Richard Brooks - Commentaires
J’aime beaucoup la vigueur et l’acuité de son regard de sociologue, ainsi que l’honnêteté avec laquelle Richard Brooks traite ses sujets à fort potentiel polémique. Il brille de plus d'une qualité finalement assez précieuse : ses films ont tendance à s'améliorer au fur et à mesure de sa ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a presque 8 ansBas les masques (1952)
Deadline - U.S.A.
1 h 27 min. Sortie : 7 janvier 1953 (France). Policier
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Ancien journaliste, Brooks embrasse ici un sujet qu’il connaît bien. Son goût pour les idées le conduit à s’intéresser à de grands sujets, mais son idéalisme combattif ne dissimule pas toujours la raideur de leur traitement. La preuve avec cet éloge de ce que les dialogues présentent comme le plus beau métier du monde, qui articule une réflexion sur la défense de l’idée démocratique illustrée par la liberté de la presse. Le reporter opiniâtre et intègre y figure le héraut inflexible de l’indépendance et du combat pour la vérité, en butte aux groupes de pression qui veulent le bâillonner, à la pègre qui cherche à l’éliminer, à la politique hégémonique des empires de l’édition. La démonstration est certes virulente mais un peu prisonnière de ses intentions et de la relative fadeur de la mise en scène.
Le Cirque infernal (1953)
Battle Circus
1 h 30 min. Sortie : 31 juillet 1953 (France). Drame, Guerre
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Le quotidien d’une antenne chirurgicale en pleine guerre de Corée : si le sujet en rappelle en un autre, on est pourtant bien loin de "M.A.S.H." En racontant comment un médecin militaire se voit sauvé du dégoût de la guerre par l’amour d’une infirmière, le réalisateur exalte le courage sans musique ni médailles d’êtres qui se battent contre la mort et la souffrance, qui comprennent que les préjugés n’ont plus de saison sous le trente-huitième parallèle, que seule compte une abnégation capable de combattre l’horreur du présent. Mais les intentions humanistes, si irréprochables soient-elles, ne sont pas gage de réussite décisive, comme le prouve cette chronique sage et appliquée, d’un optimisme véhément. S’il est de toute évidence un honnête homme, Brooks n’est pas encore un cinéaste accompli.
Sergent la terreur (1953)
Take the High Ground
1 h 41 min. Sortie : 17 août 1954 (France). Guerre
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 4/10.
Annotation :
Brooks voulait, paraît-il, faire le portrait d’un fasciste en puissance, d’un homme usant de méthodes totalitaires dans une nation démocratique, et de soldats se battant pour une cause qui n’en vaut pas la peine. Il est rare d’observer un tel écart entre les intentions originelles d’un film et son résultat final tant l’entreprise s’impose rien moins que comme une apologie de la discipline, de l’intransigeance et de l’autorité. Entérinant avec naïveté les méthodes du sergent instructeur, s’émerveillant de la formation expresse des jeunes recrues, transformées au doigt et à l’œil en un peloton de fantassins chantant la gloire de l’armée américaine, le film est comme un "Full Metal Jacket" à finalité inversée, dont le collier de poncifs (mention à l’inepte parenthèse amoureuse) et le militarisme forcené laissent assez incrédule.
Graine de violence (1955)
Blackboard Jungle
1 h 41 min. Sortie : 23 juillet 1955 (France). Drame
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
La même année sort "La Fureur de Vivre", et il est intéressant de comparer les deux approches d’un champ thématique consacré à la jeunesse américaine et au malaise de l’éducation, même si ce film traite moins de la délinquance que d’une méthode d’enseignement. Romantique et écorché, Nicholas Ray se place du côté des adolescents, là où plus, didactique, plus discursif, Brooks adopte le regard désemparé du professeur progressiste, décidé à faire évoluer les mentalités alors qu’il se découvre aux prises avec ses propres préjugés. En soulignant les tares du système éducatif, les résidus de l’intolérance raciale et la réalité de la criminalité juvénile, il contrarie une forme d’idéalisme crédule par une lucidité anxieuse, mais son constat reste trop démonstratif et rigide pour provoquer une véritable adhésion
La Dernière Chasse (1956)
The Last Hunt
1 h 39 min. Sortie : 10 juillet 1957 (France). Western
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Brooks prend sa part au problème indien et esquisse à travers le massacre des troupeaux de bisons, les bivouacs des trappeurs et le gel d’une nature dangereuse, un romanesque qui évoque la contemplation d’une idée fixe autant qu’il approfondit la figure du héros dupe de son rêve. Si on le replace dans le contexte de sa réalisation, ce western cruel sur la chasse au profit, le goût du sang qui enivre et détruit, la trahison d’un idéal de coexistence pacifique sacrifiée sur l’autel de la possession à court terme, stigmatise une culpabilité que le cinéma américain était encore frileux à évoquer. Même sans cette remise en perspective, il offre son lot d’aventures et de confrontations entre Stewart Granger, pisteur repenti dégoûté par son passé, et Robert Raylor, vraie pourriture derrière sa belle gueule.
