Rap US récent. Mes albums préférés.

Annotation :

Je crois que c’est l’album rap qui m’a le plus marqué dernièrement. En l’écoutant j’ai l’impression de retrouver une vibe pas entendue depuis Aquemini d’Outkast. Les prods sont plus épaisses, plus riches que celles de leurs anciens albums.
C’est un album qui n’a besoin ni de bangers ni de gros hits pour être génial. On n’est pas dans la recherche de la performance. Les arrangements sont supers, les instrus sont chelous parfois mais les rappeurs qui posent dessus sont tellement bons qu’ils complètent la musique. L’impression que les mecs pourraient communiquer en rappant, qu’ils ne forcent rien, que les variations mélodiques de leur flow sont leur façon de s’exprimer au quotidien. Pour moi clairement, c’est une leçon technique. S’il fallait donner un exemple de bon flow, je présenterais cet album. Les featurings sont de qualité. Busta, Andre 3000, tous les invités ont l’air d’avoir compris quel genre album on veut offrir ici. Comme si on leur avait dit « rappez cool les gars ». Le seul énervé qui force un peu c’est Kendrick sur Conrad Tokyo. Et Kanye est réduit à un refrain en boucle, comme un jeune fan qu’on aurait gentiment accepté d’inviter pour lui permettre de rapper à côté de ses idoles. Et donc pour moi l’album a quelque chose de profondément jazz, pas dans ses instruments, mais dans sa structure, et dans la technique des rappeurs qui ont l’air d’improviser des flows sautillants, de s’adapter librement à ce que leur offre le beat. Bref, un bel au revoir pour ces papys du rap, un passage de flambeau réussi.
https://www.youtube.com/watch?v=PNoVzY7zEo4

Annotation :

Bon là, je me sens un peu seul. Mais pour moi Testing est un grand album. Disons qu’il porte bien son nom. Asap teste plein de trucs, balance des morceaux disparates, faisant de son album un patchwork musical étrange au premier abord. Mais au fil des écoutes, on se rend compte que chaque titre a sa force. J’aime énormément les sons thugs comme Hun43rd, Buck Shots, Gunz N Butter, Black Tux, ou Praise the Lord. Ils sont constamment mis en vis à vis avec des titres calmes (voire carrément mous) : Fukk Sleep, Calldrops, Brotha Man, Purity, Kids Turned Out Fine, Changes. En fait avec Testing, il faut faire le deuil du Asap classieux qui nous offrait des morceaux calibrés pour les radios. Ici, on sent qu’il a voulu faire un truc différent. On n’y trouvera pas de singles mainstreams à la Everyday ou Fashion Killa. Les sonorités sont différentes, et pourtant on y retrouve les gimmicks habituels d’Asap - changements de voix, beats hachés, bidouillages sonores, sons tordus, heavy drums. Mais le tout arrangé de telle façon qu’aucun morceau ne sort du lot. C’est pas un album dans lequel on va piocher deux ou trois singles plus forts que les autres. Tout est du même acabit. Je reconnais que c’est une proposition un peu spéciale. Pas un album à hit, pas un album aussi évident que les autres, mais je sais pas...je le trouve meilleur que tout ce qu’il a fait jusqu’ici.
https://www.youtube.com/watch?v=7i2Y44vXRZw

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Mon autre Asap préféré. L’inverse de tout ce que j’ai décrit dans Testing. Chaque morceau est calibré pour être un hit. Alors tout ne fonctionne pas hein ! Wild for the Night par exemple nous prouve combien Skrillex c’était de la merde. À part cette track bien moche, tout le reste fonctionne plutôt bien. Certains morceaux bouffent complètement l’album tellement ils envoient du lourd. D’autres sont des bons à-côtés. En vrai j’alterne souvent entre cet album et sa mixtape LiveLove.

