Ostinato littéraire 2024
23 livres
créée il y a 11 mois · modifiée il y a environ 5 heuresCrime et Châtiment (1867)
(traduction André Markowicz)
Pryestupleyniye i nakazaniye
Sortie : 1998 (France). Roman
livre de Fiodor Dostoïevski
Kavarma a mis 9/10.
Annotation :
Commencer l’année avec un classique qu’il est honteux de n’avoir pas encore lu, ça fait du bien.
Que dire de neuf sur ce grand roman ? Après les Carnets du sous-sol, je suis content de voir mes intuitions confirmées. L’épopée de souffrance de Raskolnikov rappelle celle du narrateur desdits Carnets, en pénétrant plus loin dans la psyché cependant. La souffrance de se croire un grand homme, d’accomplir le meurtre bienfaiteur que ce statut autoriserait et de ne pouvoir en assumer les conséquences morales vis-à-vis de soi-même. Penser est toujours plus facile que faire, Dostoïevski semble railler les utopistes et autres socialistes radicaux de son époque, en montrant jusqu’où va la pensée rationaliste niant les lois divines et humaines au profit de la Science, qui, appliquée à l’homme, lui retire toutes ses limites. En pratique, qu’est-ce qui empêcherait un homme intelligent comme Raskolnikov de tuer une vieille et méchante usurière et faire le bien autour de soi grâce à l’argent volé ? Selon la raison, rien du tout, ce serait même un acte bénéfique. Mais seul un homme exceptionnel en aurait le droit, selon les théories de Raskolnikov (la figure de Napoléon est souvent mentionnée), pour qui les lois, bien que nécessaires, ne doivent cependant s’appliquer qu’aux hommes ordinaires. Seulement voilà, Porphyre Petrovitch a raison : qui décide de cela ? Dans le dedans de soi-même, chacun croit un peu être extraordinaire, n’est-ce pas ? Il est ironique de constater que, en effet, Napoléon et d’autres grands hommes ont versé le sang pour un bien supérieur. Mais ils n’en ont eu le « droit » qu’a posteriori, parce que leurs entreprises ont réussi, et surtout parce qu’ils ne se sont pas posé la question. L’erreur de Raskolnikov est d’en avoir fait une théorie, et donc un système que l’on peut reproduire selon certains critères. Or, l’exceptionnel ne répond à aucun critère, il ne se définit pas, ou alors seulement en négatif. Et in fine, soit on l’est soit on ne l’est pas. Raskolnikov recherche la rédemption, a soif de se racheter. Il n’était qu’un homme ordinaire.
NB : c'est à ça que devrait ressembler un polar. Dosto est un maître de la décortication psychologique.
Le Père Goriot (1835)
Sortie : 1835 (France). Roman
livre de Honoré de Balzac
Kavarma a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Rattrapages de classiques #2.
J’enchaîne avec ce Balzac parce qu’apparemment Rastignac aurait été, dans ce roman, l’inspiration pour le personnage de Raskolnikov. L’ambition, la volonté de parvenir d’un jeune provincial sans le sou est en effet le trait d’union des deux personnages mais Eugène de Rastignac résiste à la tentation du crime salvateur... qui se fera quand même, malgré lui, parce que Vautrin met tout le stratagème en place. Il ne peut donc l’empêcher le soir venu, parce que l’ivresse, parce que le monde est comme il est. Rastignac, comme un défi à cette fatalité, prend volontairement un chemin de traverse et au lieu d’épouser la petite Taillefer maintenant bien dotée, il file s’envoyer la baronne de Nucingen, fille du père Goriot.
Balzac est peintre de types sociaux, on a l’arriviste encore innocent avec Eugène, on a aussi le père poule avec Goriot, cet homme qui a donné l’entièreté du travail de sa vie à ses deux filles, dotées de plusieurs centaines de milliers de francs chacune, et mourant dans la misère sans pouvoir se payer son propre linceul. Le type du père qui chérit ses filles jusqu’à l’absurde, s’aplatissant devant leurs désirs comme un amant épris des débuts... et de fait, sa relation avec elles prend parfois des tournures ambiguës, tant l’amour qu’il leur voue est extraordinaire. Un Christ de la Paternité, finissant trahi, d’une certaine manière, par le comportement de filles pourries gâtées. Rastignac sera le seul personnage à s’émouvoir de Goriot, et le seul à rester sur sa tombe, lançant à la fin du roman le cri de « A nous deux maintenant ! » du haut du Père-Lachaise, face au panorama parisien. La pureté de son âme de jeune homme est définitivement enterrée avec la pureté de Goriot, et l’ascension sans scrupules de l’édifice social peut commencer.
L'Interdiction (1836)
Sortie : 1836 (France). Roman
livre de Honoré de Balzac
Kavarma a mis 7/10.
Annotation :
J’ai décidé de suivre un petit peu Rastignac, ne serait-ce que pour prolonger le temps d’un texte le plaisir du style balzacien avec un fil conducteur. Bon c’est plus un figurant ici, accompagné de son ami et néanmoins docteur Bianchon, rencontré à la pension Vauquer.
