Milos Forman - Commentaires
Grand cinéaste de la subversion et de la contestation, qui a su intégrer le système hollywoodien pour le mieux le plier à son regard sarcastique, truculent, aigu, Forman n’a eu de cesse de révéler les contradictions de son pays d’élection : ses films sont autant de fables amères et émouvantes qui ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a presque 8 ansL'As de pique (1964)
Cerný Petr
1 h 30 min. Sortie : 23 novembre 1964 (France). Comédie dramatique
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
L’existence terne et sans horizon de quelques adolescents dans une petite ville provinciale, à l’heure morne du dégel qui est aussi celle du renoncement. Le héros est un garçon triste et renfermé, nanti d’un père sermonneur et d’une mère effacée. Il est de ces enfants nés avec la révolution qui non seulement n’ont pas trouvé l’équilibre mais sentent peser sur eux la moindre obligation, la moindre injustice, la moindre contradiction, subissant les deux voltages contradictoires des principes et de la vie. Forman se contente de ne pas gommer ses heurts, de ne jamais enjoliver, de serrer d’aussi près que possible la réalité, met toujours en balance l’humour et la mélancolie, et esquisse une satire sociale qui s’affinera dans les films suivants, dont ce premier long-métrage ne constitue guère qu’une ébauche.
Les Amours d'une blonde (1965)
Lásky jedné plavovlásky
1 h 21 min. Sortie : 16 février 1966 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
La bourgade de Zruc, sa fabrique de chaussures, ses deux mille âmes composées presque exclusivement de femmes. La situation est grave, on fait venir une compagnie de réservistes et le chef de l’usine s’improvise entremetteur. En une demi-douzaine de saynètes drolatiques, infusées par un burlesque qui dure et se consume jusqu’à l’épuisement, Miloš Forman fait le croquis d’une jeunesse désœuvrée, d’un conflit de générations toujours irrésolu, du passage difficile à l’âge adulte. Son regard est chargé de sympathie, d’une réelle tendresse, et c’est lorsque le rire se repose et que la cocasserie des situations reprend son souffle qu’affleure avec une douce amertume tout le désarroi de cette petite ouvrière à couettes blondes, à la recherche de sa place, d’une attention sincère, et d’un peu d’amour.
Top 10 Année 1965 : http://lc.cx/B2n
Au feu les pompiers ! (1967)
Hori ma panenko
1 h 10 min. Sortie : 15 juin 1968 (France). Drame, Comédie
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Bienvenue au bal des pompiers annuel, celui d’une petite ville isolée en plein hiver et à peine réchauffée par les cocasses travers de ses habitants. Les lots de tombola se font chouraver, l’élection de miss Pompiers peine à trouver ses candidates, la fête est bientôt avortée par l’appel de la sirène… En étendant aux dimensions du récit la description d’un rituel collectif sans faire venir personne au devant de la scène, Forman signe une farce politique en forme de parabole (le sort de l’individu est prisonnier de l’incohérence des décisions collectives). Procédant par juxtaposition et accumulation des situations et des personnages les plus défavorisés, il truste le burlesque jusqu’à satiété. Mais la satire est trop caricaturale pour être vraiment mordante, et son efficacité comique pas toujours très probante.
Taking Off (1971)
1 h 33 min. Sortie : 14 mai 1971 (France). Comédie, Drame, Comédie musicale
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
Ce qui aurait pu n’être qu’un témoignage supplémentaire sur le conflit des générations devient le portrait en parallèle de deux univers retranchés dans leurs phobies respectives : le monde déboussolé des adultes, d’une moyenne bourgeoisie new-yorkaise en pleine décomposition, et celui d’une chapelle adolescente pseudo-hippie qui lui est définitivement étrangère. Réfractaire à toute pétrification du réel dans l’idéologie ou la moralisation, le cinéaste multiplie les moments désopilants (l’anthologique cours de fumette donné par Schiavelli à une assemblée BCBG), sait se faire cruel sans être méprisant, magnanime sans être tendre, et témoigne d’un esprit corrosif et d’une lucidité critique qui font sans doute de ce film l’un des instantanés les plus justes de la société occidentale de l’époque.
Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975)
One Flew Over the Cuckoo's Nest
2 h 13 min. Sortie : 1 mars 1976 (France). Drame, Comédie dramatique
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 9/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Tel un microcosme de tous les régimes totalitaires, un symbole des déviances de la civilisation, la clinique psychiatrique de ce "Vol" forme un terrain de germe idéal pour le subversif Forman. Prenant fait et cause pour les réfractaires à l’ordre dominant, le cinéaste dresse un manifeste bouleversant, gorgé d’humour, d’humanité et de violence mêlées, contre une société coercitive, plongeant dans les racines de l’histoire américaine et de ses mythes fondateurs. Ainsi du personnage anarchique de McMurphy (Nicholson au-delà des superlatifs), miroir d’une nation jeune, puritaine, si anxieuse de voir resurgir le retour du refoulé qu’elle préfère lobotomiser cette part ingouvernable d’elle-même. Ainsi de l’Indien, qui à la fin parvient à extraire de son ami la force vitale pour retourner vers la terre des ses ancêtres. Larmes.
