Éric Rohmer - Commentaires
Amoureux de la forme mais hostile au formalisme, épris de modernité sous des dehors traditionalistes, balzacien en goguette, Éric Rohmer est sans doute l’un de mes cinéastes favoris. Il a exploré avec autant de rigueur que d’humour les champs de la foi, de l’éthique et des valeurs sociales. Faite de ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a environ 3 ansLe Signe du lion (1959)
1 h 43 min. Sortie : 3 mai 1962. Drame
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Pour le jeu de l’exégèse, on peut inventorier toute une smala chabrolienne : Géhauff aux dialogues, le parfum de satire bourgeoise, un rôle pour Stéphane Audran (que cette femme était belle). Godard et ses lunettes noires, Marie Dubois héritent aussi de quelques plans. Rohmer ébauche surtout les fondements d’une philosophie (le hasard, le destin) et d’une esthétique attachée aux lieux (Paris en été, écrasé par un soleil de plomb, où les couples se prélassent le long de la Seine). On y suit la déambulation d’un bohème oisif soudainement sur la paille, confronté à l’indifférence, au dénuement, à sa clochardisation progressive, subie davantage par passivité que par infortune. Le propos est noir, fixé dans sa nudité concrète, mais éclairé d’un amusement ironique que la pirouette finale met en relief.
La Collectionneuse (1967)
1 h 29 min. Sortie : 2 mars 1967. Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
L’engourdissement provençal, la léthargie en bleu, en mer et en soleil, les jeux dans le jeu de la mise en scène, l’insouciance détachée, boudeuse et insolente d’Haydée Politoff, le littoral lumineux où se perd le regard de son héros dans des scènes de pure contemplation épicurienne, les comportements de séduction égratignés avec ironie et lucidité par le cinéaste… Léger et profond à la fois, le deuxième long métrage de Rohmer donne envie de manipuler cette boîte de conserve bardée de larmes de rasoir, de prendre un Rousseau dans la Pléiade pour aller s’assoupir sous un chêne-liège ou de faire une scène en tapant du pied sur le plancher. Il est comme une note d’intention affichant tout ce qui fera son art, alanguie dans une douceur estivale qui en renforce le charme et l’évanescence.
Ma nuit chez Maud (1969)
1 h 50 min. Sortie : 4 juin 1969. Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
A priori, le film le plus austère de l’auteur. En réalité, l’un des plus concrets et pénétrants de sa carrière, celui où il cerne au plus juste le nœud gordien de son corpus thématique – le libre-arbitre, les questions du hasard, de la nécessité et de l’honnêteté intellectuelle. Questions hautement abstraites mais transformée par le grand art rohmerien en variations délectables, tangibles, sur les jeux de l’amour et des coïncidences. Car si Marx, le pari de Pascal et la religion sont convoqués, le film transcende miraculeusement l’intellectualité de son sujet par l’humour et la sensibilité du traitement. C’est un cinéma de chambre d’une grâce folle, dont le charme se mêle de gravité et de mélancolie, et qui enivre par l’acuité précise et musicale de ses dialogues, son attention aux visages, sa sensualité en sourdine.
Top 10 Année 1969 : http://lc.cx/2iy
Le Genou de Claire (1970)
1 h 41 min. Sortie : 15 novembre 1970 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
L’auteur poursuit un ensemble tranquillement à contre-courant des modes, brillant, secret, uniformément commenté à la première personne. Il dresse cette fois le portrait d’un libertin bien de son époque, qui en bon héros rohmerien ne voit que ce qu’il peut ou veut, déguise sa vengeance derrière le défi et cache sa mauvaise conscience et son dépit de séducteur défaillant autant dans le refuge des incitations de la romancière que dans celui d’une moralité à la logique constamment interrogée. Très au-dessus de tout le monde pour croquer et cerner le comportement amoureux de ses personnages, le réalisateur filme jeunes filles en fleur, promenades estivales et marivaudages primesautiers sur les bords du lac d’Annecy, avec l’insouciance acidulée du temps des cerises et la picturalité ensoleillée d’un Gauguin.
L'Amour l'après-midi (1972)
1 h 37 min. Sortie : 1 septembre 1972 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
S’il est d’abord irritant à plaisir par une exaspération des ridicules de son temps, le dernier "Conte moral" s’avère d’autant plus grave qu’il enregistre le ressassement des jours et des obsessions et prend soin de les inscrire dans un contexte social et topographique précis. C’est la chronique d’un adultère filmé sans jugement, avec une forme de tristesse voilée qui ne se départit jamais de l’euphorie qui l’accompagne. Le timbre de voix singulier de Zouzou, la ronde des actrices rohmeriennes pour un rêve délicieux, une conclusion particulièrement poignante en font une autre réussite notable, qui entraîne son personnage au bord du dilemme tragique, le précipite dans la spirale d’un escalier sans limites et finit par le délivrer de sa bonne conscience raisonneuse en faisant jaillir les larmes de sa femme.