L’aventure est plutôt une affaire judiciaire, celle du juge Popinot chargé de traiter la requête d’interdiction (mise sous tutelle) du marquis d’Espard par sa femme.
On s’attarde donc sur ce déroutant juge, dont le portrait en révèle le caractère perspicace, modeste, dénué de toute ambition, et donc incorruptible. L’intrigue devient à la limite du polar, le juge interroge, observe, soupèse toute parole et tout regard, tout élément de décor et tout habit. Balzac fournit une somme de descriptions sociales, géographiques et humaines considérable pour offrir un tableau complet à son récit, qui emprunte d’ailleurs beaucoup à la mise en scène théâtrale (tout comme le Père Goriot).
Mais pas de place en ce monde pour l’intégrité…
Au bonheur des dames (1883)
Sortie : 1883 (France). Roman
livre de Émile Zola
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
C’est la suite directe de Pot-bouille ; quelques années séparent la fin du dernier d’Au Bonheur des dames, mais on suit l’actif et délicat Octave Mouret, déjà plein d’idées commerciales ambitieuses lorsque le Bonheur appartenait à Mme Hédouin dans le précédent tome, de qui il fut l’employé, puis le mari, après que jeunesse s’était faite dans les lits de l’immeuble bourgeois.
Entre temps, Mme Hédouin est morte pour les besoins de l’intrigue à venir, et Octave a mis en place ses idées. Il se trouve maître de Paris, à la tête de son plus gros magasin. Il attire la femme en masse par ses techniques révolutionnaires : vente à perte de marchandises non écoulées, bas prix, profusion du choix des tissus d’abord puis d’un tas d’autres marchandises différentes, système de rendu d’un achat… Toutes ces choses qui ont fait le nouveau commerce et qui est toujours le système actuel. Mais pour Octave, et les contemporains de Zola dont il s’inspire, il fallait être visionnaire, sentir l’air de son temps mais aussi connaître parfaitement la femme et sa psychologie. Pour la séduire, et malgré le dédain, il faut l’aimer au moins un peu, et Octave aime, sent la femme autant qu’il la manipule, a fait de son magasin un temple à son désir et sa beauté. Contrairement à celles des Halles dans le Ventre de Paris, les descriptions érotiques ne sont ici que parfums, soieries, chatoyance, n’ayant de légère brutalité que celle du sexe lui-même.
Denise Baudu débarque de la province, orpheline et "mère" de ses deux frères. L’oncle Baudu qui l’accueille figure le monde qui s’écroule : vieux marchand de drap qui se fait manger par le nouveau commerce. On a tout au long du roman le contraste entre la magnificence du grand œuvre entrepreneurial et la misère qu’il provoque autour de lui. De fait le regard de Zola est ambigu : même s’il montre en avance les méfaits de ce qui deviendra la société de consommation, il garde une admiration certaine pour ces hommes très actifs, ambitieux, « plein de vitalité », qui sentent l’air ambiant et changent le vieux monde moribond. Temple à la femme, le magasin est tour à tour comparé à un ogre, une machine, régurgitant ce qu’il a mangé. Denise, figure de femme pure et sainte, sortira victorieuse de son chemin dans cette jungle des appétits, passant de petite employée à premiere vendeuse, par l’inflexibilité même de sa droiture, par l’absence totale de calcul ! Très beau personnage, qui couche le colosse en refusant ses armes, et sans même le vouloir.
La Joie de vivre (1883)
Sortie : 1883 (France). Roman
livre de Émile Zola
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Bonneville, Normandie, à flanc de falaise, la mer mange le village au fur et à mesure des tempêtes. Voilà le cadre de ce 12e tableau des Rougon-Macquart, composé sous le double patronage de Schopenhauer et des angoisses personnelles de Zola sur la mort. Lazare Chanteau en est le produit mélangé, jeune étudiant plein d’idées, plein de projets, d’abord de composition musicale, puis littéraire, étudie la médecine, la science des algues, se lance dans leur exploitation puis dans les compagnies d’assurance. Mais il avorte tout ce qu’il touche, ravagé par l’angoisse du plus jamais qui le ronge, qui l’empêche de s’accomplir. Il a lu Schopenhauer et ne l’a sans doute pas compris.
Pauline Quenu, fille de Lisa Macquart, qu’on a vu dans la charcuterie de sa mère dans le Ventre de Paris, est adoptée par le père et la mère Chanteau, cousins éloignés, avec un fonds de 180 mille francs. Elle porte sa joie de vivre solaire dans ce triste ménage et apporte son argent pour s’occuper du foyer ainsi que des entreprises de Lazare, avant de tout donner aux pauvres enfants du coin. Pauline est une sorte de sainte, l’avarice atavique des Macquart est combattue plus ou moins consciemment par elle jusqu’à l’extrême inverse, jusqu’à dilapider son héritage pour les autres, et à s’enterrer dans ce village pour ne pas abandonner le père Chanteau, paralysé par la goutte. Tout en elle est don de soi, jusqu’à son cœur amoureux, qui donne Lazare à Louise dans l’espoir de faire leur bonheur.
