Tintin ...tégrale
LES AVENTURES DE TINTIN, c'est un peu comme JAMES BOND.
C'est un support-témoin qui permet de suivre l'évolution du monde, principalement occidental, au cours du XXe siècle dans les domaines de la mode, de la technologie, des sciences ou du design, mais aussi parfois, plus ou moins ...
36 BD
créée il y a 7 mois · modifiée il y a 2 moisTintin au pays des Soviets - Les Aventures de Tintin, tome 1 (1930)
Sortie : octobre 1930.
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
I/- LA PRÉHISTOIRE
À 21 ans, Hergé se voit confier par l'abbé Wallez le poste de rédacteur en chef du tout nouveau supplément illustré du très catholique "XXe Siècle" - "Le Petit Vingtième" - pour lequel lui est commandée une aventure caricaturant le régime communiste de l'URSS.
C'est ainsi que Hergé remodèle l'un de ses personnages, Totor, et le transforme en Tintin - reporter au lieu de scout - à qui il adjoint un fidèle compagnon canin, Milou. Dès le mois de janvier 1929, Tintin et Milou s'embarquent donc pour une aventure burlesque et loufoque au pays des Soviets.
Cette histoire destinée aux enfants de l'époque n'a vocation qu'à les divertir en leur proposant des poursuites effrénées en train, en voiture, en avion ou à cheval et à accumuler les situations rocambolesques. Il n'y a pas d'histoire pensée ou construite à l'avance, Hergé improvisant chaque jour (parfois le matin pour le soir).
Mais, comme le contexte de cette aventure particulièrement absurde décrit le monde soviétique à peine caricaturé (des élections démocratiques pour le parti unique, la famine, l'omniprésence du Guépéou - futur KGB, par exemples), cela lui donne une apparence naïve et simpliste qui ne l'est pas tant que ça et qui décrit aussi, malheureusement pour les Russes, une certaine réalité.
Cette première histoire de Tintin, qui eut un grand succès à sa parution originale en 1929-30, au point de rendre le personnage indispensable à l'existence du "XXe Siècle", est tellement différente de ce qu'il se fera par la suite que Hergé n'a autorisé sa republication qu'à la fin des années 1960 (notamment suite aux nombreux piratages).
Tintin au Congo - Les Aventures de Tintin, tome 2 (première version N&B) (1931)
Sortie : juillet 1931 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 5/10.
Annotation :
Toujours soucieux de complaire à son souverain (le roi des Belges), l'abbé Wallez commande ce récit à Hergé pour inciter ses compatriotes à aller s'installer dans leur belle colonie congolaise, alors que l'auteur voulait envoyer son personnage aux USA, antithèse de l'URSS, et bonheur capitaliste (le Krach boursier de 1929 n'a que huit mois). Ce sera donc pour plus tard.
TINTIN AU CONGO est dans la même veine absurde et burlesque que TINTIN AU PAYS DES SOVIETS, mais cette fois cependant le récit s'éparpille moins. L'expérience de l'aventure précédente permet à Hergé d'improviser plus facilement son récit, même s'il a dû s'y atteler très vite après.
Hergé, qui n'a jamais quitté son pays du haut de ses 23 ans, se documente donc succinctement sur ce Congo qu'il ne connaît pas plus que la plupart de ses concitoyens et pond cette aventure marquée par son époque, où le colonialisme (et donc une certaine forme de racisme) est la norme en Occident.
On a tout lu, tout vu, tout dit sur cette "abomination littéraire", sur ce "livre atroce et répugnant", principalement de la part des champions du monde de moralisme bien pensant. Mais on aimerait bien que ces mêmes personnes nous disent comment elles s'y prendraient si on venait leur dire qu'elles-mêmes sont abjectes car elles osent avoir une mentalité de 2024 alors que, selon la morale qu'elles exigent de Hergé, elles devraient en avoir une de 2117.
Cette version originale, publiée en 1930-31 dans "Le Petit Vingtième" eut un succès considérable (notamment au Congo), mais elle est toutefois un peu gênante à lire, car effectivement certaines situations et le vocabulaire de l'époque aujourd'hui proscrit - le monde évolue, et c'est heureux - peuvent heurter. Et pour ce qui est des carnages successifs opérés par Tintin sur la faune locale (c'est une époque où il est de bon ton de faire des safaris et d'exposer ses trophées de chasse dans le salon), c'est tellement irréaliste et loufoque qu'il n'y a pas plus de mal à y voir que ce qu'on peut trouver parfois dans un Monty Python.
Tintin en Amérique - Les Aventures de Tintin, tome 3 (première version N&B) (1932)
Sortie : décembre 1932 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 4/10.
Annotation :
Si Hergé n'avait pas beaucoup de sympathie pour le communisme et l'URSS, il n'en avait pas tellement plus pour le capitalisme et les USA qui viennent de plonger le monde dans la Crise des années trente, dont les effets commencent à se faire sérieusement sentir en Europe au moment de la publication de TINTIN EN AMÉRIQUE dans "Le Petit Vingtième" (1931-32). Mais après TINTIN AU PAYS DES SOVIETS, il n'a pu le réaliser. Il s'y est donc attelé immédiatement après l'aventure africaine imposée par l'abbé Wallez, de plus en plus encombrant.
Une nouvelle fois, le reporter désormais indétrônable du "Petit Vingtième", se lance dans une course-poursuite effrénée contre la pègre chicagoane, et notamment pour quelques pages, contre Al Capone lui-même, qui sévit effectivement à l'époque où est créée cette aventure. C'est d'ailleurs la seule fois que Tintin affronte (brièvement) un personnage historique contemporain.
Comme d'habitude, l'histoire n'est pas vraiment palpitante, les intrigues sont minces et les ressorts éculés. Le burlesque est cette fois rarement drôle, tant on a été rôdé par les deux précédentes aventures. Et que dire de tous ces hasards heureux qui sauvent Tintin in-extremis en permanence. Bref, avec TINTIN EN AMÉRIQUE commence une certaine lassitude.
Les Cigares du pharaon - Les Aventures de Tintin, tome 4 (première version N&B) (1934)
Sortie : septembre 1934 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
"Les Aventures de Tintin reporter, en Orient" paru en 1932-34 dans "Le Petit Vingtième" marquent un tournant dans la série. Hergé élabore une histoire mieux pensée, bien que toujours sans scénario pré-établi, ne se limitant pas seulement à une course-poursuite. Cette fois, Tintin enquête, prend le temps et rencontre des personnages ayant de l'envergure (les agents X33 et X33bis, Oliveira da Figueira, Roberto Rastapopoulos) et les choses ne sont pas aussi basiques qu'auparavant : les deux agents siamois sont des ennemis de Tintin qui le sauvent pourtant à plusieurs reprises pour se révéler finalement être dans le même camp que lui. Mais l'absurde est toujours bien présent (dialogue avec l'éléphant, le savant fou, le chocolat pour les cobras,...)
Hergé affine son dessin et se montre plus inventif (scène de rêve) créant quelques moments qui deviendront mythiques (les cagoulards, le tronc creux, le tombeau de Kih-Oskh ...et son logo). Lorsque l'album paraît en 1934, Hergé a signé avec Casterman qui le publie, permettant à l'auteur de se dégager un peu plus de l'autorité de l'abbé Wallez (et d'accéder au marché français). LES CIGARES DU PHARAON est en effet la première véritable aventure de Tintin qui ne soit pas une commande du journal.