La Marquise d'O... (1976)
Die Marquise von O...
1 h 42 min. Sortie : 15 septembre 1976 (France). Drame, Historique
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Germanophile notoire, Rohmer adapte une nouvelle de Kleist sans la moderniser, en respecte scrupuleusement le verbe, et la restitue dans les conventions de son époque en s’inspirant de la peinture romantique (il y cite le Cauchemar de Füssli ou Le Gâteau des Rois de Greuze). Ce faisant il double la quête morale des précédents Contes d’un débat sur la transparence et les artifices de la représentation. Sa capacité à joindre le plaisir intellectuel et la vérité des cœurs défie l’analyse, car ce superbe portrait de femme est aussi une célébration de la probité et du lien familial. Lorsque la mère pleure de joie en prenant conscience de l’innocence de la marquise et implore son pardon, lorsque le père étreint cette dernière après s’être réconcilié avec elle, rien n’existe plus que l’émotion qui jaillit.
Top 10 Année 1976 : http://lc.cx/AUF
Perceval le Gallois (1978)
2 h 20 min. Sortie : 7 février 1979 (France). Drame, Historique
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Hhmmpfff. Toi qui te prétends fan de Rohmer et te pâmes devant ses dispositifs dénudés, frotte-toi à son adaptation de Chrétien de Troyes, où l’on parle le vieux françois dans un décor de maternelle digne de l’"Île aux enfants", où Perceval va d’aventure en aventure comme un grand benêt, accompagné d’un chœur de ménestrels jouant du luth ou de la guitare sarrazine. Si tu en sors ravi, tu es bel et bien vendu jusqu’au bout des ongles. Car l’expérience s’avère pour le moins radicale, qui conserve l’octosyllabe rimé, pousse la représentation non perspective du Moyen-Âge dans une fidélité audacieusement littérale à l’abstraction du roman courtois et tourne le dos à toutes les conventions du réalisme cinématographique, sans la moindre peur du ridicule. À vivre une fois mais probablement pas deux.
La Femme de l'aviateur (1981)
1 h 46 min. Sortie : 4 mars 1981 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 9/10.
Annotation :
Début d’un nouveau cycle, et toujours l’état de grâce. Rohmer n’avait encore jamais fureté dans ces eaux-là, visé une telle ténuité, une telle transparence : ici pas de plans à la beauté hiératique ni de reconstitution stylisée, mais une liberté de ton qui s’accorde à merveille avec la psychologie incertaine des protagonistes. L’argument est mince, vague semblant de filature que le regard unique du cinéaste transforme en suspense minimaliste, avec les Buttes-Chaumont en guise de terrain de jeu. La narcolepsie du héros interroge – est-on dans un rêve ? Si le charme pétillant d’Anne-Laure Meury entraîne l’aventure dans un ludisme revendiqué, une métaphysique de l’imaginaire, la fragilité de Marie Rivière, confrontée dans le lit d’un petit studio à la jalousie de son petit ami, vient voiler le final d’une gravité nouvelle. C’est magnifique.
Top 10 Année 1981 : http://lc.cx/UyY
Le Beau Mariage (1982)
1 h 37 min. Sortie : 19 mai 1982 (France). Comédie, Drame, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Plus que dans tout autre "Comédie et Proverbe", Rohmer s’interroge ici sur la substitution à une morale d’un système de normes sociales et dessine les nouveaux contours d’une éducation sentimentale où le mariage constitue le modèle presque marchand de la société bourgeoise. C’est tout l’enjeu de l’aventure vécue par Sabine, petit lutin fonceur buté sur son obsession, sur un malentendu qui engendre un combat amoureux, et dont le doux délire tient à la fois du caprice égoïste, du jeu superficiel, voire d’une certaine forme d’érotomanie. Ses assauts répétés, de plus ou plus désespérés, pour conquérir le cœur d’un élu choisi presque par hasard, se heurtent à la résistance diplomate et courtoise d’un Dussollier particulièrement savoureux (ah, cette grande scène d’explication au bureau !).
