"Elevated Horror": guide pratique

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Ma théorie personnelle - forcément faillible - c'est que l'explosion elevated horror de l'époque It Follows / Babadook a été largement entraînée, dans les années précédentes, par une vague de réalisateurs assez prestigieux qui ont prouvé la faisabilité et la rentabilité de ce genre de concepts. Aronofsky, et ce film, en sont un exemple type.

C'est, au demeurant, un film tout a fait typique du monsieur: pas très finaud, mais spectaculaire dans ses effets, avec une verve esthétique qui fait avaler un certain nombre de couleuvres narratives.

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Le seul Mike Flanagan sur cette liste. Il est venu, il a pris le pouls des changements dans l'horreur et de ce qu'elle allait devenir pour la décennie à venir, et ensuite il s'est barré pour s'enfoncer dans son esthétique néo-Stephen-King-esque, dans laquelle il a ma foi trouvé un beau succès.

"Absentia", reste, au demeurant, un de ses meilleurs films, un bijou indie minimaliste et profondément malaisant sur une petite ville paumée et une famille brisée toutes deux rongées par cette "absence" incarnée dans un genius loci malveillant. Excellent, et véritablement effrayant.

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Dans la même veine que Black Swan, un autre précurseur. Et un chouette film, quand bien même je ne suis pas le plus fervent adorateur de Villeneuve: les références, de Hitchcock à Possession, en passant surtout par le Cronenberg années 2000, sont quand même bien visibles, mais le mélange est assez habile, bien joué, et enrobé d'une photographie brunâtre très mémorable.

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Benson et Moorhead (avant de céder aux sirènes hollywoodiennes et de bosser notamment sur la très médiocre série Loki) ont été tout au long des années 2010 des chantres du film horrifique, minimaliste, très indépendant (20 000 dollars de budget sur celui-ci), et narrativement touffu. On ne peut qu'admirer l'ambition de celui-ci, leur premier, sur deux amis en proie à une créature qui est peut-être aussi la structure narrative du cinéma. C'est mumblecore en diable, mais bien joué, bien écrit, et prenant de bout en bout, jusqu'à un final aussi étrange que mémorable.

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Je ne suis pas un adepte de Roger Ebert, mais je me permets de le citer: "je n'y comprends rien, et ce que j'en comprends, je ne l'aime pas." Under the Skin, pour autant que je comprenne son attrait, a toujours été un film qui m'a personnellement rebuté. Il a su prévoir beaucoup de tendances esthétiques, et a influencé une génération entière: indéniable. Johansson y trouve un de ses meilleurs rôles: sans doute. Mais je n'arrive pas à y voir autre chose qu'un objet esthétique finalement très vide. Peut-être faudrait-il que je le revisite.

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On ne le présente plus, le seul, l'unique, le chef-d'oeuvre, It Follows.

Même près de dix ans après sa sortie, je pense que ça reste toujours un des premiers films auxquels les gens pensent lorsqu'on évoque ce concept (ô combien difficile à définir) de l'elevated horror. Même si des films comme The Babadook ou The VVitch ont été aussi importants dans la poussée du genre vers le mainstream, ils se positionnaient tout de même dans des esthétiques connues (le gothique, la folk horror). It Follows, même si son propos est évidemment brillant, c'est surtout un film qui a inventé une grammaire visuelle, sonore, esthétique et pratique qui a été reprise par des dizaines d'imitateurs moins talentueux, qui n'ont rien su capter du minimalisme glaçant, précis et cependant tendre de Mitchell.

(on attend la future suite?)

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Amirpour est une réalisatrice très intéressante, dont les projets varient grandement en qualité, mais qui restent toujours surprenant. Celui-ci, son premier, sur un vampire en tchador qui hante les rues de Téhéran, reste probablement son meilleur: derrière ses habits de film de genre, c'est presque une romance, quelque chose d'adolescent, sur la liberté sexuelle et la prise de conscience de son propre potentiel pour la violence. Chouette film.