Grosse tuerie : https://www.youtube.com/watch?v=TvEhl8IBWVo

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Tout a déjà été dit sur cet album. Je précise qu’à l’époque l’effet avait été immédiat. Je m’en souviens très bien. Une seule écoute avait suffit, j’étais sorti de l’album en me disant “Kanye West vient de réaliser quelque chose d’important, qui va diviser, mais qui aura un impact.” J’ai aussi pensé “donc on peut faire ça en rap ? On a le droit ?”. Le droit de mettre l’instrumentale au centre de tout. Le droit d’étirer ces morceaux de cette manière. Le droit de faire un album de featurings, où les feats se marient totalement à la musique, se fondent dans la prod. Le droit de pas vraiment rapper, d’être plus beatmaker que rappeur. Mais pas comme Dre par exemple, plutôt dans l’idée que le rap c’est aussi de la musique, et que cette musique peut être soignée, peaufinée, arrangée comme n’importe quel autre genre. Avec cet album on sort définitivement de la formule : sample en boucle + beat.

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C’est définitif, Kanye West fait des albums de beatmaking, plus que des albums de rap. Le mec est à la frontière entre les deux, et quand il ramène des feats sur ses albums, c’est pas pour chanter à côté d’eux, mais c’est pour les intégrer à ses pistes, les bidouiller sur sa table de mixage, les fondre dans son délire. Life of Pablo, je l’écoute même pas comme un album de rap. J’ai l’impression d’écouter un collage de sons qui empruntent à plein de genres. Avec pas mal de sonorités très poussives quand même. Je comprends qu’on puisse trouver le truc écoeurant et mégalo. Ca l’est. Mais je sais pas, ça fonctionne. Dans sa structure, ça va à l'opposé de MBDTF. Au lieu d’étirer ses morceaux, Kanye West les raccourcit, les découpe, créé des ruptures, ce qui donne un rythme vraiment intéressant à l’album. On n’a pas le temps de s’ennuyer. Enfin un dernier truc : Kanye West est vraiment un excellent beatmaker. Le meilleur en fait. Il te sort des sons vraiment oufs.

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On va pas se mentir, le dernier Eminem n’est pas un grand album, mais je l’aime bien. C’est pas un grand album pour une raison très simple : le projet est né d’un caprice de la part du rappeur, incapable d’accepter les critiques qui lui ont été faites. Tant mieux finalement, car Eminem est revenu énervé en mode “moi aussi je peux faire du mumble et de la trap”, et il a fallu ça pour lui rendre son talent.
Ce qui est marrant du coup, c’est qu'Em prend la direction opposée de ses anciens albums. Il se débarrasse de la pop sirupeuse à laquelle il nous avait habitué ces dernières années, pour ne garder qu’un rap incisif. Musicalement, c’est très sec. Les prods sont complètement décharnées. On sent le truc produit à la va vite, à la limite du freestyle radio, et pourtant ça fonctionne plutôt bien, parce qu’Eminem balance des vrais flows avec des vrais refrains rappés ! Il crache sa rage pendant 40min, et c’est tout ce qu’on lui demandait.

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La meilleure galette de Schoolboy Q. Le plus gros bâtard du rap US. Le sale gosse du rap actuel. Tout n’est pas parfait chez lui. Aucun chef d’oeuvre pour l’instant, et donc je retiens surtout cet album pour une belle poignée de morceaux que j’écoute beaucoup. Dommage qu’il soit allé à fond vers le mumble dans son dernier projet.

Annotation :

Alors pour lui aussi je sais que je vais pas fédérer grand monde. Je crois que l'album a été un bide. Personne ne s'en souvient. J'sais pas trop pourquoi à vrai dire. Il a pas dû sortir au bon moment, il a peut-être perdu le public de Cudi en route, du fait de son délire musical glauque et halluciné. Mais pour moi clairement c'est l'un des meilleurs de Cudi. C'est très conceptuel et un peu pompeux certes, mais ya un gros travail sur le son pour créer une sorte d'ambiance nuageuse. C'est lourd, sombre, crasseux, perché, ténébreux, etc etc. La vérité c'est de Cudi aujourd'hui j'écoute quasiment que Man on the Moon 1 et Indicud.

https://www.youtube.com/watch?v=p8vpSI3AiTA

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À la découverte de cet album et de celui qui suit, j’ai fait le pari que Logic deviendrait un grand nom de la scène rap. Je me suis planté. Depuis il est tombé dans un boom rap facile, et enchaîne les albums médiocres. Dommage car Under Pressure et Incredible True Story sont vraiment très bons.