Pauline à la plage (1983)
1 h 34 min. Sortie : 23 mars 1983. Comédie, Drame, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Rohmer vogue, le cœur vague, l’esprit aux aguets. Autrefois on appelant ce type d’œuvres des "levers de rideaux" – Marivaux en a écrit de célèbres, Musset aussi. On est davantage dans la tonalité du "Genou de Claire" ici. C’est un marivaudage estival au charme exquis, qui analyse avec ironie et clairvoyance plusieurs attitudes face à l’amour, en laissant chacun s’expliquer, en donnant ses raisons à tout le monde, même à ceux dont les comportements se font les plus cyniques, les plus immoraux. Il y est question d’illusions sentimentales, de naïveté, d’apprentissage. Dans ce chassé-croisé, ce sont les jeunes, les ados, qui se révèlent les plus lucides, les plus honnêtes, et dont les affectations sincères interfèrent dans les manigances des calculateurs. Légèreté et profondeur, encore et toujours.
Top 10 Année 1983 : http://lc.cx/UyN
Les Nuits de la pleine lune (1984)
1 h 41 min. Sortie : 29 août 1984 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Toujours la même question : qu’est-ce qui sépare une comédie d’un conte moral ? Pas grand-chose. L’esprit XVIIIè siècle est là, la chorégraphie délicate des sentiments et des caprices qui, tels des ludions mal accordés, ne vivent jamais au même niveau, les pas-de-deux de l’inconstance et du bonheur perdu. Ce film-ci offre également l’occasion de rappeler à quel point le cinéaste est un grand peintre de la société, capable d’en saisir des instantanés précis, expressifs, parlants – attitudes, signes, musiques, décors, tout respire l’époque et le lieu qu’il s’emploie à décrire. Pascale Ogier y est une figure touchante de femme libre mais immature, apprenant à ses dépens les conséquences du badinage et la difficulté à s’engager (l’une des fins les plus cruelles que Rohmer ait imaginées)
Le Rayon vert (1986)
1 h 39 min. Sortie : 3 septembre 1986. Drame, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Rohmer aime le contre-pied, les défis, les hasards stimulants. Il fait ici le pari d’une liberté totale, de l’improvisation, du relâchement narratif – l’expérience est absolument miraculeuse. Sur les pas d’une jeune femme en mal d’amour, il dessine la quête d’un bonheur, une utopie de la rencontre romantique. Confrontée à la qualité réelle de ses relations sentimentales et aux échecs qu’elle connaît trop bien, l’héroïne s’accroche, persiste à croire à cette lueur verte du soleil couchant qui lui permettrait de distinguer ce que les autres ne voient pas. Marie Rivière déploie des trésors de sensibilité fragile, suivant un parcours spirituel ponctué de signes (une carte zodiacale sur son chemin), de moments de détresse et d’espoirs éphémères, jusqu’au suspense solaire final, merveilleux instant de plénitude atteinte qui clôt le film avec une intensité dévastatrice.
Top 10 Année 1986 : http://lc.cx/UVF
4 aventures de Reinette et Mirabelle (1987)
1 h 39 min. Sortie : 4 février 1987 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Atteindre la simplicité et l’évidence est un luxe que seuls les plus grands peuvent s’offrir : Rohmer y parvient en quatre segments rivalisant de charme, d’acuité et de drôlerie, quatre petits contes philosophiques sur la liberté, la morale, la sincérité, l’amitié. À la campagne Reinette fait découvrir à Mirabelle l’heure bleue où la nuit se meurt et où le jour naît dans un silence absolu. À la ville c’est à un garçon de café irascible, une voleuse compulsive, un marchand d’art qu’elle expose en détails ses convictions et ses théories. La caméra s’amuse de ces historiettes sans histoire, de ces délicieuses futilités, de ces improvisations alertes où tout se joue entre ce qui sort de la bouche et ce qui arrive à l’oreille. La modestie du propos nous rend attentif au moindre détail et son intelligence est le gage de la nôtre.
L'Ami de mon amie (1987)
1 h 43 min. Sortie : 26 août 1987. Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
C’est dans le cadre de la nouvelle banlieue et les tonalités pastel de Cergy naissante que le cinéaste place cette interrogation subtile et tendre sur les jeux de l’amour et du hasard, qui élabore d’infimes variations autour de la timide et touchante Emmanuelle Chaulet – le genre de fille qu’on ne remarque pas au début puis dont on finit par se dire qu’elle est la plus jolie du monde. Quelques larmes de bonheur et de désarroi versées au bord d’un étang, un bel éloge de l’amitié féminine, des quiproquos savoureux, une conclusion lumineuse où le vert et le bleu qui vêtissent les couples d’amoureux figurent une harmonie trouvée. Ça devient banal de le répéter, mais c’est toujours aussi beau, émouvant, fin, léger à la fois : nouvelle potion magique dont l’alchimie régale l’intellect en même temps qu’elle stimule la sensibilité.
