doute de façon un peu trop littéraire. C'est très joli mais c'est aussi tout fleuri de théorie et on peine à y croire.
Le Grand Troupeau (1931)
Sortie : 1931 (France). Roman
livre de Jean Giono
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Il y a un profond, riche, insoluble paradoxe chez Giono : totalement traumatisé par 14-18, l'on connaît tous ses paroles 'je ne peux pas oublier', devenu pacifiste absolu, jusqu'à la passivité, mais qui aura imaginé des Langlois et des Angelo... hauts personnages purement romantiques qui utiliseraient n'importe quel prétexte, souvent les plus nobles, pour partir à l'aventure, c-a-d sortir l'épée au clair et faire parler la poudre et faire couler le sang ou même tous ces autres comme Panturle qui ne resteront pas inactifs.
Celui-là, à dire vrai, ne m'a jamais fait trop envie et je l'ai surtout lu pour combler le trou entre Regain et Jean le Bleu. En effet, malgré le style nerveux, enlevé, apocalyptique qui tend à démontrer que s'il y a bien deux manières chez le manosquin, il n'y a pas deux périodes opposée, tranchées, ça tend à virer au réquisitoire et donc au système et là, moi je m'ennuie.
Créateur d'étoiles
Starmaker
Sortie : 1937 (France). Roman
livre de Olaf Stapledon
Nushku a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
1937. Un des pères fondateurs de la SF dont toute une flopée d'auteurs se réclame et ce n'est pas étonnant. Tout est déjà là. Des auteurs qui sondent des échelles vertigineuses comme Clarke, Baxter, Simmons, Vinge ou Stross ne feront en fin de compte qu'affiner certaines données scientifiques et rajouter des découvertes plus ou moins récentes. Starmaker s'étale en effet sur toute l'histoire de l'Univers, et même au-delà. Les voyages dans le temps, les univers parallèles répondent présents. Déjà on fait bouger des planètes, des soleils. Le Point Omega est inventé, d'ores et déjà poussé à son extrême. Même Dyson pour sa sphère s'en inspirera !
Etant des décennies avant les tâtonnements de la conquête spatiale; on est plus proche de Jules Verne ou même dans l'idée de l'Histoire Vraie de Lucien avec ses races qui sont le reflet pas très déformant de sa société : ici, Stapledon s'adonne à de l'exobiologie, imaginant des physiologies en fonction de la gravité, de l'atmosphère, du soleil comme le feront d'autres auteurs et les scientifiques plus tard. Et pour forger le chaînon manquant, Borges en signe l'avant-propos... assez plat, il faut l'avouer. Il le désigne par ailleurs mauvais styliste et je ne suis pas d'accord, l'écriture a de jolis accents poétiques et se tient toujours.
Donc, sans hyperdrive, holo-chambres, télétransporteurs et autres joyeusetés, la quintessence de la SF, ce qui la rend aussi indispensable que la poésie, ce qu'elle seule peut délivrer, le sense of wonder, est bien présent. A dire vrai, je crois qu'on ne peut pas réellement le dépasser tellement Stapledon va jusqu'au bout de ses idées et avec une certaine élégance.
On reprochera tout de même que tout du long on reste sous la coupe de l'humain : les aliens, même les bizarreries aquatiques ou les nuages de gaz, sont appelés "hommes" et leur intelligence "humaine". Surtout, leurs sociétés se fondent toujours à l'aune de l'époque son auteur et de ses convictions, tout finit par retomber dans un clivage maître/esclave assez manichéen le plus souvent expliqué par la biologie... Pas sûr que les sociétés de la galaxie passent toutes par le même modèle galactico-Marxiste. Associé au style naturaliste de l'auteur, c'est quelque peu fastidieux. Dommage car de ce côté là j'attendais plus qu'un réquisitoire lié à notre époque ou même à notre planète.
Et puis, il y a toute la dimension spirituelle, qui loin de contredire le versant SF ne fait que l'approfondir, le cerner, le multiplier.
Contes du lundi (1873)
Sortie : 1873 (France). Recueil de contes
livre de Alphonse Daudet
Nushku a mis 7/10.
Annotation :
Guerre de 1870. Puis la Commune. Je suis un peu d'accord avec ceux qui ont critiqué la façon un peu fallacieuse dont est présentée cette dernière.
Sinon c'est du Daudet, c'est donc sans surprise vivant, vivace, enlevé. Si c'est très souvent fort drôle ça sait se faire, quand il le faut, triste ou même amer. C'est d'ailleurs ce décalage qui donne tout le relief à ces petites vignettes colorées comme des images d'Epinal. Vignettes parfois un peu disparates : le recueil paraît un brin trop long.
Les Sphères de cristal (1984)
The Crystal Spheres
Sortie : 5 avril 2003 (France). Recueil de nouvelles
livre de David Brin
Nushku a mis 5/10.
Annotation :
Du moyen pris dans une gangue de mauvais : il faut alors faire l'effort de désincruster soi-même les quelques idées intéressantes. Couches de kitsch ou... plutôt une absence d'élégance, de contraintes, de retenue, quand c'est, justement, cette élégance d'idées et/ou de style que j'aime à retrouver dans ma science-fiction. Exceptée deux-trois nouvelles, courtes, celles qui tendent vers le poème, où l'on ressent l'émerveillement de son auteur, on a des couches de longueurs pénibles et de narration toujours maladroite, d'autant plus quand elle tente des structures convenues : flashbacks, imbrications, monologues internes. Brin n'a clairement pas les capacités littéraires nécessaires pour soutenir ses intentions sans ployer. Dès les 10 pages passés, ça s'étiole et vire au rance.
Il a une tendance également à tout expliquer, à dire au lieu de nous montrer et partant à nous verrouiller ce que le texte devrait ouvrir. Regrettable.
La plupart des nouvelles pour répondre au paradoxe de Fermi, autrement dit à la question douloureuse de l'absence de Contact. Pourquoi le ciel ne regorge-t-il pas de vie ?
{Tester, tout de même, Gregory Benford, son ami et collègue... m'a l'air plus rigoureux.}