Oh Eric !
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Eric Chevillard
22 livres
créée il y a presque 8 ans · modifiée il y a 7 moisL'Auteur et moi (2012)
Sortie : août 2012. Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
CRITIQUE INSIDE ↑
L'Explosion de la tortue (2019)
Sortie : janvier 2019 (France). Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
La petite angoisse qui étreint l’aficionado de Chevillard à chaque début de lecture du nouvel opus doit j’imagine être un écho de celle du sus-nommé au moment de prendre la plume : comment se renouveler quand on est un spécialiste aussi virtuose, dont le seul plaisir est de malaxer le langage pour en extraire toutes les ambiguïtés, les faux semblants, les doubles sens ? Deux possibilités : prendre le contre-pied, ou bien surenchérir, et l’on se doute si l’on connait un peu le bonhomme que c’est ici la deuxième solution qu’il a adopté. Et puisqu’il a déjà amplement creusé le sillon animal d’une part (Du Hérisson, Sans l’Orang-outang, Palafox…) et celui de la création littéraire de l’autre (Démolir Nisard, L’oeuvre posthume de Thomas Pilaster, Dino Egger, l’Auteur et moi…), voilà qu’en adepte du pied de nez il semble avoir tout simplement eu l’idée cette fois de mêler les deux en un seul (su)jet. Tout simplement ? non pas vraiment, car la façon de faire ce tressage (ce dressage ?) n’appartient qu’à lui, et la dextérité avec laquelle il remporte la partie est exemplaire. Rien ne semblait pouvoir rapprocher un obscur auteur du XIXe et une tortue de Floride en voie de déshydratation, si ce n’est l’esprit loufoque et facétieux d’un romancier qui se tire d’un piège qu’il s’est lui-même tendu, en se prenant par les cheveux comme le Baron de Munchausen.
« Aucune tortue jamais ne s’est appelée Phoebe. Phoebe, c’est évidemment ridicule. Même pour une fille diaphane au poil rare, c’est difficile à porter. Mais alors pour une tortue. Son aspect hémisphérique et minéral lui avait valu ce nom de lune. J’étais fier de ma trouvaille. Je me plaisais à lui supposer une face cachée. C’est pourtant moi qui possédais ce sombre revers, cette obtuse indifférence aux choses de ce monde qui m’allait être révélée.
Tout de même, je n’ai jamais posé le pied dessus. Mon pouce aura suffit pour la conquête.
Crac »
Ronce-rose
Sortie : 3 janvier 2017 (France). Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
« Et d’ailleurs, si je ne pouvais plus écrire "comme", je n’ai aucune idée de ce que j’écrirais. Parce que moi, quand j’écris dans mon carnet, ce qui me plait surtout, c’est ce qui vient après les "comme". Ce qu’il y a avant les "comme", ce sont toujours les choses que je savais déjà. Je n’ai même pas besoin d’écrire. Il suffit d’ouvrir les yeux et de regarder, ou de les fermer et de se souvenir. Ce qui arrive après les "comme", par contre, quelle surprise à chaque fois, je ne m’attendais vraiment pas à trouver ça ici et je suis heureuse parce qu’en même temps, rien ne pouvait mieux tomber, rien ne pouvait me faire plus plaisir ».
Voilà en quelques lignes tout Chevillard résumé, le roi du rapprochement ! et de l’émerveillement ! Et de la surprise ! Mais tout Chevillard en fait c’est beaucoup, même si à chaque fois c’est trois fois rien. Toujours le même et jamais pareil : ce nouvel opus le prouve bien, qui part sur des chemins de traverses jamais encore explorés par ce caméléon emplumé. Car voilà que par un coup de baguette magique Maître Eric change son fusil d’épaule, et le pose sur celle d’une petite fille au pays des merveilles, les vraies, celles qu’on réinvente de ne pas les comprendre. Toujours aussi drôle, mais comme plus souple, plus naïf, plus tendre encore, de voir la terre de si près, et les gens de si bas, dans le viseur de son arme pour rire. Naïve et raisonneuse, Ronce-Rose multiplie les trouvailles langagières si jolies, si graciles, si drôle, que j’avais presque envie de les noter chacune pour ne pas les oublier. Quand je me suis rendu compte qu’à ce prix là j’aurais dû recopier le livre en entier, comme on vide une tasse dans une tasse pour refroidir un chocolat chaud trop chaud, qui par là même cesse à jamais d’être un chocolat chaud. Les choses ne sont belles que d’être mal faites, que voulez-vous ?