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J’ai un problème avec Kendrick Lamar. Je ne lui vois pas le génie qu’on dit. Good Kid est un bon album, mais je le trouve plein de trous. Des titres très bons y côtoient des passables. Quant à Pimp a Buttefly, il m’est hermétique. Trop conceptuel pour être agréable. Trop bizarre pour mes oreilles. Finalement il n’y a que Damn qui trouve grâce à mes yeux. Soyons clair, Kendrick est un peu un poseur, ce qui ne l’empêche pas d’être bon. Pour une fois, je trouve que l’album s’enchaîne super bien. Ya un équilibre risqué entre des sons très brutes, énervés, aux gros beats violents, et des mélodies beaucoup plus fines. Mais globalement c’est un album chill. Des morceaux comme Duckworth, Fear ou Pride passent super bien. Et les titres plus secs et violents comme DNA ou Humble apportent à mon sens un son nouveau qui aura des répercussions dans l’industrie. Par exemple le dernier album de J Cole (KOD) est clairement inspiré du son apporté par Damn.

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Une merveille de soulful rap, qui nous renvoie aux premiers Kanye West. Donc je ne pouvais qu’être conquis. Les samples de soul sont de purs bijoux qui permettent de produire un rap à l’ancienne : une boucle et un rappeur qui pose dessus. Enfin pas tout à fait. J Cole a bien appris les leçons de monsieur West. Car ces prods simplistes en apparence cachent une foule d’instruments. Cordes, piano, basses, le tout parcimonieusement placés, qui apportent une épaisseur mélodique à chaque titre. Pour moi, il y a deux grandes influences à cet album : Dre et West. Du coup on se retrouve avec une première partie plus modeste, destinée aux vrais fans de rap. Et une seconde partie (à partir de G.O.M.D) qui laisse une plus grande place à la douceur et qui séduit généralement les plus réfractaires aux rap.

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Alors perso, cet album je me demande si je le préfère pas à Forest Hill Drive. Il est plus jazzy, plus doux et carrément plus simple. D’ailleurs cette simplicité n’est que musicale, car niveau “rap” je trouve l’album fabuleux. J Cole est bon. Des titres comme Immortal, Deja Vu, ou Neighbors me comblent totalement. M’en faut pas plus. L’album a une couleur particulière, c’est à la fois des beats super efficaces et des vrais instruments de jazz. Un album à écouter posé dans son canap, sous une lumière tamisée, entre un Davis et un Coltrane.

https://www.youtube.com/watch?v=Qnjqn0vk-eU

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Bon, Astroworld c’est du lourd. M’a fallu un temps d’adaptation au style de Travis, parce qu’il représente tout ce qui m’a toujours rebuté dans le rap. Mais c’est peut-être la meilleure porte d’entrée pour un vieux con comme moi vers le rap actuel. Ya quelques années encore, jamais j’aurais pu écouter un morceau comme NC-17. Aujourd’hui je l’écoute à fond dans ma voiture. D’ailleurs la note va monter parce qu’en vrai je trouve aucun morceau en deçà. Tout est réussi.

https://www.youtube.com/watch?v=K2taklQnVzY

Annotation :

Je rattrape mon retard en plongeant dans la discographie de Scott. Et je me retrouve à écouter cet album en boucle plutôt que Rodeo qui met plus de temps à s’installer dans ma tête. Peut-être parce que Birds in The Trap est moins recherché que Rodeo, moins fouillé. Il fait le choix d’une efficace simplicité. C’est la recette T.Scott présentée dans une forme dépouillée. Tous ses gimmicks sont mis en évidence. Pour moi Birds représente un enchaînement de titres géniaux. En fait il n’y en a que deux que j’aime moins (first take et guidance). Tout le reste suinte le talent. Je ne me lasse pas de sweet sweet, outside, goosebumps ou lose. Ils tournent à fond dans ma voiture le matin. Et je trouve que des titres comme coordinate ou sdp interlude contiennent le style Travis en puissance. Cet espèce de son autotuné nébuleux aérien, mi chanté mi rappé, traversé par une poésie de la défonce. En apparence : la nonchalance. Mais en vrai beaucoup de travail. Le moindre basculement d’instru, la position du beat, la hauteur des basses, le mille feuille sonore, tout est pensé. Et tout est efficace.