Le Lotus bleu - Les Aventures de Tintin, tome 5 (première version N&B) (1936)
Sortie : septembre 1936 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 9/10.
Annotation :
II/- L'AGE CLASSIQUE
Avec LES CIGARES DU PHARAON, Hergé s'est rendu compte des possibilités offertes par la bande-dessinée en tant que moyen d'expression. Il prend donc la peine, pour la première fois, de penser et d'écrire un scénario consistant avec l'aide de Tchang, un étudiant chinois qu'il rencontre à cette époque et avec qui il se lie d'amitié ; ce qui lui vaudra d'apparaître dans l'histoire. Ce dernier lui ouvre aussi les yeux sur la Chine et sa situation, ainsi que sur les préjugés occidentaux qui persistent envers sa culture et sa civilisation. Trois ans après, on est bien loin du regard hors-sol de TINTIN AU CONGO.
LE LOTUS BLEU (pré-publié en 1934-35 dans "Le Petit Vingtième") marque une date incontournable, non seulement dans l’œuvre de Hergé, mais aussi dans l'histoire de la bande-dessinée. Il ne s'agit clairement plus de petit illustré pour les enfants, mais réellement d'un livre à lire de 7 à 77 ans (selon la formule qui sera consacrée une dizaine d'années plus tard). On y parle du contexte géo-politique de l'époque, avec la tentative de mainmise sur la Chine par le Japon, sous le regard occidental (la Concession internationale), ou du retrait du Japon de la SDN.
Parallèlement à cela, d'un point de vue formel, le récit est extrêmement soigné. Hergé peaufine ses cases et son trait comme jamais. Les parties nocturnes sont particulièrement réussies, et leur lisibilité immédiate est impressionnante ; ce qui pose d'ailleurs les jalons de la fameuse "ligne claire" (terme que Hergé n'a jamais utilisé lui-même).
Pour le dire simplement, LE LOTUS BLEU est la première BD adulte, un incontournable à lire absolument.
Une version numériquement colorisée à la manière des trois premiers albums sort en janvier 2025 (alors qu'il a déjà magnifiquement été mis en couleurs par E.P. Jacobs en 1946). A BOYCOTTER ABSOLUMENT !!!!
L'Oreille cassée - Les Aventures de Tintin, tome 6 (première version N&B) (1937)
Sortie : novembre 1937 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
Difficile de succéder au LOTUS BLEU, frisant la perfection. Néanmoins, Hergé ne peut revenir en arrière. Le début de ces "Nouvelles Aventures de Tintin et Milou" pré-publiées dans "Le Petit Vingtième" en 1935-37, nous présente le héros toujours plus posé et calme, menant une enquête pour son journal suite à un étrange fait divers. L'ambiance policière à la Rouletabille fonctionne très bien, et c'est la première fois qu'on découvre Tintin dans son pays ; on remarque d'ailleurs chez lui quelques souvenirs de Chine. On revoit également les policiers-siamois (ex-X33 et X33bis des CIGARES DU PHARAON) devenus simples détectives. Après un premier retour dans l'aventure précédente qui les transformait en personnages grotesques, il refont un bref passage au début de l'enquête, toujours un peu ridicules.
L'histoire conduit ensuite le jeune reporter en Amérique du Sud, et c'est à partir de là que ça va moins bien fonctionner. Si Hergé conserve ses acquis du LOTUS BLEU en évoquant des situations géo-politiques internationales (le conflit entre Paraguay et Bolivie de 1932-35, les trafics d'armes menés par B. Zaharoff - ici Bazaroff - ou l'évocation de la disparition de l'explorateur Fawcett, qui inspire Ridgewell), on retrouve aussi quelques facilités des quatre premiers albums (la boule de feu qui sauve Tintin), voire quelques scènes proches (la poursuite en voiture avec le train (SOVIETS), Ridgewell ventriloque pour s'échapper (PHARAON), le sorcier bibaros vindicatif (CONGO) ).
Tout ceci est bien sûr plaisant à lire, mais on est loin du perfectionnisme recherché dans l'aventure chinoise. Hergé semble avoir encore du mal à s'appliquer seul la discipline que semblait lui apporter Tchang.
C'est dans la deuxième édition de cet album que sont apparues pour la première fois les pages de garde bleues (voir : https://i2.wp.com/tintinomania.com/wp-content/uploads/2017/11/Pages-de-garde-bleu-fonc%C3%A9-1.jpg?w=888&ssl=1 ).
L'Île noire - Les Aventures de Tintin (Première version N&B), tome 7 (1938)
Sortie : novembre 1938 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 7/10.
Annotation :
Contrairement à L'OREILLE CASSÉE, L'ILE NOIRE (paru en 1937-38 dans "Le Petit Vingtième") est un récit policier qui s'éparpille moins. Il se déroule pour la première fois intégralement en Europe (majoritairement au Royaume-Uni), d'où la sensation d'aventure "à domicile". Ce qui lui donne ce petit côté attachant et plus proche du lecteur que les précédents périples exotiques. On retrouve une nouvelle fois les policiers-siamois qui reprennent une place proche de celle qu'ils occupaient dans LES CIGARES DU PHARAON (ennemis/amis) mais désormais toujours aussi grotesques que depuis LE LOTUS BLEU.
Dans le souci de toujours coller à la réalité du monde qui l'entoure, Hergé s'inspire cette fois du trafic de fausse monnaie qui perturbe l'Europe à cette époque, et notamment du Dr. Georg Bell (pro-nazi), qui devient ici le Dr. Müller, membre du gang et non chef, comme on le dit souvent (cf. page 104). Les noms des bandits sont d'ailleurs tous à consonance germanique (Wronzoff, Müller ou Ivan qui arbore un crâne rasé, porte culotte et bottes de cheval - une esthétique caricaturalement très "prussienne" à l'époque).
Si cette aventure peut parfois paraître plus banale, elle n'en est pas moins très plaisante à lire, d'autant que Hergé dessine quelques passages avec réel brio : la lisibilité de la bagarre chez Müller, par exemple, est excellente. Le meeting aérien, au-delà de son aspect comique rend le mouvement très réaliste (malgré un faux-raccord p.112 de la case 5 à la 6).
Et, petit détail marrant et ludique, on trouve - comme dans L'OREILLE CASSÉE qui en comptait trois - une énigme posée en bas de page par Hergé au lecteur du "Petit Vingtième" (page 27).
Le Sceptre d'Ottokar - Les Aventures de Tintin, tome 8 (première version N&B) (1939)
Sortie : novembre 1939 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 7/10.
Annotation :
Lorsque paraît "Tintin en Syldavie" dans les pages du "Petit Vingtième" en 1938-39, l'Autriche vient d'être annexée par l'Allemagne, et les Sudettes ainsi qu'une partie de la Lituanie vont suivre dans la même période. Hergé poussera d'ailleurs Casterman à publier l'album au plus tôt pour que son sujet colle au mieux à l'actualité de l'époque et obtienne un plus grand écho auprès des lecteurs.
LE SCEPTRE D'OTTOKAR raconte effectivement une tentative d'Anschluss d'un pays balkan imaginaire (la Bordurie) sur un autre (la Syldavie) sous l'impulsion d'un certain Müsstler (Mussolini+Hitler). L'histoire, plus politique que jamais, fait entrer Tintin dans un univers de complot beaucoup plus réaliste que ce qu'on avait pu lire jusqu'à présent dans la série et c'est plutôt réussi.