Top 10 Année 1987 : http://lc.cx/UVy
Conte de printemps (1990)
1 h 48 min. Sortie : 4 avril 1990. Comédie, Drame, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Et hop, entame d’une nouvelle série. Changement dans la continuité donc, avec ce premier volet, sans doute le plus faible, mais qui reste évidemment très plaisant, et au-dessus de l’essentiel du reste de la production. Jeanne est morale, aime l’ordre et la raison, et partage quelques jours la vie de Natacha qui ressemble, elle, comme une sœur à une héroïne des "Comédie et Proverbes". Comme dans les contes de notre enfance, il y a des complots qui n’en sont pas, des mystères qui se dévoilent aussi simplement qu’ils s’étaient noués, et la résolution d’une intrigue qui piégera une père vaguement empoté mais séduisant. Le bavardage s’y fait sans doute plus théorique, plus verrouillé, dévoilant la logique d’un petit vaudeville des sentiments aux allures de conte humble et moraliste. Mineur mais charmant.
Conte d'hiver (1992)
1 h 54 min. Sortie : 29 janvier 1992 (France). Drame, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Quelque part, Rohmer retrouve ici la problématique de "Ma Nuit chez Maud" et remet en question le pari de Pascal à travers le choix de vie et les atermoiements de Félicie (adorable Charlotte Véry), partagée entre deux hommes mais gardant pour elle sa toute petite chance, fidèle à son idéal romantique. C’est l’un des plus beaux films qui soient sur les questions de la foi, de l’engagement, de la confiance en ce qui nous meut et nous fait accepter comme un dû la fatalité du bonheur. Avec une immense sensibilité, le metteur en scène inscrit la banalité du quotidien (élever seule une petite fille, osciller entre deux amants dévoués) dans une ferveur tendre et empathique, une sorte de féérie tranquille et sans apprêt, qui rend le miracle final proprement bouleversant. Comment, mais comment ce cinéaste fait-il pour être aussi génial ?
Top 10 Année 1992 : http://lc.cx/UPx
L'Arbre, le Maire et la Médiathèque (1993)
1 h 45 min. Sortie : 10 février 1993 (France). Comédie dramatique
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Une petite commune vendéenne sous mandat socialiste, ses habitants du cru, son instituteur écolo et son maire contraint à louvoyer entre ambitions électorales et fidélité à ses idées. Avec un regard aigu et amusé, Rohmer défriche la chose politique en s’autorisant des décrochages incongrus, relève l’écart entre le geste et la parole, égratigne les petites compromissions de chacun avec sa conscience. Car parler, s’expliquer, trouver les mots justes a toujours été le credo de ses personnages, confrontés aux problèmes de l’amour – ici, il est question de tradition et de modernité, d’urbanisme et de ruralité. Les acteurs se délectent (Dombasle en illuminée des champs, Luchini en prof socialo-buté), et la vérité sort de la bouche espiègle d’une enfant de dix ans, qui a tout compris avant tout le monde. Quel régal.
Les Rendez-vous de Paris (1995)
1 h 38 min. Sortie : 22 mars 1995 (France). Comédie romantique, Sketches
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Trois petits récits filmés en 16 mm, en tournant le dos, sans ostentation mais avec malice et fermeté, à toute forme de culte du professionnalisme. L’histoire d’un rendez-vous lucide qui se transforme en rendez-vous aveugle, celle d’une accumulation de rencontres dans les parcs et jardins de la capitale, celle enfin d’un rencart aléatoire que remplace un banal lapin, composent un ensemble d’imbroglios ludiques, de confidences, de tours et de détours, tout un jeu de la séduction sensible au plein air, aux squares, bancs et vieux quartiers de Paris. Difficile d’échapper au charme de ces déambulations, des improvisations, mimiques et friandises de ces jeunes gens, de cette diction où la plus experte des grammaires se mêle au langage parlé, et où les filles les plus sensibilisées à l’air du temps ont des "amoureux".