https://www.youtube.com/watch?v=yQORL_z-UsA
https://www.youtube.com/watch?v=yjES98aUflA
https://www.youtube.com/watch?v=DkUS7KNkmPk

Annotation :

Un bon Freddie Gibbs. Le seul que j’écoute encore. Pinata, j’ai jamais accroché jusqu’au bout, malgré tout le talent de Madlib.
https://www.youtube.com/watch?v=2Lhg4WuMXDY

Annotation :

Très sympa cet album, sous ses airs mumble-chill-rap-pas-sérieux, il y a une belle épaisseur musicale. L’album passe tout seul. Aucun titre ne saute, j’écoute tout avec un plaisir égal. La musique parvient même à me surprendre avec le morceau Fetus que je trouve très beau. Un peu comme chez Travis, où tout à coup, au milieu des sons thugs, tu vas entendre un truc musicalement chiadé, avec une vraie sensibilité artistique, il y a chez Aminé une envie de faire de la bonne musique. Alors bien sûr, ce n’est pas assez audacieux pour en faire un grand album, mais c’est assez quali pour apparaître dans cette liste.

https://www.youtube.com/watch?v=hazkow2ZXV4

Annotation :

Pas un grand album. Ça réinvente rien, ça cherche pas à faire autre chose que du rap honnête, et je dois avouer que c'est plutôt réussi. Essentiellement parce que la production est soignée, jamais ostentatoire. En fait, c'est typiquement le genre de rap que j'adorais avant et qu'on a un peu perdu aujourd'hui. Ecoutez-moi ces petites merveilles :
https://www.youtube.com/watch?v=ul2FOnhV4lQ
https://www.youtube.com/watch?v=vgjuwjttvVs
https://www.youtube.com/watch?v=S38Y9LHoRh4

Annotation :

Au milieu des albums de raps classieux, qui multiplient les audaces et les concepts grandiloquents, Earl Sweatshirt nous pond une musique ce qu’il y a de plus épurée. Des beats bizarroïdes, et un rap de texte qui va droit au cœur. Depuis que j’ai posé les oreilles sur ces « rap songs », je les écoute en boucle. J’écoute ça le soir en bossant sur mon PC. L’album se termine, je le relance. C’est très reposant, mais quand même traversé d’émotions furtives assez inhabituelles en rap. Par exemple December 24 fait toujours son petit effet sur moi. Ce qu’il y a d’efficace et d’original dans ces morceaux, c’est qu’ils sont tous très courts. Tout passe d’une traite, ce qui nous invite à relancer l’album pour voir si on n’a pas loupé des trucs. J’imagine par contre qu’il faut être vrai amateur de rap pour apprécier. Tout l’enrobage musical auquel les grands rappeurs nous habituent ces dernières années est absent ici.

Annotation :

Ça rappe comme du Wu Tang. Parfois, rien que dans le flow, on croirait entendre le GZA de Liquid Sword. Souvent, c’est énervé, ça crache dans tous les sens, et les beats c’est du pur horrocore à la Gravediggaz. Bref, ça devrait plaire à tous les nostalgiques de l’école new yorkaise de cette époque.

Annotation :

Jamais accroché aux autres albums de Tyler, que j’ai pourtant écouté assidûment - auxquels je reconnais quand même une qualité certaine. En revanche, j’adhère totalement à Igor. Il me renvoie à mes premiers amours. À Outkast et plus particulièrement aux expérimentations d’Andre 3000 dans Love Below. C’est ce mélange hybride de rap, de musique crooner et de punk. Une musique soul langoureuse qui d’un coup bascule dans quelque chose de lourd, d’énervé. Une musique qui fait le grand écart.