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Film d'horreur ou comédie romantique, on ne sait pas trop, où un homme s'éprend d'une abomination venue du fond des âges. C'est très convaincant dans les effets horrifiques, mais c'est surtout d'une poésie et d'une énergie folle: un film magnifique, qui a toute la force d'une espèce de conte primitif. Le meilleur Benson/Moorhead.

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Pour autant que j'apprécie grandement le premier film d'Eggers, il n'a (contrairement à The Lighthouse) pas forcément très heureusement vieilli. A l'époque, c'était quelque chose de nouveau et d'excitant: avec du recul, les influences sont quand même grosses (surtout le "Eyes of Fire" d'Avery Crouse), et le récit, s'il est très bien mené, reste un petit peu basique. La fin, et sa célébration du "mal" comme délivrance du dogme sociétal, reste un pur moment de bonheur, en revanche.

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Une expérience incroyablement angoissante, et un film passé tristement inaperçu. Faut croire que c'est la malédiction de Karyn Kusama, son "Jennifer's Body" avait aussi été reçu avec un haussement d'épaules avant de devenir un film culte au fil des années 2010.

Le postulat n'est certes pas original, et le côté "scènes à faire" peut déranger (surtout dans le pré-générique du film, qui est, effectivement, un peu générique), mais il y a une subtilité dans le jeu d'acteur, une retenue dans la réalisation, et une sobriété glaçante dans la mise en scène qui ne cesse d'étirer et d'étirer la tension. Plus, un propos fascinant sur le nihilisme comme solution de facilité aux maux du monde et aux traumatismes tant historiques que personnels, comme remède, comme mode, même. Un joyau.

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J'ai écrit dessus! Cf. la critique.

Un film très sous-estimé, franchement astucieux dans sa construction, qui mêle assez heureusement le film de monstre traditionnel et le côté thématique abstrait.

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Lorsque je l'ai vu pour la première fois, il m'a inspiré une réaction de détestation que peu d'autres films ont réussi à provoquer. J'ai haï ce film pendant des années: avec du recul, et la lecture de quelques talentueux critiques, je me rends compte que c'est un cas classique, du type "est-ce que ce film est mauvais, où est-ce qu'il essaye juste d'être désagréable à regarder et y arrive trop bien?".

Au demeurant, je n'ai pas une grande affection pour Oz Perkins (fils d'Anthony Perkins, si si) - sa mise en scène un peu vaporeuse frise toujours la prétention, mais ici, déployée dans un récit sur la solitude émotionnelle abjecte de jeunes filles perdues dans l'immensité blanche et stérile d'un campus sous la neige, elle déploie un pouvoir indéniable.

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Aronofsky fait ce qu'il fait de mieux. Virtuose dans la mise en scène, avec la subtilité d'une boule de démolition, ici réinterprétant la Bible sous un prisme tantôt féministe, tantôt concerné par les idées d'auteur et de texte. C'est un peu prétentieux, mais assez charmant.

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Un vrai-faux-peut-être film d'horreur, entièrement construit sur l'attente, l'expectative, les espaces sourds et ambigus qui serviraient de ponctuation à un autre métrage - au service d'un propos simple et efficace sur la xénophobie et la désintégration d'une société. Un grand film.

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C'est beaucoup plus classique ("mainstream", pourrait-t-on dire avec un ton méprisant) que leur précédents efforts, avec un ton qui lorgne peut-être davantage du côté de Stephen King, mais quand bien même, cette vraie-fausse suite de "Resolution" est audacieuse dans ses concepts, et propose une très charmante vision de l'amitié, et des rapports humains en marge de la société.

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Non pas que je sois un anti-Aster primaire ("Midsommar" est un de mes films préférés des années 2010), mais j'ai toujours trouvé qu'il atterrissait sur une lame de couteau entre un vrai talent et côté poseur provocateur assez désagréable. Lorsqu'Hereditary s'attaque aux mécanismes de la famille, il est fascinant, porté par une performance hallucinante de Toni Collette et un sens du détail qui nourrit une horreur sourde de tous les instants. Mais très souvent, le film, entre maquettes qui renvoient directement à l'œil du réalisateur (une obsession chez Aster, entre les personnages-anthropologues de Midsommar et la mère qui vend des systèmes de surveillance dans Beau is Afraid) et grandes discussions sur l'inévitabilité du destin, se perd dans une espèce de jeu de mise en scène, de théâtre de la cruauté, qui draine beaucoup de la puissance vénéneuse du script.