Allez bon, si, une dernière pour la route : « je pourrais continuer longtemps à comparer les choses aux choses, elles se ressemblent tellement qu’il n’y en a peut-être qu’une, en fait, un phénomène unique dont nous ne voyons à chaque fois qu’un petit bout. Ou alors même, il n’y a qu’un homme. »
L'Œuvre posthume de Thomas Pilaster (1999)
Sortie : 1999 (France). Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 9/10.
Annotation :
Un lecteur par trop impatient pourrait avoir l’impression que Chevillard écrit toujours un peu le même livre, mais en réalité, si ses centres d’intérêts sont recentrés au maximum autour des chausses-trappes que la langue multiplie — et de tout ce que cela révèle de contingent et de mal assuré dans la réalité elle-même, reflétée par cet outil ambigu — les moyens pour creuser ce sillon sont des plus variés, et l’auteur en réalité se répète très peu. Ici, la forme qu’il a trouvé est d’une ingéniosité merveilleusement troublante, toute en trompe-l’oeil elle aussi, puisqu’il s’agit d’une « édition critique » réalisée par l’ami d’un certain Thomas Pilaster et concernant tous les papiers non-publiés que ce dernier à laissé à sa mort. Si les différents « morceaux choisis » sont déjà par eux-même de formidables exercices de style (poèmes, monologues, aphorisme, nouvelle policière, journal intime etc…), le jeu se redouble grâce à une écriture en creux que l’on ne comprend qu’assez progressivement, et qui laisse entrevoir, de la part du soi-disant ami, des desseins troubles et des rancoeurs inassouvies, camouflés (tant bien que mal) sous un discours officiel qui avance masqué. Le texte, de simple recueil, devient soudain un roman de la jalousie et de la vengeance, comme par magie.
Le Désordre Azerty (2014)
Sortie : 9 janvier 2014. Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Adepte du renouvellement dans la continuité, Chevillard creuse son sillon avec une alacrité qui fait plaisir à lire : il a beau toujours fouiller le même terreau, sa fertilité est toujours intacte. Elle continuera donc d’ennuyer ceux qu’elle ennuie, et de réjouir ceux qui sont sensibles à la façon extraordinaire qu’a ce bon Eric de scruter tous les recoins de notre langue pour en faire sortir, comme par magie, les sens cachés. Dans les mots se tapit un secret qui accepte de se faire voir quand on les frottent entre eux, et fort de cette conviction, Chevillard cette fois se livre à un abécédaire (classé non selon l’ordre alphabétique mais « claviatique » puisque c'est là l'outil de tout écrivant désormais) grâce auquel il revient sur pas mal de thèmes qui lui sont chers. Portrait chinois, encore, toujours, en 26 stations, d’un écrivain qui lui aussi aime à vivre dans les plis.
Juste ciel (2015)
Sortie : 5 mars 2015. Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
On connaît la méthode Chevillard : prendre un thème précis et se laisser porter par les mots et leur polysémie pour enchaîner les variations comme en musique, afin de faire rendre gorge au sens qui se cache dans toute langue, et au non-sens dont sont tissées nos vies. Petite entorse au principe cette fois-ci – peut-être à cause du sujet particulier de l’ouvrage : la vie post-mortem – il livre un texte qui se permet plus de narrativité, où le message prime parfois plus que le médium (sans jeu de mots ! ). C’est un peu surprenant de sa part, mais il s’en sort très bien, avec l’humour et la distance qui le caractérisent.