Le Carnaval des dieux (1957)
Something of Value
1 h 53 min. Sortie : 14 mars 1958 (France). Drame, Guerre
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
En 1952, le Kenya est sujet à une vague de révolte : les Mau-Mau prennent les armes et cherchent à s’émanciper de la domination des colons. Au risque de choquer l’Amérique, Brooks fait des rencontres et de l’amitié brisée entre le Noir et le Blanc autant d’emblèmes des relations raciales. Son style appliqué relève du réquisitoire mais l’inquiétude généreuse avec laquelle il analyse l’inextricable conflit des cultures, l’envenimement de rapports fondés sur la domination et l’appropriation des terres et du pouvoir, assure une véritable force de frappe à son propos. Réfutant tout angélisme, tout espoir trop grand en une résolution heureuse, il laisse percevoir une amertume qui brise les certitudes et en appelle aux consciences. Et puis, remarque très accessoire, Dana Wynter est particulièrement jolie.
Les Frères Karamazov (1958)
The Brothers Karamazov
2 h 25 min. Sortie : 23 mai 1958 (France). Drame, Romance
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Si cette adaptation de Dostoïevski parvient à prendre le contre-pied de la routine hollywoodienne, c’est notamment par son utilisation signifiante du procédé Metrocolor : sa photographie saturée, ses éclairs de rouge sanglant, ses toiles de fond violettes, ses ombres vertes ne sont pas seulement décoratives mais servent de "corrélatifs objectifs" à la psychologique proto-freudienne des personnages. Le caractère cosmopolite de la distribution, le quadrille des regards (les yeux noirs de Yul Brynner et Claire Bloom, ceux d’un bleu limpide de Maria Schell et Richard Basehart), la force émotionnelle de certaines séquences (l’enfant mortifié par l’humiliation de son père, et dont le pardon vaut une très belle fin) constituent autant de qualités à porter au crédit d’une œuvre malgré tout un peu lourde et inégale.
La Chatte sur un toit brûlant (1958)
Cat on a Hot Tin Roof
1 h 48 min. Sortie : 26 décembre 1958 (France). Drame
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
L’univers névrotique de Tennessee Williams est habilement retranscrit dans cette adaptation exubérante où s’épanouissant idéalement des acteurs très à leur aise : Paul Newman en looser désabusé, dont la virilité abîmée cache de troubles penchants, et Liz Taylor en épouse frustrée mais toujours au faîte de sa séduction. Le psychodrame est efficace et zébré d’éclairs de tendresse, la peinture de cette grande famille du Sud se charge de vitriol et de subversion en douce, la réalisation tente avec un inégal succès d’essorer toutes les tensions d’un règlement de comptes familial où les non-dits ne demandent qu’à éclater. La subtilité n’est pas toujours au rendez-vous, mais la mise en scène confère aux personnages une vraie présence sensuelle, et la narration captive et emporte.
Elmer Gantry - Le Charlatan (1960)
Elmer Gantry
2 h 26 min. Sortie : 3 mai 1961 (France). Drame
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Avec courage, honnêteté et rigueur intellectuelle Richard Brooks s’attaque ici au phénomène évangéliste, aux dérives de l’apostolat, à la prédication populaire et à l’hystérie collective qu’elle génère. Serrant au plus près l’évolution psychologique du couple Elmer-Sharon, il extirpe la racine du mal, analyse en profondeur les comportements et les mentalités d’une mission itinérante, met en lumière le mercantilisme et le puritanisme de la religion-spectacle, et exprime toute l’ambivalence d’un prêcheur inséparablement illuminé et escroc, victime de l’apparence qu’il présente au monde. La présence aux côtés du matamore du journaliste sceptique (alter ego probable du réalisateur) ne donne que plus d’éloquence à ce tableau féroce, fable acide mais émouvante sur la jobardise humaine, la privation et le renoncement volontaire.
Doux oiseau de jeunesse (1962)
Sweet Bird of Youth
1 h 55 min. Sortie : 7 novembre 1962 (France). Drame, Romance
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Brooks a tourné contre son gré et pour des raisons contractuelles cette nouvelle adaptation de Tennesse Williams. D’où sans doute un sentiment de fausse névrose face à un drame familial dont chaque élément semble prélevé à la source luxueuse du soap californien : le gigolo de retour au pays, la star alcoolo et vieillissante, le gouverneur intraitable au pouvoir corrompu et néfaste, la jeune fille sacrifiée sur l’autel paternel… Bien chargé en drogues, chantages, hypocrisies et turpitudes diverses, le script trouve heureusement dans le métier du cinéaste une maîtrise qui lui assure l’ossature dramatique requise et n’abaisse pas les thématiques rebattues des ambitions chimériques, des illusions aliénantes, des affres de l’ambition et des rêves perdus de jeunesse à de simples valeurs monétiques.