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Luca Guadagnino fait ce qu'il fait de mieux: presque un excellent film. L'idée de prendre l'original d'Argento à contrepoint, et d'en faire un film très posé, à la colorimétrie très terne, et centré sur une horreur beaucoup plus psychologique (avant de faire advenir le côté grand-guignol là où on l'attend le moins) est redoutablement intelligente, et il y a énormément à admirer (le fait que tous les rôles parlants soient joués par des femmes, même les rôles masculins, pour renforcer les thématiques du film, est un coup de génie). Mais Guadagnino surexplique beaucoup trop son propos, se sent obligé ... soit de "justifier" sa réappropriation d'un matériel "inférieur" à des audiences bourgeoises européennes, soit d'expliciter constamment le film comme si le public était débile. On perd beaucoup.

Dommage que le film ait été un échec commercial (même si, compte tenu de ce qu'il est, ce n'est pas vraiment surprenant) - voir Guadagnino s'attaquer à des remakes d' "Inferno" et de "La Terza Madre" aurait été rigolo.

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Whannell a toujours été un scénariste extrêmement intelligent ("Saw" est une bonne série! si si, je vous jure!), et il apporte ses fascinations de toujours - la surveillance, le pouvoir, la technologie - dans un excellent premier film (techniquement, il a réalisé Insidious 3 avant, mais bon, ça compte qu'à moitié). La réalisation est excellente, avec une caméra contrôlée par ordinateur qui fait écho aux thèmes du script, et tout le film dégouline d'une ambiance cyberpunk post-onze-septembre délicieuse: une perle sous-estimée.

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Après "The Babadook", Jennifer Kent se lance dans une fresque historique dans l'outback australien, où une femme violée cherche à retrouver et tuer son agresseur. Une poursuite qui vire vite au fantomatique et à l'étrange, alors que les notions de réalité et de moralité se diluent dans la nature en proie à la violence coloniale. Pas un film tendre et agréable, mais c'est aussi unique que réussi.

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Une des meilleurs réussites de Garland - qui prend une matière de science-fiction très colorée et large pour, au final, faire un film très intimiste, qui se resserre presque dans ses derniers moments sur le destin d'un couple ordinaire. Derrière toutes les mutations dont sont victimes tant les personnages que les créatures qui les traquent, le film pose la question du changement: de la souffrance causée par l'évolution, par le fait de devenir autre lorsqu'on est changé par la maladie, le deuil ou l'âge; mais aussi, peut-être, du potentiel que renferme cette évolution. Provocant, et très beau.

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Honnête petite tranche d'horreur de la grande prairie. Pas d'une originalité folle (franchement, regardez plutôt "The Homesman" de Tommy Lee Jones), et je suis pas sûr que le gimmick de la narration non-linéaire serve vraiment le propos du film, c'est de l'abstraction un peu gratuite - mais c'est joli et bien joué.

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D'un point de vue strictement visuel, je ne peux pas trouver de défauts au film, qui arrive vraiment à donner l'impression d'être un cassette un peu maléfique trouvée dans les archives de la BBC, un genre de téléfilm qui vous broie l'âme, vu à trois heures du matin dans les années 80 dans un B&B au pays de Galles. Et il y a Sean Harris, qui, en plus de faire le méchant dans Mission Impossible, a aussi une longue et heureuse carrière dans l'horreur, entre sa petite apparition dans Prometheus, et son rôle de serial killer dans le très bon Creep de Christopher Smith - qui est impeccable, et qui parvient à donner à son personnage mutique un vrai pathos et une vraie ampleur.