Les deux policiers se voient enfin attribués leurs patronymes définitifs : Dupond et Dupont, qui résolvent tout de même une partie de l'énigme en restant malgré tout affreusement maladroits. Et l'on fait aussi la connaissance de la Castafiore (et de son discret accompagnateur).
Hergé nous offre quelques très belles case (la moto accidentée dans le virage) et planche (Tintin abattu de nuit par la D.C.A. syldave), mais on est toutefois un peu déconcerté par le décorum de la cour du roi, beaucoup trop fin XIXe siècle : on se croirait à la cour de François-Joseph d'Autriche ou dans LE PRISONNIER DE ZENDA, mais pas à la fin des années 1930. Hormis ce choix discutable, l'aventure est très valable.
Le Crabe aux pinces d'or - Les Aventures de Tintin, tome 9 (première version N&B) (1941)
Sortie : décembre 1941 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
Immédiatement après la fin de "Tintin en Syldavie", "Le Petit Vingtième" commence la pré-publication de "L'Or noir" en 1939-40, dans lequel - curieusement - aucune allusion n'est faite à l'actualité brûlante et à la guerre qui vient d'éclater. Hergé nous embarque plutôt, par le biais des Dupondt, qui occupent une place égale à celle de Tintin, dans une histoire de pétrole frelaté et de trafic de drogue. Les trois personnages s'embarquent à bord du "Speedol-Star" pour un voyage qui les conduit en Palestine sous domination des britanniques qui doivent faire face aux tensions israélo-arabes.
Mais l'invasion de la Belgique dans le monde réel interrompt l'aventure au moment où Tintin est assommé par Müller qui vient de refaire surface... "Le Vingtième Siècle", interdit de parution par les Allemands, disparaît définitivement en mai 1940.
L'Or noir (1939-40) :
https://bellier.co/ornoir%20petit%20vingtieme/vue1.htm
Hergé doit donc trouver un autre journal. Et c'est au "Soir Jeunesse" (puis "Le Soir", favorables à l'occupant) qu'il trouve une place - parce qu'il faut bien manger.
S'il ne poursuit pas L'OR NOIR, il en reprend néanmoins quelques éléments (trafic de drogue, traversée en cargo, un univers musulman, le désert et ses mirages) pour créer LE CRABE AUX PINCES D'OR en 1940-41 qui, s'il ne brille pas par une grande originalité, est d'une très belle exécution graphique (l'attaque dans le désert) et nous permet de faire la connaissance du pathétique capitaine Haddock (sans ancre de marine sur le pull) et de son infâme second, le lieutenant Allan.
Dans ce récit plus court que les autres, on ne sent pas vraiment Hergé très motivé. Il faut dire que le contexte général en Europe ne prête pas à rire. Il peut néanmoins continuer à travailler, sans se soucier du reste ; ce qui lui sera amplement reproché.
L'Étoile mystérieuse - Les Aventures de Tintin, tome 10 (1942)
Sortie : décembre 1942 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 7/10.
Annotation :
Après LE LOTUS BLEU, L’ÉTOILE MYSTÉRIEUSE, qui paraît dans "Le Soir" en 1941-42, marque un tournant dans la série. C'est sa première incursion dans le domaine du fantastique. C'est aussi le premier album (après sa pré-publication en strips noir et blanc dans la presse) à paraître directement en couleur au format des désormais classiques 62 planches. Et, depuis leur création, les Dupondt ne jouent aucun rôle dans l'histoire (ils n'apparaissent que dans une case aux côtés de Quick & Flupke). Pour le contrepoint comique, ils ont été supplantés par le capitaine Haddock.
Pour le reste, si on ne considère que le scénario et sa traduction en images, c'est excellent. La structure du récit, sa mise en scène et le suspense de la course contre l'adversaire sont parfaitement maîtrisés. Et puis, il y a l'image effrayante de cette araignée géante sur la boule de feu qui a fait peur à plus d'une génération de petits lecteurs. Mythique.
En revanche, je ne comprends pas pourquoi Tintin et Milou ne deviennent pas gigantesques eux-mêmes sur l'aérolithe (et un ver qui devient papillon ?)
Mais ! (car il y a un mais) L’ÉTOILE MYSTÉRIEUSE est également l'aventure-polémique. Celle qui pose le plus de problèmes lorsqu'on parle de Hergé - et parfois plus que TINTIN AU CONGO. C'est celle qui lui a valu d'être inquiété à la Libération.
L'édition courante désormais disponible date de 1954 et gomme bien des aspects de ce qu'on trouvait dans la version originale de 1942, oubliée maintenant, mais dans laquelle l'ennemi était les États-Unis représentés par un banquier juif new-yorkais, alors que les alliés du héros comprenaient un Allemand (adolf), un Espagnol (franco), un Portugais (salazar), un Suisse (neutre ?) et un Suédois (neutre). Depuis les modifications de 1954, les méchants sont citoyens du Sao Rico, pays fictif.
Il est clair qu'en écrivant pour "Le Soir" (collabo), il fallait sans doute parfois se montrer obligeant, mais encore une fois, c'est très facile de juger 80 ans après les faits quand on n'a rien à craindre.
Et l'allégorie de la fin du monde dans la longue et belle séquence d'introduction (l'aérolithe/le nazisme qui va détruire le monde) n'y changera rien.
Le Secret de la Licorne - Les Aventures de Tintin, tome 11 (1943)
Sortie : octobre 1943 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 9/10.
Annotation :
III/- L'AGE D'OR
Hergé se détache cette fois-ci complètement des affaires du monde en préférant raconter (excellemment d'ailleurs) une histoire intemporelle au thème classique pour distraire ses lecteurs de leur quotidien sordide.
Paru en noir et blanc dans "Le Soir" en 1942-43, LE SECRET DE LA LICORNE compte indéniablement parmi les indispensables de la série. Il introduit même l'âge d'or des AVENTURES DE TINTIN qui va durer vingt ans et constitue également la première partie du premier véritable diptyque de la série (LES CIGARES DU PHARAON et LE LOTUS BLEU peuvent se lire indépendamment).
Ce récit, très bien pensé, allie à la fois une enquête policière locale à l'époque contemporaine et l'aventure avec un grand A, narrée avec fougue par le capitaine Haddock, évoquant la lecture des mémoires de son ancêtre, le chevalier François, qui fit face au redoutable pirate Rackham Le Rouge dans la mer des Caraïbes au XVIIe siècle.
On sent vraiment Hergé inspiré et gagné par le souffle de son histoire et, depuis LE LOTUS BLEU, c'est la première fois que le lecteur s'immerge à ce point dans le récit (la scène nocturne de la fuite du chevalier ou le percement du mur de briques par Tintin découvrant les antiquités du château sont graphiquement splendides).
On fait cette fois la connaissance de Nestor en découvrant le château de Moulinsart par la même occasion. De son côté, Tintin enfile son nouveau pull-over bleu ciel, qu'il ne quittera plus.
Malgré le contexte, l'intégralité des exemplaires de la première édition de l'album s'est vendue en quelques semaines à la fin de l'année 1943.
Et je n'ai personnellement jamais pu m'empêcher de penser, à chaque fois que je relis l'album, que Julien Guiomar et Michel Beaune auraient fait d'excellents frères Loiseau au cinéma dans les années 1970-80.
Le Trésor de Rackham le Rouge - Les Aventures de Tintin, tome 12 (1945)
Sortie : novembre 1945 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 8/10.