Elle combat l’angoisse autour d’elle en y opposant la vitalité, la santé solide, le don, le rire, le travail pour soi et les autres ; le personnage tranche assez avec les précédents du cycle, le style aussi d’ailleurs qui est simple et beau.
Quand un suicide survient à la fin, le père Chanteau, souffrant depuis des années, la goutte l’ayant déformé et cloué à son fauteuil, faisant son bonheur des moments de plus en plus rares où il ne souffre pas, s’exclame : « Faut-il être bête pour se tuer ! » Lui n’a pas lu Schopenhauer, mais il semble l’avoir mieux compris.
Les Complaintes (1885)
Sortie : 1885 (France). Poésie
livre de Jules Laforgue
Kavarma a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
A la lecture de certains poèmes, la voix de Gainsbourg m’est venue bizarrement en tête, je ne sais pourquoi.
Ça doit être la liberté dont Laforgue fait preuve, dans le ton, les sonorités, la versification même, les thèmes souvent liés aux femmes aimées sur un mode symboliste. La forme joue sur les airs populaires, sur le pastiche d’autres poètes, sur la métrique, les césures et les rimes non traditionnelles, sur les références aux doctrines de Schopenhauer mélangées aux influences des religions orientales typiques de cette fin de siècle, ce qui est heureux et, je l’avoue, voulu, puisque j’ai ouvert ce recueil pour faire une pause dans ma (longue) lecture de Schopenhauer.
Une certaine adolescence se dégage des complaintes, le poète se lamente des scènes de la vie, sur laquelle il appose aussi son rire un peu moqueur, plutôt comme un sourire en coin. Ce sont des poèmes assez musicaux quoiqu’ayant un je ne sais quoi de saccadé dans le rythme, comme des chansons qui tournent sur l’orgue de Barbarie, tant aimé par Laforgue d’ailleurs. Et sur le pavé des villes, la lune lui donne une lumière falote qui en galbe les reliefs.
NB - Une fois n’est pas coutume (mais pourrait le devenir), j’ai tenté une composition poétique à la place d’une critique.
Les Souffrances du jeune Werther (1776)
Die Leiden des jungen Werthers
Sortie : 29 septembre 1774 (Allemagne). Roman
livre de Johann Wolfgang von Goethe
Kavarma a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Rattrapage de classique #3.
Deuxième pause avec cette fois un auteur qu’il admire particulièrement - quitte à interrompre, autant rester proche.
Matrice du romantisme allemand, Werther c’est aussi l’explosion des grands sentiments. Personnage passionnel, son statut de bourgeois lettré lui permet l’existence oisive seule à même de lui faire goûter sa propre perméabilité au monde dans ce qu’elle a de plus individuelle et sensible. On sort des romans d’aventures ou moraux, et on plonge dans la psyché même de l’individu. Épistolaire, dans la tradition européenne du temps, le roman suit tous les états d’âme de Werther (qui en a une, au moins), les hésitations, atermoiements, réflexions et amours développés, ou non, selon le besoin du moment du personnage. L’interlocuteur est Wilhelm, mais c’est aussi nous, lecteurs à qui reviennent au souvenir des impressions du romantisme pastoral antique. Werther souffre comme un Christ, et sa passion d’amour exacerbe tout rapport à la beauté de la nature, humaine et des paysages, avant de s’annihiler tragiquement. Les mots allemands de Lied (chant) et Leiden (passions, souffrances) me font envisager ces lettres comme autant de chants lyriques, élégiaques ou tragiques.
« comment est-il possible que je disparaisse ? que tu disparaisses ? Puisque nous existons ! - Disparaître ! - Qu’est ce que cela signifie ? C’est encore un mot, un son vide que mon cœur ne comprend pas. »
René (1802)
Sortie : 1802 (France). Roman
livre de François-René de Chateaubriand
Kavarma a mis 7/10.
Annotation :
Lorsque Chateaubriand rentre en France de son exil anglais, au tout début du XIXe siècle, il n’emporte avec lui que quelques manuscrits, des fragments d’une œuvre plus vaste. Parmi ces textes, il y a René, d’abord un épisode de la saga des Natchez, mais publié à part en 1802, très heureusement pour lui, eu égard à sa grande postérité littéraire.
René est une sorte de figure française du Werther de Goethe, et malgré l’aspect tragique de celui-ci, je n’hésite pas à qualifier celui-là de plus sombre. Le personnage est plus sombre, plus tourmenté, plus déraciné également, car le roman est en fait le long récit par René de ses voyages en Europe, puis en Amérique, à la recherche d’on ne sait quoi, d’il ne sait quoi lui-même, dans une grande fuite en avant qui préfigure grandement les romantismes à venir. Le but de cette recherche est une sorte d’absolu vague qu’on ne parvient jamais à définir, teinté de la spiritualité chrétienne qui apparemment est seule à même de satisfaire la soif de René.