En revanche, et je m'inscris là en faux vis-à-vis de la plupart des critiques, je trouve ça un peu narrativement indigent, voire même désagréable et un peu gratuit dans la façon qu'il a de conjurer les traumatismes d'enfance: Harris donne beaucoup de sa personne, mais le script ne reste finalement que dans des généralités un peu vagues - il manque une vraie bile, une vraie âme, qui viendrait compléter l'emballage visuel de cette histoire.

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Plus réussi encore que le déjà fantastique It Follows - et accessoirement, un film notoirement difficile, qui a presque coulé la carrière de réalisateur de Mitchell. Andrew Garfield y incarne un monsieur tout le monde qui se retrouve perdu dans un Hollywood de cauchemar, une espèce de labyrinthe sémiotique et carnivore - permettant au réalisateur de se lancer dans une plongée très Lynchienne (c'est Mullholand Drive version horreur) sur l'emprise de l'argent sur l'imaginaire collectif. Incroyable.

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Je sais pas très bien comment décrire cette chose. A voir absolument, en tout cas.

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Aster danse toujours sur le fil du rasoir entre la provocation facile et médiocre et le génie; mais il fallait bien qu'il tombe du bon côté au moins une fois.

C'est son meilleur film - souvent interprété comme une histoire "good for her" sur la vengeance d'une femme contre des hommes médiocres; ou lu comme l'histoire du recrutement dans un culte (aux tendances un peu fascistes, comme l'explicite d'ailleurs une scène de la version longue) de cette même femme, qui tombe dans la folie et l'horreur.

J'avancerais que ce n'est ni l'un ni l'autre: c'est un film sur l'empathie, dans toutes ses ambiguïtés - sur son pouvoir salvateur, et la façon dont elle sert à manipuler et altérer la réalité. Le tout placé dans un contexte ethnographique un peu bizarre - évoquant volontairement le film d'exploitation européen, les histoires de cannibales et de cultes sexuels à la Mondo Cane, mais plaçant le spectateur, comme les personnages (étudiants qu'ils sont) dans le rôles de l'ethnographe, du voyeur savant qui tente d'interpréter le film. Un classique moderne.

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La plus belle réussite d'Eggers - son côté esthétisant est mis au service d'une ambiance si précise, si unique, et si rarement vue au cinéma qu'on se retrouve complètement emporté dans ce monde étrange, à mi-chemin entre le théâtre de l'absurde à la Beckett et "Brand Upon the Brain" de Guy Madden.

C'est assez bien joué, drôle (les monologues de Dafoe!) et spectaculaire pour se présenter comme un divertissement plus ou moins mainstream, tout en multipliant les niveaux de lecture par centaines. A la fois un film sur le capitalisme, l'horreur cosmique, la sexualité (/homosexualité), la psychologie, la religion ... - The Lighthouse est d'une richesse à en perdre la tête.

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Un très beau petit film, qui se sert de la métaphore du monstre pour évoquer une relation douce-amère qui se délite avec le temps. Les scènes dramatiques, ou le film ralentit et laisse les acteurs se confronter l'un à l'autre pendant de longues minutes, sont d'une beauté farouche.

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Cf. la critique.

J'ai clairement les mêmes goûts que Rose Glass en termes de films d'horreur (ça fait plaisir de voir des gens qui ont vu le "Byzantium" de Neil Jordan, ce chef-d'oeuvre), mais ça ne m'empêche pas de penser que ce film a la finesse du requiem de Verdi, et son exaltation critique me fait gentiment hausser les sourcils.

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Un autre film qui a récolté une pelletée d'éloges que je trouve incompréhensible. Ca ne fait pas grand chose à part reproduire les canons de mise en scène du genre. L'idée de départ, certes, d'une veillée funèbre juive étant hantée par un monstre, est excellente, et il y a quelques moments visuels frappants, mais tout est très balisé.

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Quand je vous disais que j'étais pas fan d'Oz Perkins: ce truc a le mérite d'être très joli, et d'avoir Alice Krige, une actrice fabuleuse (la Reine Borg de Star Trek), pour porter le film, mais c'est pas à moitié creux.