Annotation :
À peine la pré-publication du SECRET DE LA LICORNE se termine dans les pages du "Soir" que celle du TRÉSOR DE RACKHAM LE ROUGE commence en février 1943, pour s'achever sept mois plus tard. Il faudra cependant attendre la Libération et 1945 pour que cette seconde partie paraisse en album.
Et quelle partie !
Si ce second volet n'est pas aussi palpitant que le premier, il n'en est pas moins accompli et demeure à l'évidence sur le sommet de la pile des TINTIN incontournables. On y fait la connaissance de l'inénarrable professeur Tournesol, plus à l'ouest (héhé) que jamais, et son invention sous-marine est devenue une des icônes les plus célèbres de la bande-dessinée.
Pour ce qui est de l'aventure elle-même, eh bien, ça paraît curieux à dire, mais il n'y en a pas. Cette fois, les héros n'ont pas d'adversaire à affronter ou de complot à contrecarrer. Il s'agit juste d'une expédition de découvertes sans véritable accroc. Leur seul défi est de trouver un trésor au fond de la mer, où il n'est même pas. La chute de l'histoire est cependant géniale, mettant en valeur tout ce qui a précédé. C'est excellent.
Incidemment, TRÉSOR DE RACKHAM LE ROUGE est également l'album qui clôt la période "maritime" de la série, entamée par L’ÉTOILE MYSTÉRIEUSE (et même un peu L'OR NOIR/LE CRABE AUX PINCES D'OR).
Les 7 Boules de cristal - Les Aventures de Tintin, tome 13 (1948)
Sortie : janvier 1948 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
La pré-publication chaotique des SEPT BOULES DE CRISTAL commence en noir et blanc dans "Le Soir" fin 1943 et est interrompue en septembre de l'année suivante (scène de la crise des sept explorateurs à la clinique), au moment de la Libération et de la très courte arrestation de Hergé accusé de collaboration. Il est ensuite interdit de publication jusqu'à décembre 1945 lorsque son dossier est finalement classé sans suite. Il reprend donc son histoire (en couleur) fin 1946 dans le premier numéro du "Journal Tintin" qu'il vient de fonder avec Raymond Leblanc (un résistant) intitulée désormais LE TEMPLE DU SOLEIL.
Avec LE LOTUS BLEU, LES 7 BOULES DE CRISTAL tient sans conteste le haut du pavé de la série. Dans la continuité de l'aventure précédente, le capitaine Haddock, désormais châtelain, joue les snobs en son Moulinsart lorsque le fantastique vient à nouveau s'immiscer dans le jeu. Et immédiatement, l'ambiance s'en ressent. Que dire de la scène du rêve (récupérée de L'OREILLE CASSÉE) ! Hergé s'amuse à nous rappeler les épisodes passés lors de la séquence au music-hall (Alcazar, la Castafiore) pour mieux établir encore son univers et sa comédie humaine. Le cadre s'enrichit, et on se délecte à lire ces pages évoquant Agatha Christie, Rouletabille, Edgar Poe et, bien sûr, les mythes incas mâtinés de malédiction égyptienne.
À noter toutefois que Edgar P. Jacobs est coscénariste, coloriste et décorateur de l'album. Et lorsqu'il demanda à Hergé de devenir officiellement coscénariste pour les prochaines aventures, leur collaboration s'arrêta (1947) ; ce qui ne les empêcha pas de rester amis.
Il n'en demeure pas moins que LES 7 BOULES DE CRISTAL, dans lequel on voit apparaître pour la première fois le chat du capitaine (pas de rapport de cause à effet), est un chef-d’œuvre dans son genre.
(voir aussi critique)
Le Temple du Soleil - Les Aventures de Tintin, tome 14 (1949)
Sortie : janvier 1949 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 8/10.
Annotation :
LE TEMPLE DU SOLEIL (qui débute en fait au moment où Haddock déprime à Moulinsart dans LES 7 BOULES DE CRISTAL) est pré-publié dans le tout nouveau "Journal Tintin" en 1946-48 et conclut une nouvelle fois magistralement l'aventure du premier volet. On notera que, à l'instar du diptyque précédent, la seconde partie est un peu moins bonne que la première, mais il n'en demeure pas moins que l'évasion du lecteur est garantie par les grands talents de conteur et de dessinateur de Hergé. On y retrouve le souffle épique et fantastique des aventures de Jules Verne, dans le cadre mythique d'une civilisation disparue.
Alors, on passera sur les aspects peu crédibles du récit, et notamment du fameux épisode de l'éclipse emprunté à Gaston Leroux (comment des personnes qui connaissent bien le monde extérieur comme Chiquito peuvent ne pas connaître les éclipses ?), pour se laisser mener jusqu'au bout par ce voyage exotique, coloré et particulièrement dépaysant.
À noter que, pour la première fois depuis L’ÉTOILE MYSTÉRIEUSE, Milou n'est pas bourré. Parce que, mine de rien, on parle beaucoup du capitaine Haddock, mais qu'est-ce qu'y picole ce clebs depuis son voyage en Écosse !
Au pays de l'or noir - Les Aventures de Tintin, tome 15 (1950)
Sortie : 1950 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 7/10.
Annotation :
La guerre bien finie, Hergé peut reprendre le récit qu'il avait entamé en 1939 et qu'il avait dû interrompre à cause de l'invasion allemande. Il remonte donc ses planches originales qu'il modifie ou remplace parfois. Il modernise la voiture des Dupondt et coupe la scène ridicule de Tintin qui cherche de l'eau dans le désert avec une baguette de coudrier improvisée.
Le défi posé par cette reprise est que depuis 1940, les incontournables Haddock et Tournesol sont apparus dans la série et qu'il faut donc les inclure à la nouvelle version. Hergé ajoute ainsi un strip supplémentaire à l'album (qui n'était pas dans la pré-publication du "Journal Tintin" en 1948) dans lequel on voit le capitaine Haddock annoncer qu'il est mobilisé. Très malin, Hergé le fait apparaître à la fin sans qu'il puisse jamais expliquer la raison de son retour. Quant à Tournesol, il est évoqué dans une lettre reçue par Tintin.
En 1940, Hergé avait laissé Tintin assommé par le Dr. Müller dans le désert. Il peut donc enfin poursuivre l'aventure et ainsi nous faire découvrir un univers de pression politique et d'espionnage, dans la continuité de ce qui avait été fait dans LE SCEPTRE D'OTTOKAR, le tout dans une atmosphère internationale tendue (on commençait déjà en 1948 à craindre une Troisième Guerre mondiale). C'est d'ailleurs un récit qui tient très bien la route, même s'il lui manque ce petit truc en plus qui pourrait le rendre vraiment excellent.
On découvre néanmoins l'abominable Abdallah et son paternel ultra permissif, de même qu'on a le plaisir de retrouver Oliveira da Figueira, toujours aussi affable. Et surtout, donc, le dangereux Dr. Müller, changé mais plus méchant que jamais. Et on a aussi droit à un petit clin d’œil à la Castafiore.
Objectif Lune - Les Aventures de Tintin, tome 16 (1953)
Sortie : janvier 1953 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 9/10.
Annotation :
Depuis qu'il a utilisé la Lune pour éclipser le soleil dans LE TEMPLE DU SOLEIL, Hergé souhaite envoyer ses héros dessus. Mais la dépression chronique dans laquelle il est plongé depuis ses déboires d'après-guerre l'en empêche, et il se consacre plutôt à l'achèvement de L'OR NOIR.