Comme Werther, le parcours de René est possible par l’oisiveté que lui permet sa situation : cette fois-ci, comme l’auteur, de noble désœuvré. Le récit des voyages est conté à Chactas, le vieux Sachem aveugle qui l’a adopté comme fils, et au père Souël, missionnaire jésuite. Et ce dernier, quoique compatissant au fond, lui oppose le discours anti-romantique ultime, en lui reprochant la fuite de ses responsabilités en tant que citoyen, ou sujet, vis-à-vis de l’Etat. Un texte assez ambivalent, Chateaubriand semble y questionner et confronter ses deux pentes naturelles : l’oisif mélancolique et voyageur sentant bien au fond de lui qu’il doit rencontrer son destin, faits de devoirs certes, mais menant à la postérité. On y lit une sorte de mal du siècle en avance, que je n’ai pas retrouvé chez Goethe avec autant de présence profonde.
Atala (1801)
ou les Amours de deux sauvages dans le désert
Sortie : 1801 (France). Roman
livre de François-René de Chateaubriand
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
L’autre manuscrit emporté et publié à part, également un épisode isolé des Natchez, est Atala. Miroir narratif du précédent, ce texte met en scène Chactas l’Indien racontant sa jeunesse à René.
Ces deux textes sont mon premier vrai contact avec Chateaubriand, et il est très concluant. C’est magnifiquement écrit, et ce récit en particulier abonde en descriptions des luxuriances de l’Amérique sauvage, où les forêts sont immenses et pleines de vie, où les cimes des arbres construisent leurs ponts naturels, où les vastes paysages se déploient aux regards des voyageurs qui ont pris de la hauteur dans leur fuite.
Chactas jeune, fait prisonnier par une tribu adverse, est libéré par Atala la chrétienne, fille de leur chef. Elle est le premier contact de Chactas au christianisme, et elle est extrêmement belle, pour ne rien gâcher. Ces deux données feront évoluer la pensée de l’Indien tout au long de sa vie, et sa conversion arrivera au seuil de la mort, alors vieilli et devenu le sage de sa tribu. L’irruption de la conversion arrivant à ce moment-là n’est pas anodine : l’idée du Christ a fermenté dans son esprit toute sa vie et se révèle à la fin ; nourri par le martyre d’Atala et les manifestations de la grâce, Chactas accueille en sauvage le Dieu de la civilisation au moment où la possibilité de retrouver Atala dans l’autre monde vient enfin, Atala apparue elle-même dans sa vie tel un miracle, qui a sauvé sa vie par deux fois (la scène de nuit où un des gardiens prend Atala pour une apparition démoniaque indienne appuie l’aspect miraculeux). Chateaubriand, qui a écrit cette histoire « sous les huttes mêmes des Sauvages », cherchait à réconcilier le christianisme avec ses manifestations poétiques primitives, à révéler sa poésie dans la jungle américaine, c’est-à-dire à appliquer, d’une certaine manière, l’universalité de sa grâce. Oui oui, j’ai bien aimé ces récits spirituels, qui seront d’ailleurs publiés d’abord en tant qu’anecdotes de voyage dans le Génie du christianisme.
Parerga et Paralipomena (1851)
Sortie : 24 février 2005 (France). Essai, Philosophie
livre de Arthur Schopenhauer
Kavarma a mis 9/10.
Annotation :
C'est infernal cette délimitation des notes. Voir espace commentaires.
Germinal (1885)
Sortie : 1885 (France). Roman
livre de Émile Zola
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Idem.
La Terre (1887)
Sortie : 1887 (France). Roman
livre de Émile Zola
Kavarma a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Quinzième tableau de la fresque, et troisième quart terminé.
Poursuite du voyage français : pour écrire son roman sur les paysans, Zola nous amène en Beauce. La belle et plate Beauce, sans relief, sans presque d’horizon, où le soleil dore les champs illimités l’été, où l’hiver décharne le paysage. Pour moi, ce roman est le miroir narratif de Germinal, en moins documenté. Comme Etienne, Jean Macquart arrive dans ce nouveau monde en tant qu’étranger, il s’y insère mais n’en fera jamais réellement partie, puis repart à la fin, exclu, cherchant espoir ailleurs. L’ancien ouvrier, frère de Gervaise et Lisa, s’installe comme valet de ferme à la Borderie après avoir fait la campagne d’Italie. Mais Jean reste légèrement en retrait, et c’est Buteau que Zola utilise en personnage central, autour duquel interagissent les différentes manifestations de l’état d’esprit paysan, et n’oublie pas d’y faire entrer son sujet central : l’hérédité. Buteau, surnom encore évocateur, est clairement une tête de pioche, avare, méchant, rusé, finalement criminel plusieurs fois. Le livre est très dur, comme Germinal ou l’Assommoir même si, comme dans ceux-ci, il y a pas mal d’humour, notamment les scènes chez le notaire qui sont savoureuses d’authenticité.