Dino Egger (2011)
Sortie : 20 janvier 2011. Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
CRITIQUE INSIDE ↓
Oreille rouge (2005)
Sortie : 2005 (France). Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Une fois n’est pas coutume, Chevillard sort enfin de son bureau bien rangé pour se lancer sur les grands chemins, et pas n’importe lesquels, ceux de l’Afrique noire et sauvage ! Jouant en virtuose de tous les lieux communs en des lieux si insolites, le grand Eric s’amuse à recréer tout un monde sauvage par la seule force de sa plume, troquant l’oie pour l’autruche, le hérisson pour l’hippopotame, lui qui sait si bien que "pour l’enfant amoureux de cartes et d’estampes, l’univers est égal à son vaste appétit". Un tour de force qui démontre qu’ailleurs comme ici, le regard n’est qu’une affaire de style.
« C’est plutôt malin, et il reconnait bien là l’ingénieuse nature : certaines branches imitent des serpents pour décourager les bûcherons, dans lesquelles s’enroulent de gros serpents qui affectent l’aspect de branches pour tromper les chasseurs (l’oeil étant aussi obtus que l’oreille pour distinguer le boa du bois) »
Préhistoire (1994)
Sortie : 1994 (France). Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Préhistoire se présente comme un seul et long monologue d’un archéologue qui après une chute malencontreuse se voit obligé de remplacer l’ancien guide/gardien d’une grotte ouverte au public, mort il y a peu. Double tâche qui effraie notre homme, décidé à contrer par les mots cette prise de fonction : le voilà lancé dans un discours sans queue ni tête, à se poser des questions sans réponse et à détailler des problèmes sans solution, dans le seul but de retarder toujours plus le moment où il lui faudra prendre ses fonctions. Cette multiplications de petites histoires et cette lutte par l’écriture entre donc en résonance avec la période de prédilection de notre héros - elle qui n’a ni réelle histoire ni recours à l’écriture pour s’exprimer - situation ubuesque offrant un terrain de jeu formidable à l’imagination inépuisable de Chevillard.
« C’est un uniforme bleu marine, comme souvent les uniformes, avec des boutons dorés, comme souvent les boutons des uniformes - car, avant de se distinguer d’entre les uniformes, il est indispensable qu’un uniforme soit conforme à l’idée que l’on se fait de l’uniforme, et les boutons d’un uniforme, pareillement, ne sauraient être trop différents des boutons d’uniforme généralement utilisés pour boutonner les uniformes, ou bien la notion même d’uniforme rejoindrait dans le flou de la suggestion érotique les déshabillés plus légers que l’air et les chemisettes insoupçonnables qui s’évanouissent comme la première neige en touchant le sol. Or, dans le cas d’un uniforme digne de ce nom, c’est au contraire celui qui le porte qui s’efface en le revêtant, dès lors confondu avec la fonction qu’il occupe et qui ne l’occupe pas moins. Mais l’uniforme de Boborikine est à la fois trop court et trop ample pour moi. Je ne suis décidément pas l’homme qu’il lui faut »
La Nébuleuse du crabe (1993)
Sortie : 1993 (France). Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 8/10.
Un fantôme (1995)
Sortie : 15 octobre 1995.
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Hasard du calendrier, après le spectre de Bennett, le fantôme de Chevillard ! Mais au-delà du titre, pas grand chose à voir, ici on est plutôt du côté de Michaux, avec le portrait kaléidoscopique de Crab, héros impossible et pourtant bien vivant, comique à force d’être tragique, qui offre à l’auteur une nouvelle occasion de creuser d’une plume assassine et amusée toutes les blessures secrètes de l’être.
Le Caoutchouc décidément (1992)
Sortie : 1992 (France). Récit
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 7/10.
Sans l'orang-outan (2007)
Sortie : septembre 2007. Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 7/10.
Le Vaillant Petit Tailleur (2003)
Sortie : 2003 (France).
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 7/10.