Une fois cette aventure terminée, Hergé revient donc à son projet spatial avec l'aide de collaborateurs qui poseront les bases des tout nouveaux Studios Hergé, en tête desquels on trouve l'incontournable Bob de Moor (qui dessine notamment la pleine page de la première apparition de la fusée lunaire). S'inspirant également des travaux d'un astronome autodidacte, Alexander Ananoff, pour tous les aspects techniques, l'aventure peut donc véritablement commencer sa publication dans le "Journal Tintin" en 1950, dans la foulée de AU PAYS DE L'OR NOIR qui vient de s'achever.
ON A MARCHÉ SUR LA LUNE (qui paraît sous ce titre unique dans le journal) s'arrête cependant au bout de douze semaines et 24 planches (dépression encore) pour ne reprendre qu'un an et demi après, en 1952. Entre temps (1951) sort sur les écrans français DESTINATION LUNE d'Irving Pichel dans lequel Hergé puise à l'évidence de nombreuses idées - certains parleront de plagiat - et c'est vrai que parfois on peut se poser la question (on pense aussi à LA FEMME SUR LA LUNE de Fritz Lang).
Mais si l'on ne retient que le résultat, il est indéniable que ON A MARCHÉ SUR LA LUNE est une œuvre incontournable, parfois quasi documentaire où l'humour joue son rôle pour faire passer la pilule du didactisme et, une nouvelle fois, ça fonctionne à merveille.
Et ce, dès l'introduction. Le début de cette histoire est peut-être le meilleur de toute la série dans lequel le lecteur est véritablement happé par ce voyage improvisé de Tintin et Haddock en Syldavie, à peine rentrés de Palestine. S'en suit la découverte des installations scientifiques agrémentée d'une intrigue d'espionnage bien ficelée qui se conclut comme elle avait commencé (pour cette première partie) par un suspense grandissant avec le décollage de la fusée et le blackout de ses occupants.
On a marché sur la Lune - Les Aventures de Tintin, tome 17 (1954)
Sortie : avril 1954 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 9/10.
Annotation :
ON A MARCHÉ SUR LA LUNE est paru d'un trait (si on ne compte pas l'interruption de 18 mois en 1950) jusqu'à décembre 1953. Il n'était pas possible de publier un seul album de 124 planches, alors un premier tome baptisé pour l'occasion OBJECTIF LUNE est paru en janvier 1953. Mais pour les lecteurs non-abonnés au "Journal Tintin", il aura fallu plus d'un an d'attente avant de savoir ce qu'il se passe après le décollage de la fusée.
Certaines coupes ont d'ailleurs été nécessaires pour faire entrer l'histoire en deux fois 62 planches (cf. https://www.forum-tintinophile.com/t145-Strips-et-planches-supprimes-dans-l-album.htm ).
Et là, une fois encore, Hergé (et ses collaborateurs) sait comment garder le lecteur en haleine. Le mélange documentaire/suspense/humour joue à plein même s'il y a pas mal d'invraisemblances, qui passent cependant toutes seules (un chien dans une fusée ? deux paires de chaussures magnétiques prévues pour les Dupondt qui ne devaient pas être là ? pour parler des plus évidentes). Mais tout cela n'est qu'anecdotique. Le but étant de distraire et non d'instruire (même si on peut apprendre aussi des choses). Il y a des livres spécialisés pour ça.
Graphiquement, Hergé et son équipe sont redoutables d'efficacité. C'est d'une lisibilité sans pareille. De Moor fait un boulot dingue sur les décors (la centrale, le poste de pilotage, les tours de montage de la fusée, la Terre vue du ciel au décollage...) tandis que les attitudes des personnages sont d'une justesse très finement observée dans des cases qui ne sont pas forcément les plus remarquées (par exemple la position du radio accoudé de découragement près de M. Baxter, planche 24 du tome 2).
Dans ces années de début de Guerre froide et de conquête spatiale, ON A MARCHÉ SUR LA LUNE a marqué les esprits, et parfois bien au-delà du lectorat traditionnel de la bande-dessinée. La fusée lunaire est devenue une icône incontestable de la pop culture tandis que cette aventure marque l'apogée de la carrière de Hergé.
Un classique incontournable dont le seul bémol est le passage dans la grotte avec ce con de chien qui tombe dans une crevasse.
L'Affaire Tournesol - Les Aventures de Tintin, tome 18 (1956)
Sortie : octobre 1956 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 8/10.
Annotation :
Comme vingt ans auparavant, après LE LOTUS BLEU, il est difficile de passer après le "mastodonte" lunaire qui a décuplé la popularité de TINTIN, qui se vend de mieux en mieux. Néanmoins, Hergé sait parfaitement s'entourer dans ses studios. Et cette fois, c'est Jacques Martin (père des futurs LEFRANC et ALIX) qui se montre le plus présent à ses côtés pour la conception du scénario (le gag inénarrable du sparadrap, notamment).
L'AFFAIRE TOURNESOL est une histoire dans l'air de son temps lorsqu'elle paraît, sans interruption (une première depuis LE TRÉSOR DE RACKHAM LE ROUGE), dans le "Journal Tintin" en 1954-56. On baigne cette fois ainsi en plein roman d'espionnage, et l'on pense souvent à Alfred Hitchcock (notamment à l'opéra, ou lors du magnifique chassé-croisé entre Tintin et Haddock d'une part et Tournesol d'autre part à l'hôtel Cornavin, qui évoque le futur LA MORT AUX TROUSSES). Hergé profite aussi de l'occasion pour dépeindre un régime totalitaire, hybride du communisme et du nazisme, renvoyés dos à dos par le biais du régime bordure.
C'est également dans cette aventure qu'on fait la connaissance de l'insupportable Séraphin Lampion et de l'affreux colonel Sponsz, sans oublier la boucherie Sanzot.
L'AFFAIRE TOURNESOL prend le contrepied de ON A MARCHÉ SUR LA LUNE pour pouvoir exister. C'est une histoire simple, courte (un album) qui fait la part belle aux péripéties et à l'humour, plus qu'au documentaire et au suspense. Grâce à cela, et à la fidélité des décors copiés de la réalité (Hergé a fait beaucoup de repérages), cette aventure tire très bien son épingle du jeu.
Détail gênant cependant : alors qu'il existe toujours une certaine continuité d'une histoire à l'autre - même lorsqu'il ne s'agit pas de suite immédiate ou de tome 2 - on a cette fois la sensation, dans les premières pages (avec les premières apparitions de Tournesol), que l'aventure lunaire n'a pas existé. Simplement parce que Tournesol est redevenu sourd comme un pot ; ce qui manque tout de même de cohérence et de crédibilité.
Coke en stock - Les Aventures de Tintin, tome 19 (1958)
Sortie : juillet 1958 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Au milieu des années 1950, c'est vraiment la période faste pour TINTIN qui s'exporte de plus en plus. Les journaux s'y intéressent et Hergé donne des interviews à des journaux sérieux. Sa méthode de travail avec Bob de Moor et le Studio est bien rodée et lui rend le travail plus facile, trouvant ainsi un rythme de croisière.
COKE EN STOCK, qui est publié en 1956-58 dans le "Journal Tintin", montre bien cela. Depuis L'AFFAIRE TOURNESOL, Hergé ne veut d'ailleurs plus faire de longs récits-fleuves en deux volumes qui lui prennent trop d'énergie et désire se limiter désormais aux histoires en un album auto-suffisant.