Lord Jim (1965)
2 h 34 min. Sortie : 20 octobre 1965 (France). Drame, Aventure
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
En adaptant Joseph Conrad, le cinéaste s’appuie sur une superbe ossature romanesque, riche d’enjeux et de dilemmes profonds. Mais il convient de rendre justice à la clarté et à l’inspiration attentive de sa mise en scène, qui utilise parfaitement l’ambigüité du visible puisque l’aventure se comprend aussi comme initiation et comme salut. Dans les temples, les nuits et la brume de la jungle cambodgienne où il tente d’échapper aux tourments de sa faute, un officier de marine hanté par la culpabilité continue de quêter auprès des autres et de lui-même une impossible rédemption et remonte à la source de son destin, de sa vocation, jusqu’à sacrifier sa vie pour son idéal. Une captivante réflexion sur la lâcheté, l’héroïsme, la grandeur d’âme, servie par un Peter O’Toole tout de force et de fragilité mêlées.
Les Professionnels (1966)
The Professionals
1 h 57 min. Sortie : 13 décembre 1966 (France). Action, Western
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Lee Marvin, Burt Lancaster, Robert Ryan et Woody Strode sont engagés pour retrouver l’épouse d’un riche businessman enlevée par des révolutionnaires mexicains : la dame est Claude Cardinale, sauvage et sensuelle, plus bellissime que jamais (cette femme me rend dingue : https://lc.cx/JsWV). On pourrait considérer qu’il est inutile d’aller plus loin, et qu’un tel casting offre déjà la garantie d’un bonheur complet. Ce serait sans parler de la profondeur des caractères, de la plénitude d’une action trépidante qui définit visuellement les éléments du récit, ni de l’intelligence avec laquelle les notions d’engagement, de conscience et d’amitié s’intègrent à une problématique qui sait aussi se faire métaphore de la question vietnamienne. De la grandeur et des sentiments, de l’aventure et du suspense, de la complexité et du panache : un western idéal.
De sang-froid (1967)
In Cold Blood
2 h 14 min. Sortie : 20 mars 1968 (France). Policier, Drame, Historique
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Cinéaste de la responsabilité individuelle et collective, Brooks évite à la fois les écueils de l’explication psychologique et ceux de la thèse facile sur la peine de mort. Cette adaptation du livre de Truman Capote est une manière de polar malade qui stylise le noir et blanc pour mieux exprimer le malaise d’une société sans âme, égoïste, celle de l’Amérique capitaliste générant inconsciemment des monstres qui sont aussi des victimes. En analysant les mécanismes de la violence, le cinéaste entend souligner l’intensité des choses et les enchaînements implacables de l’existence, sans verser dans la dictature du réalisme ni dévoiler une quelconque nécessité naturelle ou sociale. Une œuvre à la fois glaciale et perturbante, qui nous fait ressentir une souffrance presque bâillonnée, comme muette, indicible.
La Chevauchée sauvage (1975)
Bite the Bullet
2 h 12 min. Sortie : 22 octobre 1975 (France). Action, Aventure, Western
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Comblant une étape intermédiaire et complétant une peinture néo-industrielle de l’Ouest, le film se déroule significativement au début du XXème siècle et décrit l’après de la conquête, la disparition du cow-boy, la fin d’une aventure devenue spectacle dont les signes pervertissent la signification sans en altérer l’apparence. L’action suffit ici à exprimer le sens, l’image en dit autant que le dialogue, même si le réalisateur ne peut s’empêcher de vouloir expliciter (les ralentis) ou si le récit s’en remet parfois un peu trop à sa stricte fonctionnalité. Et bien que l’humanisme idéaliste de Brooks se teinte de scepticisme, sa célébration sans emphase de l’amitié, de la solidarité, de la loyauté, de l’amour des hommes, de la terre et des chevaux, offre son charme à ce western mâtiné, truculent et sincère.
À la recherche de Mister Goodbar (1977)
Looking for Mr. Goodbar
2 h 16 min. Sortie : 29 mars 1978 (France). Drame
Film de Richard Brooks
Thaddeus a mis 8/10.
Annotation :
À un monde (l’Amérique de 1977, captée tel un instantané sociologique) qui n’est plus permissif mais juste indifférent, le cinéaste oppose une héroïne en révolte contre les carcans puritains où l’on tente de l’étouffer et dont l’éducation catholique demeure le symbole originel. Pourtant cette jeune femme est double, et ce qui la fait courir de bar en boîte de nuit, de sex-shop en partouze, c’est la recherche confuse de l’autodestruction, la quête d’un plaisir sans tabou qui se définit par la disparition progressive de la lumière et s’achève dans un noir et blanc stroboscopique. D’une amertume sans recours, d’une lucidité anxieuse qui évite l’humanisme crédule comme le psychologisme moralisant, le film est une odyssée crue, angoissée, donnant à voir de surcroît tout le talent d’une très grande actrice, Diane Keaton.
Top 10 Année 1977 : http://lc.cx/AUt