C’est pourquoi il a valu à l’auteur un gros tollé, et par les critiques et par son propre groupe naturaliste. Au XIXe siècle, le paysan est enveloppé d’une aura de Jacques Bonhomme qui joue de la flûte en menant ses brebis, plein de grands sentiments nobles. Zola déboule dans le rural-game et montre que les us et coutumes sont un peu différents de ce qu’on pouvait lire dans les romans sentimentaux : adultère, avarice, alcoolisme, meurtre, viols, etc. Cependant, le père Fouan est peut-être le personnage le plus réel du roman dans son caractère, le vieux paysan qui, une fois inutile au travail, devient victime de la génération active... ce qu’il a fait lui-même avec son propre père. Avec Zola, c’est tout ou rien : il veut écrire son « poème vivant de la Terre », il l’écrira vivant, avec tout ce qu’il y a à dire, la beauté comme l’immondice. La nourricière, d’une neutralité totale à l’égard des hommes, se donne au plus travailleur, et, capricieuse, donnera ce qu’elle donnera, faut voir le temps. Une dimension épique se dégage dans le style pendant qu’on suit les différents travaux agricoles et vignerons, à propos de cette terre qu’on sent réellement palpitante de vie sous nos doigts de lecteurs. Du coup, j’ai eu envie de lire Virgile.
Géorgiques
Georgica
Poésie
livre de Virgile
Kavarma a mis 9/10.
Annotation :
En fait de poème paysan, on est sur autre chose que chez Zola.
Poèmes de commande, il parait, pour remettre à l’honneur les travaux des champs que les Romains désertaient, les Géorgiques forment une matrice, avec les Bucoliques, du pastoralisme. A cette époque la littérature avait un réel pouvoir d’influence sur les mœurs, et l’intention est décelable dans l’entreprise de Virgile, qui place effectivement les travaux agricoles au sommet du service qu’on peut rendre à sa patrie, par autant d’élégies que le livre comporte de poèmes. Le labour, l’apiculture, la vigne, l’élevage, sont autant de prétextes de remerciements aux dieux d’avoir fait la terre romaine aussi belle et féconde qu’elle est, et Virgile remercie Auguste d’être le César de son temps qui, ayant vaincu en Inde, atteste ce qui est perçu par le poète comme la victoire de l’Occident sur l’Orient. Il y a de fait un fort aspect patriotique dans les Géorgiques, voire plus, en envisageant d’une part toute l’étendue de l’empire comme la terre romaine, et faisant l’éloge d’un fort sentiment d’appartenance ; terre, d’autre part, à laquelle sont comparées d’autres nations où il fait moins bon vivre parce que dangereuses. Dans le même temps, et malgré l’attachement à plonger dans le travail agricole avec précision et méthode, le poète place son œuvre dans un mouvement de retour aux sources de l’âge d’or. En somme, c’est une reconnexion organique à la terre, avec ses caprices, les aléas météorologiques tout ce qu’il y a de plus tangibles, mais sous forme de grand mythe, donc en-dehors du temps et de l’espace. Le contraste, que ce soit pour nous ou pour le public à qui l’œuvre était destinée, est saisissant.
La Thébaïde (1664)
La Thébaïde ou les Frères Ennemis
Sortie : 1664 (France). Théâtre
livre de Jean Racine
Kavarma a mis 7/10.
Annotation :
J’ai envie de me lancer dans un nouveau cycle, et dans Racine depuis déjà un moment alors concilions les deux. Onze tragédies et une comédie, à raison de quatre sessions de trois pièces afin d’en avoir au moins une non lue par paquet, ça devrait le faire. Et puis ça passe bien à lire sur la plage.
Voici donc la première pièce de Racine, le « sujet le plus tragique de l’Antiquité », la Thébaïde, l’épopée d’Œdipe et de ses descendants, concentrée ici en la lutte de ses fils Étéocle et Polynice pour le trône de Thèbes. C’est aussi la lutte entre deux droits légitimes, puisqu’Œdipe, en mourant, leur lègue son royaume pour régner à tour de rôle, mais Étéocle, roi en place, refuse de rendre la couronne au frère, devenu rebelle qui a pris les armes contre la cité pour la réclamer, premier problème qui se pose.
Racine écrit pour arriver, il est le type du provincial monté à Paris pour se faire une situation : au siècle de Louis XIV, étouffant les grandeurs individuelles sous la gloire écrasante du roi, ça implique de se conformer au goût de la cour. Racine, en respectant plus ou moins son sujet, fait néanmoins des fils de l’inceste des hommes de cour, de Créon un manipulateur galant. Ça ne gêne pas la lecture, mais il faut avouer que l’extrême violence de la pièce (fidèlement au mythe et peu au goût contemporain, fait notable) sied assez mal au maniérisme, parfois un peu incohérent au sein de scènes sanglantes (toujours cachées certes, bienséance oblige). Jocaste, ici encore vivante, passe trop rapidement de mère voulant protéger ses fils d’eux-mêmes à furie les vouant aux gémonies, sans trop de vraisemblance. Mais au-delà de ça, je trouve la pièce bien construite, puissante, et assez personnelle par rapport au sujet antique, réinventant certaines relations et certains caractères (Antigone, Créon par exemple).
Alexandre le Grand (1665)
Sortie : 1665 (France). Théâtre
livre de Jean Racine
Kavarma a mis 6/10.