L’intro est ouf. Les six premiers morceaux sont irréprochables. Ensuite, à partir de A Boy is a Gun, c’est plus sage, mais constant. En fait c’est la première fois que je trouve la musique de Tyler accessible. Goblin et Flower Boy étaient trop radicaux pour moi. Ici, c’est mieux dosé.

https://www.youtube.com/watch?v=mdCyzJT59nw

Annotation :

J’ai trop honte, car ça fait un moment que j’entends parler de Brockhampton. J’avais même jeté une oreille timide à Saturation III. Mais c’est seulement maintenant que je m’y mets. Peut être parce que cet album représente une pente plus douce pour faire connaissance avec leur musique. En tout cas, j’ai accroché direct. Rien à jeter dans cet album. Une grande place laissée à la musique, aux chants, aux arrangements instrumentaux, que les rappeurs savent marier avec leur flow. C’est du rap mélodieux et recherché. Et je me dis qu’il n’y a vraiment qu’en rap US qu’on peut entendre ça. Nous français, on sait pas trop faire ça, on n’ose pas.

https://www.youtube.com/watch?v=fS__DvpYFJE

Annotation :

J’ai mis du temps à me faire à Rodeo, du fait de l’absence de bangers immédiatement accrocheurs, au profit de titres plus riches et minutieux. Des morceaux comme Wasted ou Oh My Dis Side par exemple ne kickent pas, demandent d’être attentifs à la musique pour en capter l’originalité, et pour finir par les aimer. Rodeo est donc son album le moins évident, car le plus recherché. L’album dans lequel on sent que chaque titre a été l’occasion de tester des sons, des structures, des combinaisons, des concepts différents. Un peu tout l’inverse de l’album qui suivra, qui aura une musique dépouillée de complexité, allant vers l’épure.

C’est dans Rodeo par exemple qu’il livre ses deux meilleurs morceaux défonce : Impossible et Maria i’m Drunk, des titres très Scottien, qui baignent dans une ambiance tristesse, défonce, déprime, drogue, alcool et qui (personnellement) me font ressentir un vrai spleen. C’est donc aussi le seul album de Travis dans lequel je découvre encore des choses ; parfois des basculements infimes dans l’instru, parfois une simple intonation de voix qui créera un changement. À ceux qui trouvent que Kanye West incarne la richesse musicale du rap, j’ai envie de dire : un rap riche n’est pas nécessairement ostentatoire. Pour moi des albums comme Rodeo, Testing ou We got it from here m’accompagnent beaucoup plus longtemps que les derniers Kanye, du fait de leur richesse sans grandiloquence.

Malheureusement, Rodeo contient aussi des titres qui ne me plairont jamais : celui avec Kanye West, celui avec Schoolboy Q, ou encore Fliyng High. C’est peu, mais ça m’emmerde quand même. J’aurais voulu tout aimer de bout en bout.

Annotation :

Ya quand même de sacré titres dans cette mixtape, parmi les meilleures tracks de Travis. Tout le début est excellent : de Prayer à Skyfall, c’est un sans-faute. Ensuite ya quelques sons que je skip. En tout cas pour une annonce de Rodeo, ça ne sonne pas du tout comme Rodeo. On retrouve moins les gimmicks et les sonorités habituelles de Travis pour un rap plus classique j’ai envie de dire, mais non moins qualitatif. Backyard par exemple aurait pu facilement pu figurer dans les premiers albums de Kendrick Lamar, ce qui donne le sentiment que le jeune Travis n’avait pas encore trouvé sa formule.

Annotation :

UTOPIA est un album qui pousse peut-être un peu trop certains curseurs. A force de vouloir livrer des bangers aux featurings classieux, Travis Scott balance quelques sons que je trouve poussifs. Par exemple Delresto avec Beyoncé ou Loove avec Kid Cudi sont des titres « too much » que j’ai tendance à sauter. L’album semble à la fois inspiré de Kanye West pour certains sons grossiers et délirants, et par Asap Rocky pour les arrangements de beats un poil expérimentaux. Reste qu’au délà de quelques sons en deçà, l’essentiel de l’album est quand même vachement quali. Moins cohérent que ses albums précédents, il nous offre ici une suite de sons qu’il conçoit tous comme des gros hits. C’est vraiment ça Utopia. Chaque titre veut frapper fort. Parfois c’est le cas : une bonne dizaine de tueries à mettre à fond dans le casque ou dans le voiture. Parfois ça va trop loin dans le délire expérimental, dans le genre "on teste de trucs grandiloquents pour toucher les critiques musicales". Pas le meilleur Scott donc, mais quand même le meilleur projet de rap US de l'année 2023, et rien que ça c’est déjà énorme.