Le Démarcheur (1989)
Sortie : 1989 (France). Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Chevillard, maitre de la volute, marche pourtant tout droit, et jamais n’a dévié de sa route, toute méandreuse qu'elle soit. Il creuse, et écrit, écrit et creuse. Comme le héros de son roman (c’est ce qui est annoncé sur la couverture, mais c’est un roman où le mot compte tant qu’on est très franchement à la lisière du poème) Monsieur Monge (tiens tiens, à une lettre près n’est-ce pas là clin d’oeil au récurrent Monsieur Songe de Pinget ?) qui creuse les tombes et écrits les épitaphes de ses propres victimes jusqu’à ce que la terre ne soit plus qu’un désert d’homme (il me manquait une troisième parenthèse pour ne pas faire mentir le proverbe, voilà c’est fait).
« Par mille mètres de fond les villages engloutis surplombent toujours la falaise, rien n’a changé, on jurerait que rien n’a changé, la falaise est là que le village surplombe, la table est dressée, le linge suspendu pas tout à fait sec. La nouvelle loi se devine pourtant à certains signes qui ne trompent pas, la luminosité glauque, mauvaise acoustique mais, en contrepartie, légèreté inaccoutumée des pianos (ou alors une pieuvre dans son élément est plus vigoureuse que quatre déménageurs dans un escalier, ça se discute)… Une peau de lion se rapproche en silence d’une tête d’antilope clouée au mur. Au-dessous d’elle, deux fleurets rouillent parallèles faute de combattant. Plus un chat dans les rues, ni le félin ni l’autre, l’arthritique. L’occupant s’acclimate. Les murènes raffolent des rues et la baleine dans la cathédrale fait comme chez elle. Le crabe en visiteur de musée trouve enfin le secret usage de sa démarche latérale, bras derrière le dos, et de ses regards exorbités, que de temps perdu. »
Prosper à l'œuvre (2019)
Sortie : 17 octobre 2019. Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Retour de Prosper Brouillon, et cette fois le bougre s’attaque au polar. Alors que Chevillard coté Minuit est plutôt fleur bleue, ici il a la dent dure contre son souffre-douleur insupportable. Et plus il prend sa défense plus il le défonce. Dure non seulement, mais grinçante également, puisqu’il s’agit de faire l’éloge du traître. Exercice périlleux qui pourrait vite tourner au règlement de compte bilieux, mais ce cher Eric s’en sort plutôt avec brio, montrant par le contre exemple ce que veut dire avoir du talent.
Monotobio (2020)
Sortie : 5 mars 2020. Roman
livre de Éric Chevillard
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Bon d’un certain côté ça me rassure : fan mais pas fanatique, tout va bien je peux aussi ne pas aimer un Chevillard. Il suffit donc d’un changement de parti pris pour que toute la machine (d’habitude tellement virtuosivement huilée) se mette à porter à faux. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le changement en question concerne la notion de réel, centrale dans l’oeuvre et la vision de ce bon Eric. Car la plupart de ses livres mettent en scène un narrateur à la Hulot, qui voit le monde de profil, le réinventant et le réanchantant au moyen de la langue, de ses chausses trapes, ses faux semblants, ses doubles sens. Une réalité parallèle si on veut, qui n’a rien à voir avec le réel brut. Or là, catastrophe, Chevillard révoque ce narrateur imaginaire pour prendre sa place, en chair et en os : et d’un coup, comme entravé par la nécessité de « dire vrai » voilà qu’il ne sait plus du tout dire. Disparue la poésie, disparus les rapprochements incongrus, la fantaisie, la loufoquerie. On dirait presque un auteur peu sûr de lui, essayant de faire du Chevillard, avec en plus l’inspiration en moins. Et pour cause : les faits sont là, ils bouchent la vue, et viennent s’interposer entre l’écrivain et le lecteur. Moralité : chasser le naturel est la meilleur façon pour qu’un livre parte au galop, mais l’accueillir les bras ouvert n’entraine en fin de compte que l’immobilité la plus déprimante .