Annotation :
Historiquement le sujet est ici la conquête d’Alexandre en Inde, où il propose une allégeance aux souverains Porus, Taxile et Axiane en échange de quoi ils garderaient couronne et territoire. Dramaturgiquement, même si ce mot n’existe pas, le sujet est le triangle amoureux liant ces trois rois, ajouté à la relation entre Alexandre et Cléofile, sœur de Taxile, sur fond de sentiments nobles.
En terme de pièce écrite pour la cour, on est ici en plein dedans. Alexandre est le modèle-type du héros galant à la mode, défenseur de l’opprimé, drapé des grandes vertus plus chrétiennes qu’antiques. Porus, roi rebelle jusqu’au bout et insolent jusque dans la défaite, paré de la grandeur d’un homme se battant pour son bien, est finalement épargné par Alexandre, animé de la même grandeur et du respect qu’il voue au combattant. Porus, ébloui par cette grandeur plus grande que la sienne, lui voue alors allégeance. Oui, le mot grandeur apparaît très souvent dans la pièce, qu’on dirait écrite pour flatter plus particulièrement le roi, dépeint sous les traits d’Alexandre, et les femmes de la cour, qui orientent le goût du public, et qui font le succès ou non d’une pièce. Héroïque et galante, elle l’est pour sûr, mais même s’il y a une certaine fadeur, on est quand même touché par cet étalage de grandeur (encore), par Cléofile, sans doute le caractère le plus vrai de la pièce par ses inquiétudes constantes, et par Taxile qui perd tout par lâcheté et par amour, alors que Porus gagne tout par courage... et par amour. Comme quoi, pour plaire, il vaut mieux se concentrer sur ses propres hauts faits que sur les moyens de parvenir à la possession en soi de la femme aimée. Moralité intéressante.
Andromaque (1667)
Sortie : 1667 (France). Théâtre
livre de Jean Racine
Kavarma a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Relecture d’Andromaque dans la poursuite du cycle racinien. Troisième pièce, premier chef-d’œuvre ? On affleure ici au fondement de la tragédie : l’impossibilité par caractère de dévier le destin, et poursuite d’objets ou de personnes qui se dérobent.
Le fantôme de la guerre de Troie plane sur l’intrigue et lui donne un fondement épique : Pyrrhus, fils d’Achille, est vainqueur absolu et veut Andromaque, veuve d’Hector tué par ce dernier. Mais voilà, le temps épique est révolu, c’est désormais le temps des intrigues de cour (toute ressemblance avec le temps de Racine serait bien sûr fortuit). Pyrrhus manœuvre, intrigue, manipule, se montre galant pour séduire, odieux pour forcer, menace le fils d’Hector et d’Andromaque, rien n’y fait : il est impossible pour elle d’accepter l’offre de Pyrrhus, le souvenir d’Hector est trop imposant, il enveloppe trop sa mémoire pour accepter le mariage avec un homme moins grand que lui, considération à laquelle il faut joindre le devoir de veuve et de mère, ainsi que les troubles que l’union engendrerait. Pyrrhus le Grec, en épousant une Troyenne, encourt en effet la rage de son peuple, qui lui donnait Hermione pour femme, Grecque fille d’Hélène. Encore un quatuor amoureux, car Hermione est convoitée par Oreste, fils fameux d’Agamemnon, qui lui aussi sera pris dans le même engrenage que Taxile. Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque : être bafoué par la femme aimée, tuer Pyrrhus pour être aimé d’Hermione, puis être délaissé par celle-là même qui a commandité l’assassinat, voilà le destin de l’homme qui renie son devoir, ici ambassadeur des Grecs, pour l’amour.
Avec une langue qui touche presque au sublime, Racine met en scène une Andromaque magnifique, tiraillée entre le devoir à l’époux mort et la survie du fils vivant, héritage du premier. Une résolution tragique est prise, mais l’action finale vient renverser toutes les décisions. Andromaque, qui a déjà payé son lot de souffrances, survit seule, et grandie.
Les Sept contre Thèbes (-467)
Édition bilingue
Ἑπτὰ ἐπὶ Θήϐας
Théâtre
livre de Eschyle
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Poursuivons un peu le cycle thébain, avec le plus ancien témoignage connu.
A l’origine conclusion de trilogie (Laïos, Œdipe, Sept contre Thèbes) dont seul la dernière subsiste, cette pièce puise dans deux grandes épopées antiques, la Thébaïde et l’Œdipodie, et présente comme sujet principal la désobéissance de Laïos, père d’Œdipe, aux oracles divins qui lui prédisaient la mort si son désir d’avoir un fils se réalisait. Mais Laïos a persisté, et on connaît son destin, et celui de son fils. La conclusion, disais-je, c’est donc les petits-fils de Laïos, Étéocle et Polynice, qui se disputent le trône de Thèbes, ou plutôt : le roi Étéocle défend sa cité bravement face à l’attaque de l’armée argienne et de ses six chefs, menés par le perfide Polynice. La pièce semble se placer du côté du premier, car Étéocle incarne ici la figure même du patriotisme ; en reconnaissant les fautes de ses pères, il sait son destin et court au-devant de la mort pour sauver la cité, résolvant ainsi le nœud tragique noué par Laïos ; alors que Polynice, en prenant les armes contre sa propre patrie, se voit revêtir le rôle de celui qui sacrifie sa cité à son ambition d’en devenir le roi, et à ce titre, une fois la défaite consommée, ne mérite aucun égard funéraire contrairement à son frère. Mais cette décision ne fait pas partie de la pièce originale, car c’est à ce moment-là qu’un poète anonyme décide d’ajouter le fameux décret de Créon qui punit de mort n’importe quel contrevenant, et la scène d’Antigone et d’Ismène, filles d’Œdipe, durant laquelle la première prend la résolution d’honorer le frère maudit malgré tout.