Cette fois, il s'intéresse à un nouveau sujet d'actualité, méconnu : l'esclavage moderne au Proche-Orient. Il utilise pour ce faire le pays imaginaire du Khemed et le personnage ambivalent sur la question de l'émir Ben Kalish Ezab. Il fait également revenir le maximum de personnages déjà croisés auparavant dans la série depuis LES CIGARES DU PHARAON auxquels vient s'ajouter Szut, le petit nouveau.
Comme à son habitude, Hergé est très tatillon sur les détails (il s'embarque sur un cargo avec Bob de Moor pour faire du repérage pour le "Ramona") et le résultat est encore très réussi. En dehors des rappels de personnages, certaines situations rappellent également à leur tour certaines autres aventures (le passage marin de la fin ou le contexte de Wadesdah), ce qui fait de cet album un genre de condensé de la série, mais qui ne serait peut-être pas forcément bon de faire lire en première lecture à une personne qui voudrait découvrir l'univers de TINTIN.
À noter que COKE EN STOCK est le premier album à présenter les nouvelles pages de garde en galerie de portraits, ce qui correspond bien au sujet, et qu'en 1967 les dialogues seront modifiés pour suivre l'évolution de l'époque.
(voir aussi critique)
Tintin au Tibet - Les Aventures de Tintin, tome 20 (1960)
Sortie : juillet 1960 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 7/10.
Annotation :
Après le "black album", voici l'album blanc de Hergé. La couv' devait d'ailleurs être toute blanche à l'origine, mais Casterman a réclamé au dessinateur d'ajouter un peu de ciel et de pics montagneux pour que ce soit plus parlant pour les mômes. Mouais... le noir ne posait pas de problème pour COKE EN STOCK, je ne vois pas pourquoi le blanc en aurait posé pour TINTIN AU TIBET (cf. https://cdn001.tintin.com/public/tintin/img/static/tintin-au-tibet/Tibet-6-1.png ).
Bref !
Cette aventure est l'antithèse de la précédente. Ici, pas de foisonnement de personnages et de références à d'autres albums à chaque page. En dehors du trio de base (Tintin, Haddock, Milou) on ne retrouve que Tournesol au début (très drôle au demeurant) et une référence à la Castafiore un peu plus loin. Bien sûr, on aura Tchang qui est au centre de "l'intrigue" - si on peut appeler ça comme ça.
Comme pour LE TRÉSOR DE RACKHAM LE ROUGE ou ON A MARCHE SUR LA LUNE, dans une moindre mesure, Tintin n'affronte aucun ennemi et n'a pas d'enquête à mener. Il part à la recherche de son ami disparu dans un crash d'avion, poussé par sa conviction profonde, alors que tout le monde l'incite à abandonner.
C'est certainement le récit le plus humain de tous (un personnage face à lui-même, luttant pour ses convictions) et dans lequel, pour une fois, le héros n'est pas cette habituelle coquille vide autour de qui gravitent des personnages plus intéressants que lui. Avec ce périple, Tintin se trouve enfin une personnalité ; certains diront une âme.
À côté de cela, on trouve un capitaine Haddock plus génial que jamais. C'est d'ailleurs peut-être ici qu'il a ses répliques les plus réussies. Et, depuis leur création, c'est la première fois que les Dupondt n'apparaissent pas.
Tout ces éléments ont fait de TINTIN AU TIBET, dès sa parution dans le "Journal Tintin" en 1958-59, un classique immédiat à une époque où déjà les albums se vendent au million d'exemplaire par an et s'exportent de plus en plus.
TINTIN AU TIBET est généralement considéré comme le chef-d’œuvre de Hergé, pour son côté habité, voire mystique, et surtout pour sa résonance avec la vie de l'auteur et ses questionnements intérieurs de l'époque. Personnellement, je trouve que si on a besoin d'un "mode d'emploi" pour saisir toutes les clés d'une œuvre ou de connaître les détails de la vie de l'auteur pour pouvoir en apprécier le contenu, c'est que ce n'est pas si réussi que ça.
Les Bijoux de la Castafiore - Les Aventures de Tintin, tome 21 (1963)
Sortie : avril 1963 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
En ce début d'années 1960, l'inspiration commence à se tarir. Hergé pense à une histoire tournant autour de Nestor, ou à adapter un scénario de Greg, TINTIN ET LE THERMOZÉRO, qu'il abandonne finalement après huit planches de crayonnés. C'est finalement l'idée d'un récit théâtral respectant la règle classique des trois unités (temps, lieu, action) qui suscitera l'intérêt de l'auteur. Il s'inspire d'anecdotes arrivées à des idoles de l'époque (Sophia Lauren ou Maria Callas) pour développer le personnage de la Castafiore qui, jusqu'à présent, n'avait eu droit qu'à de petites apparitions. La Diva obtient ici enfin son premier rôle.
Pour le reste, Hergé se délecte à faire tout l'inverse de ce qu'on attend normalement d'une aventure classique de TINTIN. Ce qui fait souvent dire que dans LES BIJOUX DE LA CASTAFIORE, il ne se passe rien. Ce qui est faux.
Mais, après TINTIN AU TIBET, qui n'était pas non plus une véritable aventure au sens où on l'entend généralement, celle-ci enfonce le clou dans l'idée que la série devient de plus en plus centrée sur son personnage principal. Dans l'album précédent, on avait en quelque sorte exploré sa psychologie, et cette fois, on observe son cadre de vie.
La non-aventure pré-publiée dans le "Journal Tintin" en 1961-62 en a dérouté plus d'un, sinon déçu. Et c'est la première fois depuis la fin de la guerre qu'il a fallu attendre si longtemps avant de pouvoir la lire. Ce qui n'empêchera pas bon nombre de lecteurs de la considérer comme un pur chef-d’œuvre.
Hergé est parvenu à sauver les meubles cette fois-là, mais ce sera la dernière.
(voir aussi critique)
Vol 714 pour Sydney - Les Aventures de Tintin, tome 22 (1968)
Sortie : janvier 1968 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 4/10.
Annotation :
IV/- LE TEMPS DU DÉCLIN
Le succès et l'aura de TINTIN ont beau être énormes en ce début d'années 1960, Hergé peine à trouver l'inspiration pour faire vivre son personnage, et tout le monde au Studio Hergé s'ennuie ferme. Ils ont un temps pu s'occuper en réalisant une version modernisée de L'ILE NOIRE, mais ce n'est pas suffisant. Hergé s'était bien lancé en 1962 dans une aventure où nos protagonistes repartaient au San Théodoros auprès du général Alcazar (TINTIN ET LES BIGOTUDOS - titre affreux), mais qui a sombré dans l'impasse après plusieurs tentatives.
Il reprend néanmoins des éléments de celle-ci (détournement d'avion, retour de Szut) pour créer VOL 714 POUR SYDNEY, en s'inspirant de sujets qui le passionnent à l'époque, à savoir la vie extra-terrestre et les contacts possibles avec les Terriens par l'intermédiaire d'initiés (genre de trucs qui passent en boucle aujourd'hui sur RMC Story - hum !)
Si l'histoire qui paraît dans le "Journal Tintin" en 1966-67 enthousiasme son auteur, on ne peut pas dire qu'il en va de même chez les lecteurs qui ont dû attendre 4 ans pour lire une nouvelle aventure de leur héros, récemment détrôné de sa place de plus grand vendeur d'albums par ASTÉRIX, plus moderne et amusant (à la grande colère de Hergé).
