L'horreur à la A24 est devenu un genre à part entière. C'est ce qu'on se dit en voyant que sont sortis, à quelques mois d'intervalle, ce Saint Maud et le Gretel et Hansel d'Oz Perkins. D'un côté, c'est plutôt cool qu'une des forces majeures du cinéma d'horreur contemporain soit ces espèces de plongées anxiogènes et assez expérimentales dans la psyché de personnages tourmentés, et qu'il y ait une vraie reconnaissance des auteurs qui opèrent dans le cinéma de genre. De l'autre - à côté des grands films, on se retrouve avec une certaine quantité de suiveurs. Saint Maud est de ceux-là.
C'est pas que le film est raté. Il est bon, très bon même en de nombreux points. Et c'est pas impossible de le préférer à certains "grands" films d'A24, genre ceux d'Ari Aster, qui sont autrement plus abrasifs et déplaisants. Mais au final, il ne fait que rester dans les canons de tout ce genre-là - du ton sombre et méditatif traversé de bouffées de violence extrême, en passant par le propos sur la fémininité et la place des minorités, sans oublier bien sûr le grand classique, finir sur l'apothéose du personnage principal (coucou Hereditary, Midsommar, The VVitch, The Lighthouse, j'en oublie ...). Ca va même plus loin que ça - on pense beaucoup à L'Exorciste pour le propos et certaines scènes, le côté ville de plaisance sinistrissime m'a énormément rappelé le fabuleux (et bien trop sous-estimé, ce film est une tuerie) Byzantium de Neil Jordan, le rapport à la danse fait de l'œil au Suspiria de 2018, les courtes scènes de flash-back ont un petit côté Mike Flanagan, les nappes de synthé prient à l'autel de Carpenter, et tout le film fait aussi énormément penser à Peter Strickland, un autre réalisateur de fantastique fort British ... C'est très, très balisé au niveau structurel. Pour autant qu'on puisse apprécier les références, ce qui est mon cas, il y a vraiment un manque en terme de proposition forte, d'originalité, de propos personnel. Je ne doute pas que la réalisatrice ait voulu livrer quelque chose de très personnel, attention - vu le sujet, je pense même qu'elle a fait de son mieux, mais il y a vraiment un côté bon élève, bien appliqué, linéaire qui empêche de s'investir, d'être emporté par la dimension personnelle et tragique de cette histoire.
C'est probablement explicable par son statut de premier film. Qui se voit aussi d'ailleurs dans une sale manie de sur-expliquer ses thématiques, toujours un grand motif d'agacement: tout le passage où la chorégraphe explique à ses invités qu'elle n'arrive pas à savoir si Maude est homophobe ou une lesbienne qui ne s'assume pas est ... assez inexplicable pour moi. Je veux dire, oui, c'est le propos du film, mais on a vu cinq minutes de scènes à la sensualité appuyée entre les deux personnages juste avant. On a compris. Il y a un manque de complexité, en fait - c'est là que le film échoue à se mesurer à ses modèles. Byzantium sans la densité des thèmes; A24 sans la puissance évocatrice de son ambiguïté. Un élément très révélateur à ce niveau, c'est finalement que Maude soit, somme toute, une assez mauvaise catholique. Toutes les scènes de prière (et ça, reconnaissons-le, c'est un détail franchement bien pensé) se centrent sur Maude se mettant en avant, fustigeant presque Dieu de ne pas lui rendre des services personnelles, comme si elle était Sainte Karen demandant de voir le manager du paradis. Le commentaire sur l'hypocrisie du personnage est intéressant, mais c'est difficile d'échapper au fait qu'un film qui aurait pleinement assumé l'ambiguïté et le pouvoir de cette confrontation avec la foi en serait probablement sorti beaucoup plus intéressant. Ici, on ne dépasse pas la surface. Une belle surface, incarnée par des actrices absolument fabuleuses (Jennifer Ehle et surtout Morfydd Clarke, qui va jouer Galadriel dans la série Seigneur des Anneaux, fun fact - sont absolument époustouflantes), mais au final, le film ne dépasse pas vraiment les icônes que Maude colle à ses murs. Rassurant, mais plat, et sans grâce.