La pièce est d’un minimalisme assez déconcertant, il n’y a que deux personnages et le Chœur, et c’est ce dernier qui parle le plus, qui forme même l’essentiel de la dimension poétique de la tragédie. Globalement il y a une âpreté, une sécheresse, un côté finalement très viril dans la construction et le style qui me plaît, chez Eschyle. A la lecture, viennent en tête des impressions de soleil blanc tapant durement sur un champ de bataille déserté, jonché de restes de lances plantées dans le sable.
Et en fin de compte, originellement terminée sur un double meurtre pacificateur (et purificateur), la pièce augmentée offre donc un dénouement riche de la postérité qu’on connaît.
Antigone (-441)
(traduction Paul Mazon)
Antigónê
Sortie : 1997 (France). Théâtre
livre de Sophocle
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Allez, on continue la geste des Labdacides, avec cette transition parfaite pour Antigone, hein, vous avez vu ça, pas mal non ?
Une des premières pièces de Sophocle, qui revient sur les conséquences de la guerre fratricide. Les conséquences pour Antigone en tout cas, et se plaçant beaucoup plus décisivement d’un point de vue moral et individuel. L’action d’Antigone cristallise aussi une controverse du Ve siècle, où s’affrontaient les deux visions des lois humaines et divines à propos des morts tombés au combat : l’ancienne école (Eschyle) condamnerait Polynice, et la nouvelle (Euripide), plus libre-penseuse, se poserait la question d’un point de vue, encore une fois, moral et individuel. Sophocle ne prend pas partie, ne milite en rien, reste un artiste et conçoit la chose d’un point de vue tragique : le problème ne se résoudra que par la mort, qui aurait cependant pu être évitée ; car Créon, travaillé tout au long de la pièce par les protagonistes à toute force d’arguments, revient à la fin sur sa décision de condamner Antigone car un oracle lui prédisait la mort de sa race s’il persistait dans sa cruauté. Courant délivrer Antigone de son tombeau, il assiste alors à la mort de son fils devant le cadavre pendu d’icelle. Pour quelqu’un qui ne prend pas partie, je trouve que Sophocle met Antigone en valeur dans sa résolution farouche de ne plier devant aucune loi pour accomplir un devoir qu’elle estime elle-même moral, jusqu’à la mort s’il le faut. Le tragique semble ici résider en la lutte entre deux inflexibilités.
Œdipe Roi (-430)
(traduction Victor-Henri Debidour)
Oidípous týrannos
Théâtre
livre de Sophocle
Kavarma a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Relecture de la fameuse tragédie dans l’optique de faire le tour du cycle parmi les œuvres que je possède.
Classique de chez classique, cette pièce que tout le monde a lu au collège revient sur la figure même d’Œdipe, dont l’action se concentre sur la révélation de la vérité fatale quant au parricide et à l’inceste. Je dois dire que j’avais complètement oublié l’effroi qu’elle procure : de la mise en place du premier doute, en passant par l’investigation auprès des témoins de la rixe entre Œdipe et Laïos plusieurs années auparavant, jusqu’au suicide de Jocaste et la crevaison des yeux d’Œdipe, tout n’est qu’enchaînement d’horreurs, soutenu par une maîtrise du suspense qui scotche l’œil aux pages. La vérité, devinée par Jocaste pendant l’enquête, se dévoile à Œdipe lentement, sournoisement, et quand il est certain qu’il a bel et bien tué Laïos, il doit encore comprendre qu’il était son fils, ce qui signifie que l’oracle s’est bien accompli... ce qui signifie, en conséquence, qu’avant d’entrer dans Jocaste, il en était sorti, et que ses enfants sont aussi ses frères et sœurs. C’est l’explosion tragique ici, le tableau est noir de nuit et rouge de sang, Sophocle fait de son héros un pur jouet des dieux et du sort sur lequel tout vient s’abattre, si bien que je trouve dans toute cette horreur tragique un je-ne-sais-quoi de pathétique, tant il est vrai que si quelqu’un a le cœur pur et n’a jamais rien fait de mal intentionnellement, c’est bien Œdipe. Si l’on excepte le coup de sang qui l’a fait tuer un passant au bord d’une route, qui s’est trouvé être son père. La faute serait donc due à l’absence de contrôle de ses passions ? Car c’est bien cette rencontre qui a scellé son destin, du point de vue individuel, c’est-à-dire, de ses actions elles-mêmes. On pourrait aussi se dire que ce qui l’a scellé, d’un point de vue extérieur, c’est la miséricorde des bergers ayant recueilli Œdipe bébé pour le sauver de la mort qui aurait dû résoudre l’oracle.