VOL 714 POUR SYDNEY est une histoire fade. Il ne s'y déroule rien de passionnant. Laszlo Carreidas est raté, tout est forcé dans ce qui le concerne. Aucune scène se voulant comique ne l'est (exceptée celle du nasique). Est-ce pour concurrencer ASTÉRIX que Hergé a voulu faire plein de gags ? Ben, c'est raté. La séquence du détournement d'avion commence enfin à entraîner le lecteur (après une intro très artificielle) mais tout retombe aux apparitions d'un Allan bedonnant en converses et surtout d'un Rastapopoulos fringué en chanteur country. Comment le dandy-truand snob et raffiné des CIGARES DU PHARAON et de COKE EN STOCK a pu devenir ça !? Hergé a dénaturé ses méchants et flingué son histoire par la même occasion. Les passages dans les galeries sous-terraines auraient pu être bons, mais ils sont trop courts, arrivant trop tard. Et la fin est bâclée. Pour le reste, c'est d'une platitude inédite dans la série. Même le dessin est sans grande inventivité, et assez moche parfois (gros plans). Bref : une histoire mal structurée, une déception.
À noter l'absence des Dupondt.
Tintin et les Picaros - Les Aventures de Tintin, tome 23 (1976)
Sortie : avril 1976 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
Tintin ne passionne plus Hergé qui s'intéresse désormais plus à l'art contemporain. D'autant que ses plus vaillants collaborateurs au Studio sont partis (Roger Leloup et Jacques Martin). Il reprend donc l'histoire des "Bigodutos" ébauché de 1962 et parvient enfin à lui donner forme, s'inspirant de la houleuse vie politique des pays d'Amérique du Sud dans les années 1960-70, de Cuba au Chili, en passant par le Brésil et l'Argentine.
TINTIN ET LES PICAROS paraît en 1975-76 dans le "Journal Tintin", huit ans après la dernière véritable aventure. Mais comme la précédente, elle manque du souffle épique qui caractérisait la plupart des grands épisodes de la série. Tintin y est d'ailleurs très passif, ne souhaitant pas - dans un premier temps - y participer (il est absent de neuf des vingt premières planches). Il est plus détaché et spectateur, conseiller et observateur qu'acteur à part entière. Haddock et Tournesol sont plus en avant, ce qu'illustre d'ailleurs très bien la couverture de l'album ...et qui en dit long sur l'état d'esprit de Hergé.
Mais, contrairement à VOL 714 POUR SYDNEY, on trouve ici d'authentiques bons moments, comme la mise en place de l'histoire (qui peut très bien se lire directement après LES BIJOUX DE LA CASTAFIORE), la malice de Tournesol qui goupille quelque chose dans son coin, ou les commentaires décalés (plein d'humour noir) d'Alcazar et Tapioca - pour une fois complices - lorsqu'il s'agit de ne pas fusiller ce dernier. Et puis, le parallèle entre la case de l'arrivée de Haddock et Tournesol en avion au-dessus de Tapiocapolis et l'avant-dernière de l'album est très éloquente : même si Alcazar est dans le camp des "gentils", il n'en fera pas plus pour le peuple depuis son beau palais que son "méchant" prédécesseur (dont, soit dit en passant, on découvre enfin à quoi il ressemble).
L'ultime TINTIN n'est pas indispensable, mais il est honnête et relève le niveau au dernier moment après le naufrage du précédent. Milou est bourré (ce qui ne lui était pas arrivé depuis le Tibet) et on apprend que Haddock s'appelle Archibald. Et pour l'anecdote éditoriale, Hergé s'est rendu compte au dernier moment qu'il y avait une planche de trop dans son récit (22bis) qui a donc été supprimée de l'album, mais qui était incluse dans l'édition originale en feuille volante (cf. https://3.bp.blogspot.com/_JpCx7N4ngfQ/SnpxKMHeJmI/AAAAAAAAAF0/uskfyssCskw/s1600/PAGE14.JPG ).
L'Oreille cassée - Les Aventures de Tintin, tome 6 (1943)
Sortie : juillet 1943 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
REFONTE DES ALBUMS & HORS-SÉRIE
Depuis le milieu des années 1930, Casterman cherchait à convaincre Hergé de passer à la couleur pour faciliter les ventes. Ce à quoi il s'était toujours refusé. Mais pour la vente internationale, c'est devenu impératif. Il franchit donc le cap avec L’ÉTOILE MYSTÉRIEUSE et, dans la foulée, il s'est laissé convaincre de reprendre ses premiers albums pour les coloriser et les adapter au format plus commode de 62 planches - la pénurie de papier aidant aussi en période de guerre à réduire le nombre de pages - à partir de 1942.
Le premier de ceux-ci est L'OREILLE CASSÉE (1937) qui, en dehors de quelques détails et le retrait de la scène du rêve au début, ne subit pas de modifications profondes. Les lettrages sont également refaits et le résultat vaut parfaitement l'original. Grâce à la couleur, on gagne cependant en lisibilité immédiate. Les trois questions posées au lecteur sont également supprimées puisqu'elles dépendaient de la pagination.
On perd en revanche dans la refonte les quatre illustrations hors-textes en couleur.
Pour l'anecdote, cet album a servi d'inspiration à Philippe de Broca pour faire L'HOMME DE RIO, qui a lui-même inspiré Steven Spielberg pour LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE. Et pour faire son adaptation des TRIBULATIONS D'UN CHINOIS EN CHINE, de Broca s'est cette fois en partie inspiré d'un passage au début de TINTIN AU TIBET (aéroport et Katmandou).
Les aventures de Tintin: L’île Noire (deuxième édition) (1943)
L'île Noire
Sortie : 1943 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
Hormis LE SCEPTRE D'OTTOKAR, les premiers albums N&B à être refaits en couleur sont les derniers parus. Ainsi, dans la foulée de L'OREILLE CASSÉE, c'est L'ILE NOIRE (1938) qui bénéficie de la refonte. Il faut dire que celui-ci a été plus simple à retravailler, l'original en noir et blanc faisant 124 planches, il a été plus commode pour Hergé de les adapter en 62 planches, avec quelques modifications, quelques retouches et une dizaine de cases supprimées.
La charge de travail supplémentaire est telle (les refontes sont faites en parallèle de la création des nouvelles aventures) qu'il s'adjoint les services d'Alice Devos qui fait la colorisation, couleur par couleur et non case par case ou planche par planche.
Une nouvelle fois, la refonte de l'album permet plus de facilité de lecture, mais la version N&B reste supérieure dans certains passages, notamment celui de la bagarre chez le Dr. Müller, plus efficace, ou de l'arrivée de Tintin sur l'île, beaucoup plus inquiétante. Et d'une manière générale, la monochromie correspond mieux à la nature du sujet.
Le Crabe aux pinces d'or - Les Aventures de Tintin, tome 9 (1943)
Sortie : novembre 1943 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 6/10.
Annotation :
La refonte du CRABE AUX PINCES D'OR (1940) a été plus délicate, car l'histoire est plus courte. Il a donc fallu que Hergé ajoute des cases pour arriver à la norme des 62 planches et en agrandisse d'autres. De plus, les quatre illustrations hors-textes sont conservées et intégrées dans la pagination.
La très belle scène de l'attaque dans le désert conserve les grandes qualités graphiques de la version en noir et blanc, la couleur n'aplanissant pas les formes, contrairement à la découverte de l'Ile Noire par Tintin dans le précédent album.
Pour le reste, l'ambiance, l'atmosphère de l'aventure ne changent pas.