Annotation :

Alors là c’était plutôt innatendu. Eminem revient avec un album concept autour de Slim Shady et se remet tout à coup à rapper comme dans les années 2000. On aurait envie de lui taper sur l’épaule pour lui dire : mais attends mec, tu savais encore rapper comme ça ??? Mais bordel pourquoi tu as attendu si longtemps ? Pourquoi il a fallu se taper du Recovery ou du Revival tout ce temps. Ici on a droit à des instrus rap à l’ancienne : simples, efficaces. Un sample, un beat, des mecs qui posent dessus et mangent complètement les sons avec leur flow énervés. Putain que ça fait du bien. Ce n’est pourtant pas le meilleur Eminem, loin de là (faut pas déconner) mais c’est si bon d’entendre de nouveau un tel flow. Em’, refais-nous des opus comme ça jusqu’à la fin de carrière et j’en serais ravi.

https://www.youtube.com/watch?v=BgqD-Bn5Quk

Annotation :

Ça donne quoi si on marie les beats ensoleillés du DJ Kaytranada avec le flow sautillant d’Aminé ? Eh bien un album qui, contre toute attente - notamment celle des fans de Kaytranada – n’est pas juste un album chill. Bon, certes quand même, les titres phares de l’album sont des titres doux et chauds qu’on a envie d’écouter en vacances. D’ailleurs cet album restera MON album de l’été 2024 (oui je l’ai découvert un an après sa sortie). Un paquet de titres sont idéals pour ça : 4EVA, Rebuke, Sossaup, EYE, letstalkaboutit, s’écoutent tous un mojito à la main. Kaytranada a un vrai talent pour construire des beats volumineux et chaleureux. Mais de manière surprenante, l’album insère quelques morceaux plus froids, qui kickent un peu et que je trouve vraiment bons. Westside, Ugh Ugh, STUF3. Faut dire qu’Aminé sait donner corps à ces sons. Le mec sait poser sur tout ce qu’on lui propose. Apparemment pas mal de gens ont été déçus de cet album. Peut-être s’attendait-il à quelque chose de plus expérimental et audacieux. C’est vrai que dans structure, l’album est simple. C’est très épuré et ça va à l’essentiel. Pour ma part il m’a fait découvrir le travail de Kaytranada par une pente probablement plus abordable et je trouve l’ensemble cohérent et solide.

https://www.youtube.com/watch?v=fAPt8AxjPbI

Annotation :

J’ai toujours suivi Schoolboy Q d’assez loin parce que la plupart de ses projets me déplaisent, excepté Blank Face LP qui restait à ce jour son meilleur opus. Mais c’est fini. Blank Face se trouve désormais supplanté par cet album incroyablement surprenant qu’est Blue Lips. On sent que Schoolboy Q a travaillé sérieusement son truc. On sentirait presque qu’avec cet album il aurait envie d’entrer dans la cour des grands : de ceux qui ne proposent plus seulement du bon rap, mais des concepts forts. Pour moi Blue Lips entre dans cette catégorie des albums singuliers. Albums à risque comme peuvent l’être Testing de Rocky ou Life of Pablo de Kanye West, mais albums qui proposent des directions uniques. Blue Lips fait cohabiter des sons très jazzy, soulful avec des sonorités brûlantes de sale gosse impertinents. L’album oscille constamment entre ces deux tons, et les fait parfois vivre au sein de mêmes morceaux. Mais il a aussi l’intelligence de toujours nous surprendre. Les prods sont recherchées, elles prennent des virages étonnants, ne sont jamais faciles d’accès. Au premier abord d’ailleurs l’album est même très revêche. Les drums ultra lourdes et les bidouillages stridents peu accueillants. Ce n’est pas du rap très abordable quoi. Surtout que le double ton n’aide pas. Basculer d’un jazz apaisant à une soudaine fulgurance de méchanceté, c’est spécial. Mais de bout en bout, au long de ses 18 titres, Blue Lips parvient à livrer tout ce qu’il peut.

https://www.youtube.com/watch?v=y7NR-q23d5I
https://www.youtube.com/watch?v=psfvocRCzJY
https://www.youtube.com/watch?v=7icwrDQjdGM