Top 10 Année 1975 : http://lc.cx/AU9
Hair (1979)
2 h 01 min. Sortie : 9 mai 1979 (France). Comédie musicale, Drame
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
La dimension contestataire de ce cinéma ne pouvait trouver meilleur écho que dans la fameuse comédie musicale de Broadway, étendard de la contre-culture hippie et radiographie en creux de l’Amérique bien-pensante, que Forman adapte avec l’humour acide, l’inspiration à la fois tonique, drôle et amère qui sont les siens. D’une suite de tableaux sans lien véritable autre que la libération des mœurs, sur laquelle plane l’ombre de la guerre du Viêtnam, il tire une réflexion désenchantée sur l’impossibilité de la révolution permanente et la victoire honteuse mais incontournable de tous les establishments. Jamais cependant le message ne prend le pas sur la bonne humeur, car il se dégage de cette explosion de musique et de couleurs une vraie unité, tant sur le registre critique que sur le registre spectaculaire.
Ragtime (1981)
2 h 35 min. Sortie : 6 janvier 1982 (France). Drame
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Belle et foisonnante fresque rétro. Le pianiste noir contraint à la violence pour faire valoir ses droits et le camelot juif débarquant à New York et se révélant un fabuleux inventeur d’images forment les deux visages complémentaires de l’intégration : l’un succombera, l’autre triomphera. Résolument dans le camp des opprimés qui dansent leur cakewalk au milieu des stucs rococo, Forman oscille entre la beauté de la jeunesse (Elizabeth McGovern, Mary Steenburgen) et la pugnacité de la vieillesse (James Cagney, lion de mer bougonnant), rend aux États-Unis dont il dénonce les tares ce qui leur appartient (le sens de l’hospitalité, la constance à favoriser l’épanouissement des talents émigrés), tout en rappelant que la démocratie est un acquis sans cesse remis en question, et la liberté toujours une conquête.
Amadeus (1984)
2 h 40 min. Sortie : 31 octobre 1984 (France). Biopic, Drame
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Nuit, neige, sang, mort et folie…Le sombre ballet d’images prélude à l’émergence du secret enfoui dans la conscience d’un vieillard. Pour sa première biographie, Forman s’éloigne des règles traditionnelles du genre et dresse le portrait non académique d’un autre rebelle de son époque, avec une verve caustique et un goût toujours prononcé pour l’exubérance et la trivialité. Visuellement très inspiré, dressant des ponts entre l’humain et le divin, la médiocrité et le génie, le film adopte un point de vue subjectiviste qui en renforce la dimension psychanalytique (tout y est exprimé sous le sceau de la rancœur et de la jalousie) et s’offre également comme une réflexion habitée sur le monde du spectacle et le phénomène de la création – cristallisée par la scène magique de genèse musicale sur le lit de mort.
Top 10 Année 1984 : http://lc.cx/UVv
Valmont (1989)
2 h 20 min. Sortie : 6 décembre 1989 (France). Drame, Romance, Historique
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Difficile de ne pas comparer cette adaptation avec celle, épurée et tranchante, de Frears, sortie au même moment. Le film de Forman n’en sort pas vainqueur, troquant la cruauté feutrée du roman de Laclos pour un attrait emprunt d’humour et de sensualité, qui confère au marivaudage des airs de soap transféré dans les salons du XVIIIème siècle. Costumes, perruques, meubles, lustres, tout y sent le luxe et la brillance d’un spectacle foisonnant, et Valmont devient moins une figure de séducteur noire à la Don Juan qu’un être gai, solaire, athlétique, nageant, courant et caracolant, à la Casanova. C’est à la fois sa limite et sa qualité : le raffinement des dialogues, la beauté des images et le charme des acteurs garantissent la qualité soignée d’un drame galant, qui ressemble fort aux affrontements de notre temps.
Larry Flynt (1996)
The People vs. Larry Flynt
2 h 09 min. Sortie : 19 février 1997 (France). Biopic, Drame
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Au nom du premier amendement de la constitution américaine, Forman bâtit un film tonique et truculent qui exhibe, condamne et excuse les tares ostentatoires d’un jouisseur grossier puni par là où il péchait. Douze ans après son iconoclaste Mozart, il dresse le portrait percutant d’un pornocrate sulfureux, héraut ambigu de la liberté d’expression au sein d’un pays bâillonné par la bienséance et le politiquement correct, hypocritement drapé dans les plis du drapeau et des valeurs "chrétiennes". S’il ne déborde jamais complètement du cadre défini du biopic hollywoodien, il n’en confère pas moins une belle intensité à la trajectoire de son personnage paradoxal, excessif, provocateur, salaud admirable devenu le porte-drapeau de la lutte contre la tartufferie et l’ordre moral de l’Amérique.
Man on the Moon (1999)
Man on the Moon
1 h 58 min. Sortie : 15 mars 2000 (France). Biopic, Comédie dramatique
Film de Miloš Forman
Thaddeus a mis 9/10.
Annotation :
Encore un biopic, mais cette fois Forman va très loin dans le démontage subversif des règles du genre, épousant les mécaniques insaisissables de son sujet et inventant un labyrinthe tragi-comique à double ou triple-fond, proprement vertigineux, une sorte de trompe-l’œil permanent qui fait vaciller les repères et exploite toutes les potentialités du champ et du hors-champ, de l’acteur et de ses masques, apparitions et disparitions. Porté par un Jim Carrey dément qui appuie ses dons multiformes de clown élastique sur un modèle à sa mesure, ce show schizophrène, pirandellien, jubilatoire mais vaguement inquiétant, pulvérise tous azimuts les hypocrisies et les faux-semblants d’un pays empêtré dans ses conventions, dresse des ponts entre la folie et la normalité, la farce et la mort. Grand film.
Top 10 Année 1999 : http://lc.cx/cTx