Conte d'été (1996)
1 h 53 min. Sortie : 5 juin 1996. Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
"Pauline à la Plage", treize ans plus tard. Un garçon hésite entre trois filles. Scène après scène, chacune se dévoile, échappe aux idées reçues, dresse tout un champ des possibles – la séductrice incarne un stade éthique quasi marital, l’amante idéalisée est plus fragile qu’on ne croit, la bonne copine pourrait bien être l’amoureuse parfaite. De ce chemin de douaniers riche en désirs de contre-bande, l’auteur fait une sorte de marivaudrome en constante évolution, une invitation non au voyage mais à la patience, à la sédimentation des expériences ordinaires. Chassé-croisé océanique et subtil, baigné du charme exquis des côtes bretonnes en plein été, qui délivre une philosophie de l’amour, une morale du choix, du compromis ou du renoncement. Au final, notre héros laisse le hasard décider pour lui – il a bien raison.
Top 10 Année 1996 : http://lc.cx/cTf
Conte d'automne (1998)
1 h 52 min. Sortie : 23 septembre 1998 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 9/10.
Annotation :
Entre deux conversations délicieuses dans les vignes lyonnaises, au-dessus desquelles veillent comme des sentinelles ambiguës du progrès les cheminées de la centrale nucléaire de Tricastin, les machinations cahotent vers un heureux dénouement. Couleurs brunes, gorgées d’une douce mélancolie, synchrones avec cet âge que le réalisateur a rarement abordé : le début de la cinquantaine, à la croisée des chemins, à l’heure des premiers bilans. Histoire de manipulation sentimentale comme il les affectionne, comédie faussement légère qui creuse les doutes et les aspirations de ses deux héroïnes, portées par la possibilité d’un dernier amour. De cette douceur automnale, de cette hymne à la rencontre, à l’entraide et à l’amitié naît une forme de sérénité qui montre à quel point Rohmer dit tout en montrant le moins.
Top 10 Année 1998 : http://lc.cx/UPA
L'Anglaise et le Duc (2001)
2 h 09 min. Sortie : 7 septembre 2001 (France). Drame, Historique, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Dialogues en salon, au verbe précis et raffiné, ponctués d’interludes extérieurs incrustant les personnages dans de superbes toiles peintes qui, conjurant toute tentative vaine de reconstituer un Paris qui n’existe plus, évoquent celles qui ont fixé l’époque dans nos mémoires. En ne cherchant jamais à masquer l’artificialité du procédé, Rohmer innove en d’audacieux partis pris esthétiques – voilà pour la forme. À rebours du folklore, le cinéaste raconte la Révolution française du côté des aristocrates, et en fait une sorte de cauchemar numérique en sourdine, un thriller captivant hanté par une terreur paranoïaque, charriant les dérives de l’idéologie, les tourments de l’Histoire, les conflits de la loyauté, de l’intégrité et de l’amitié amoureuse dans le cadre d’une scénographie minimale. Passionnant.
Top 10 Année 2001 : http://lc.cx/UPW
Triple Agent (2004)
1 h 55 min. Sortie : 17 mars 2004. Drame, Thriller, Historique
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Ancien général de l’armée blanche, Fiodor a une activité d’agent secret, il s’en cache à peine. Lui et sa jeune femme grecque se lient avec des voisins, partisans du Front populaire, puis le fossé idéologique se creuse en conversations policées, le paysage paisible se brouille, on ne sait trop comment ni pourquoi. Plus ardue et théorique qu’à l’accoutumée, cette approche très originale de l’espionnage met en relief la relativité de toute vérité en auscultant des comportements opaques, faussement neutres, mus par des intérêts fluctuants. Le microcosme du parti communiste des années 30 sert de cadre à une étude assez pessimiste de l’engagement et de la manipulation, dont j’avoue ne pas avoir saisi tous les tenants et les aboutissants mais qui propose une musique singulière.
Les Amours d'Astrée et de Céladon (2007)
1 h 49 min. Sortie : 5 septembre 2007 (France). Drame, Romance
Film de Éric Rohmer
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Il n’y a que ce cinéaste pour adapter un obscur roman d’Honoré d’Urfé situé au temps des Gaulois et s’échapper côté campagne en larguant les règles bienséantes de la contemporanéité. Il défie à nouveau toutes les modes et prête avec sa vison naturaliste d’un Moyen-Âge bucolique, peuplé de bardes, de druides et de nymphes, le flanc aux ricanements. Pour ma part, je trouve la proposition parfaitement stimulante, ouvrant une fenêtre inédite sur un monde celtique à la croisée des croyances, et doublant ses stratégies de séduction d’une ode assez enchanteresse aux puissances de l’illusion. Le verbe à double sens, le travestissement comme creuset de la sensualité, le plaisir du jeu et le piège subtil des apparences y renouvellent avec fraîcheur la substantifique moelle du monde rohmerien. Très belle sortie.