C'est pour la réédition de 1946 de cet album qu'est apparu la première fois la quatrième de couverture illustrée de personnages et d'éléments divers évoquant les aventures de Tintin, mais aussi Quick & Flupke ou Jo, Zette & Joko. Elle sera utilisée jusqu'en 1975. voir : https://i1.wp.com/tintinomania.com/wp-content/uploads/2019/10/B1-couleurs.jpg?w=581&ssl=1
Pour la distribution sur le marché étasunien, d'autres modifications ont dû être apportées en 1959 : le membre d'équipage noir d'Allan sur le Karaboudjan (Jumbo) est remplacé par un Sud-Asiatique, et l'autre Noir qui donne des coups de bâton au capitaine Haddock dans les caves d'Omar Ben Salaad est remplacé par un Blanc. À cette époque, il était inconcevable pour un Étasunien qu'un homme blanc soit représenté de cette manière, maltraité par un Noir. De même, la scène de picole du capitaine Haddock sur le canot de sauvetage est modifiée pour que la descente de la bouteille par le capitaine ne soit pas trop explicite. L'illustration pleine page de l'attaque de l'hydravion est également changée : cette fois, l'avion est montré en contre-plongée.
C'est cette version de 1959 qui est diffusée depuis dans la série classique.
Tintin en Amérique - Les Aventures de Tintin, tome 3 (1946)
Sortie : juillet 1946 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 5/10.
Annotation :
La deuxième série d'albums à être colorisée concerne notamment deux des trois premiers de la "préhistoire" de TINTIN qui ne nécessitent pas seulement d'être remontés et recadrés, mais aussi redessinés. Pour ce faire, Hergé s'adjoint les services d'Edgar P. Jacobs avec qui il retouche et dépoussière ces aventures qui deviennent plus lisibles sous cette forme.
TINTIN EN AMÉRIQUE est retravaillé en 1945 et publié l'année suivante simultanément à TINTIN AU CONGO, qui sont encore aujourd'hui les deux albums les plus vendus de la série dans le monde.
Cette version est beaucoup plus lisible que la version originale de 1932, mais ça reste une histoire mineure de la série. Le looong passage western est assez ennuyeux : alors qu'on était dans le Chicago des criminels à la Capone, on se trouve plongé au Far West en une case. On trouve toutefois quelques moments qui sont très loin de la naïveté souvent reprochée à Hergé, comme l'accaparement des terres indiennes pour voler leur pétrole, ou la description à peine caricaturée de la scène du meurtre du banquier dont un protagoniste explique que, par principe, ils ont pendu sept noirs ; ce qui n'était pas forcément de la fiction dans le Sud de cette époque. Pour satisfaire une dernière fois le marché étasunien, la femme noire et son bébé qui pleure ont été remplacés en 1973 par une femme et un bébé blancs.
Tintin au Congo - Les Aventures de Tintin, tome 2 (1946)
Sortie : juillet 1946 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 5/10.
Annotation :
Dans la foulée de TINTIN EN AMÉRIQUE, c'est TINTIN AU CONGO qui est dépoussiéré par Hergé et Jacobs, qui ajoute et peaufine de nombreux décors.
Et c'est là que le bât va commencer à blesser. Mais pas tout de suite. Car, si la version originale de 1931 montrait une vision colonialiste du Congo et de ses habitants dans un livre clairement "ancien" et correspondant à l'époque décrite, faire le choix de montrer à nouveau ce même visage du Congo dans un style graphique moderne pose problème, car si la forme a évolué, le fond reste inchangé. Et c'est bien cette version publiée initialement en 1946 qui va faire polémique, particulièrement à partir de sa réédition en 1970 (où "nègre" est enfin remplacé par "noir").
Hergé aurait effectivement dû profiter de cette nouvelle réédition pour remanier certaines choses en profondeur, voire créer une troisième version qui n'empêche pas la continuité avec l'album suivant.
Le problème de cette refonte qui passe pour une "nouveauté" aux yeux de nombreux lecteurs de 1970 vient de la forme esthétique de l'album qui, désormais associée à celle des grands classiques de la série paraissant à la même époque, donne la sensation que TINTIN AU CONGO a été créé en même temps que les plus récentes aventures. Ce qui donne à penser que Hergé voit en 1970 le Congo et ses habitants exactement comme il les décrivait en 1930. Or, cette version "modernisée" date en fait de 1946, époque qui n'était pas moins colonialo-raciste que celle de 1931. Et toutes les incompréhensions reposent là-dessus. En fait, à l'instar de TINTIN AU PAYS DES SOVIETS, TINTIN AU CONGO n'aurait pas dû être remodelé en 1946, à moins de le remanier en profondeur, comme indiqué plus haut.
Parmi les changements les plus notables, on notera cependant la fameuse leçon de géographie qui est remplacée par une leçon de calcul. Et, bien plus anecdotique et dans un autre ordre d'idées, dans la première case, Hergé (qui apparaît dedans) ajoute les Dupondt et Quick & Flupke dans le groupe qui vient dire au revoir à Tintin.
L'ultime modification de l'album a eu lieu en 1974 à la requête des pays scandinaves qui ont demandé de retoucher la scène de la chasse au rhinocéros (pourtant hilarante d'absurdité). Ainsi, hormis en France et aux Pays-Bas, la scène montre désormais le rhino qui s'enfuit, effrayé par un coup de fusil qu'il a provoqué, manquant de toucher Tintin. (voir : https://i0.wp.com/tintinomania.com/wp-content/uploads/2018/05/Version-Scandinave.jpg?w=753&ssl=1 ).
Le Lotus bleu - Les Aventures de Tintin, tome 5 (1946)
Sortie : décembre 1946 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Première merveille du monde de TINTIN, LE LOTUS BLEU est mis en couleur et remonté en 1946. Et, comme si c'était possible, le passage à la couleur l'améliore encore sous sa magnifique couverture rouge.
Cette fois-ci, le dessin - que Hergé avait largement amélioré à l'origine par rapport aux précédentes aventures - est conservé (ce qui prouve l'élévation du niveau déjà en 1935), dans des cases à peine modifiées. Jacobs peaufine les décors en ajoutant des éléments et des détails toujours pertinents. Les premières planches en Inde sont en revanche refaites. Et on notera le remplacement des soldats britanniques par des soldats indiens dans la scène de la prison. Et, à nouveau, les cinq illustrations hors-texte ne sont pas conservées.
Chef-d’œuvre !
(voir aussi critique)
Le Sceptre d'Ottokar - Les Aventures de Tintin, tome 8 (1947)
Sortie : décembre 1947 (France).
BD franco-belge de Georges Remi (Hergé)
Muffinman a mis 7/10.
Annotation :
Par rapport aux autres albums retravaillés pour le passage à la couleur en 62 planches, LE SCEPTRE D'OTTOKAR est celui qui a subi le plus de modifications, pour son bénéfice.
Un grand nombre de cases a été ajouté pour développer des actions et les rendre plus fluides et compréhensibles et le découpage a aussi été modifié par endroits. De grandes cases ont également été (re)créées pour donner plus d'ampleur au sujet (défilé, cérémonie), et Edgar P. Jacobs a mis un soin tout particulier à détailler les décors qui précédemment étaient succincts, voire inexistants. Il apparaît d'ailleurs aux côtés de Hergé à la soirée de gala de la Castafiore.
Une belle refonte qui vaut mieux que l'édition en noir et blanc de 1939, à l'image de la très belle illustration de couverture qui remplace un dessin original beaucoup moins lisible.