Œdipe à Colone (-401)
Οἰδίπoυς ἐπὶ Κολωνῷ (Oidípous epì Kolônỗi)
Théâtre
livre de Sophocle
Kavarma a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Finissons par la dernière pièce de ce qu’on pourrait appeler la trilogie thébaine de Sophocle.
Dernière pièce du dramaturge ? Présentée en tout cas comme son testament, elle raconte la fin de vie d’Œdipe, vieillard aveugle exclu nouvellement de Thèbes et parcourant les chemins de Grèce, appuyé sur sa fidèle Antigone en guise de cane de voyage. L’action se passe après les événements d’Œdipe roi, bien sûr, et avant la guerre des deux fils, dont la préparation est ici l’arrière-plan. Débarqué au hasard de son exil dans la région d’Athènes, près de Colone (région natale de Sophocle), Œdipe se voit secouru et soutenu par le roi Thésée, dans la tradition d’hospitalité athénienne et le respect pathétique qu’inspire encore le nom d’Œdipe. Et c’est bien ça, pour moi, le sujet de la pièce : il est ici question de la dimension pathétique du destin d’Œdipe, et Sophocle met en avant l’irresponsabilité de son héros. Dans la pièce ci-dessus, il attirait à lui les foudres de la malédiction des dieux à la découverte de ses forfaits, il se crevait les yeux pour ne plus voir les conséquences de ses crimes ; mais ici, vieilli et peut-être assagi, il se rebelle contre son destin, se lamente à juste titre d’avoir été le jouet des dieux, et de l’être encore, dans l’exil de sa patrie aimée. Il met en évidence son absence de culpabilité et son ignorance des tenants et aboutissants au moment de ses actes, et Créon, après l’avoir exilé, vient encore le trouver car un oracle a prédit la perte de Thèbes que seule la présence d’Œdipe pourrait déjouer.
On a ici un Œdipe fier, rebelle, acceptant certes les conséquences de ses actes mais en en reniant la responsabilité. Il renvoie Créon, voue Thèbes à sa perte, et lorsque Polynice vient lui demander son aide dans sa lutte, il maudit encore ses deux fils et leur prédit la mort l’un par l’épée de l’autre. Et la fin de la pièce se termine comme un mystère, quand Œdipe entre l’esprit serein dans la mort, après avoir conclu tous les conflits.
Vol au-dessus d'un lit de cocu (1978)
Sortie : 1978 (France). Roman
livre de San-Antonio et Frédéric Dard
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
C’est enfin le moment de mon San-Antonio annuel, et ça fait du bien par où ça passe. Frédéric Dard s’essaie ici à une narration non chronologique, je crois que c’est la première fois car n’ai encore jamais lu ça chez lui. C’est réussi, on voit le puzzle à cocus se monter lentement, le complot international se dérouler, les pièces s’imbriquer les unes dans les autres comme San-Antonio dans la Finnoise, on voit même le Tondu, directeur de la Grande Taule et Achille de son prénom, se dévergonder comme il faut avec une Américaine fanée, obèse et néanmoins experte en l’art de volupter les Français, ce peuple de volupté. Le reste est toujours pareil, c’est-à-dire haletant, rafraîchissant, créatif, viril, hilarant.
Si ma tante en avait (1978)
Sortie : 1978 (France). Roman
livre de Frédéric Dard et San-Antonio
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Quel heureux hasard ! Au moment de choisir mes deux San-Antonio de l’année, je n’avais que ces deux-là à portée de main : combien de chances sur j’sais-pas-combien j’avais de tomber sur deux romans dont les histoires se suivent, et combien de lire le premier avant le second, le tout sans le savoir ? C’est beau comme une levrette. J’appelle ça la magie de Noël.
Bon alors c’est lisible sans la continuité aussi, mais il y a un petit fil rouge quand même, et ici le commissaire est muté en Bretagne en guise de sanctions pour le fiasco politique qu’a engendré l’enquête ci-dessus. Muté avec le fidèle Bérurier, pour qu’il se fasse moins ch*er la b*te (on s’adapte au Zeitgeist puritain, que voulez-vous) dans son trou paumé. Mais il se trouve que ces mutations sont en fait à l’initiative du Vieux, et ce coin de Bretagne sans histoire va s’en trouver une, à grands coups de complot étatique, de phare explosé et de reins dans des veuves pas farouches. Egalement l’introduction, sans jeu de mots, de la petite Marie-Marie, nièce de Bérurier et folle amoureuse du commissaire, qui lui rend cet amour, au début platonique. Il y aura dans l’enquête une scène d’introduction, avec jeu de mots cette fois, de ce bel amour qui est bienvenu dans la vie de San-Antonio, dont les histoires de coucheries ont toujours mené à rien, ce qui fait le sel donjuanesque du personnage, certes, mais sur qui plane tout de même les doutes existentiels de l’homme mûr n’ayant que sa mère pour présence féminine permanente.