Cover Top 2020

Top 2020

Malgré le fait qu'elle fut très décevante, 2020 aura eu quelques films qui valent le coup d'œil. Aucun chef d'œuvres majeurs, mais de quoi passer quand même quelques très bons moments de cinéma dont voilà la sélection qui aura vraiment marqué mon année.

Liste de

10 films

créée il y a presque 4 ans · modifiée il y a presque 4 ans
Je veux juste en finir
6.2
1.

Je veux juste en finir (2020)

I'm Thinking of Ending Things

2 h 14 min. Sortie : 4 septembre 2020. Drame, Thriller

Film de Charlie Kaufman

Flaw 70 a mis 10/10 et a écrit une critique.

Annotation :

I'm Thinking of Ending Things est un film qui fait mal car c'est un film qui va en contradiction totale avec les concepts inculqués par la société qui nous pousse à avancer selon la promesse de jours meilleurs. Ici le cinéaste annonce que ces jours meilleurs ne viendront pas car il ne sont pas destinés à tous, un constat lucide et douloureux. Déconstruisant la dangerosité de ces attentes irréalisables, qui peuvent facilement broyées une vie, il montre les limites d'une société qui se base sur la reconnaissance comme forme de succès à travers le parcours mental de quelqu'un qui en recherche éperdument, prisonnier des valeurs et clichés qu'on lui a inculqué devenant lui-même le bourreau de son propre esprit. I'm Thinking of Ending Things en devient alors une œuvre paradoxale et vertigineuse par sa complexité où, malgré ses excès de zèles, Kaufman ne se laisse jamais broyé par la dualité de sa tâche parvenant à s'imposer comme un récit terriblement humain et déchirant tout en sachant avoir conscience de la limite de sa propre pensée. Magistral.

Waves
7.2
2.

Waves (2019)

2 h 15 min. Sortie : 29 janvier 2020 (France). Drame

Film de Trey Edward Shults

Flaw 70 a mis 10/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Waves est un incroyable et important morceau de cinéma. On lui reprochera peut-être sa bande son un peu trop envahissante et évoquant une playlist Spotify mais cela s'accorde aussi avec ses envolées générationnelles. Car Waves est un film générationnel, probablement un des premiers sur la génération des années 2000, et le plus majeur depuis le Spring Breakers de Harmony Korine en 2013. Une œuvre bouleversante, lucide et terriblement intelligente qui terrasse autant par sa noirceur que son message porteur d'espoir. Évitant tout pathos pour être d'une authenticité admirable, le tour de force de Waves est aussi de parvenir à brillamment mêler ses audaces formelles aux parcours émotionnelles chaotiques de ses personnages ce qui offre une mise en scène ingénieuse et inventive qui est en constant renouvellement. Surtout qu'il parle de l'humain avec une empathie terrible pour dénoncer les dérives qui font boules de neiges d'un système qui nous isolent et se nourrit des craintes qu’ils nous poussent à créer. Il est presque criminel que le film soit passé inaperçu à sa sortie aux Etats-Unis et qui s'avère très mal distribué en France tant il va passer sous beaucoup de radars alors qu'il a les épaules pour être une des œuvres les plus décisives de sa génération. Un grand film.

1917
7.6
3.

1917 (2019)

1 h 59 min. Sortie : 15 janvier 2020 (France). Drame, Guerre

Film de Sam Mendes

Flaw 70 a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Après sa parenthèse James Bond, Sam Mendes revient avec 1917 à un cinéma plus personnel et intime d'autant plus qu'il signe lui-même pour la première fois le scénario du film. Inspiré par les récits de la Première Guerre Mondiale de son grand-père, il décide d'en faire une oeuvre en forme d'hommage au propos savamment antimilitariste mais qui s'impose aussi comme une sincère célébration de courage et d'héroïsme qui ne se fait pas par le combat mais par la parole.
Le scénario est en soit assez simple et minimaliste, se résumant à une mission spéciale qui suit deux jeunes soldats qui doivent transmettre un important message pour empêcher un assaut qui causerait beaucoup de morts inutiles. L'unité de temps se voyant ici restreinte mais aussi les protagonistes s'aventurent dans un territoire hostile propice à une course contre la montre sous tension. Et de ce postulat resserré, Sam Mendes décide d'en tirer une formidable prouesse technique et filmant son récit comme un immense faux plan-séquence.
Le tour de force y est incroyable tant l'immersion n'aura jamais été aussi palpable dans un film, 1917 n'épargnant quasiment jamais rien et la seule respiration qu'il nous accorde sera à travers une habile ellipse qui marque la seule coupe assumée du film. Le reste du temps ont sera inlassablement collé aux basques du protagoniste, incarné par un impeccable George MacKay dont son regard pénétrant marque la pellicule. On le suit à travers des péripéties souvent inventives et surtout filmées avec une précision virtuose qui conjugue un brillant sens du réalisme ainsi qu'une gestion de la tension inébranlable. En ça, la traversée d'un No Man's Land, une séquence de nuit sidérante et le puissant final resteront de sacrés morceaux de cinéma. Le tout est en plus tenu par une photographie prodigieuse de Roger Deakins et on déplorera peut-être juste la musique un peu trop pompeuse par instants de Thomas Newman.
Mais la vraie prouesse de 1917 est de ne pas tout sacrifier au profit de son incroyable performance technique et de ne jamais oublier le caractère humain de son périple. On en sort épuisé, ému et émerveillé par un film d'une sincérité émouvante et qui aligne des morceaux de bravoures étincelants mais qui marque surtout par sa belle leçon d'humanité. Peut-être un peu trop embourbé dans son propre procédé pour s'élever au rang de chef d'oeuvre, 1917 n'en reste pas moins une oeuvre majeure et qui fera date permettant à Mendes de signer son meilleur film.

The Vast of Night
6.3
4.

The Vast of Night (2019)

1 h 31 min. Sortie : 3 juillet 2020 (France). Drame, Science-fiction, Thriller

Film de Andrew Patterson

Flaw 70 a mis 9/10.

Annotation :

Au budget dérisoire mais à la créativité sans limite, The Vast of Night est un premier long métrage audacieux et envoûtant qui parvient à habilement digérer ses références pour les réactualiser avec brio.
A l'image d'une épisode de la Twilight Zone qui nous plonge entre la réalité et le fantastique, The Vast of Night évolue quelque part entre le classicisme et la modernité dans une oeuvre nostalgique et poétique qui possède avant tout un regard très actuel. Évitant l'écueil de l'hommage pur et dur, ce que beaucoup d’œuvres qui fantasment le cinéma des années 80 font trop systématiquement, le film d'Andrew Patterson réinvestit intelligemment la notion de mystère et de menace autour d'une présence qu'on ne parvient jamais à définir. Véritable parabole sur l'incertitude de l'avenir et le voyage à travers l'inconnu qu'est la vie, on se retrouve face à un récit qui marrie habillement l'imaginaire des années 50 à une angoisse très actuel.
Passionnant de bout en bout par sa façon de gérer son mystère et ses inquiétudes avec une rare énergie et à travers des personnages attachants campé par de très bons jeunes acteurs. En ça, le duo principal s'avère particulièrement plaisant à suivre. Le film possède aussi une réalisation technique tout à fait honorable malgré son léger budget. Le montage sera le seul point noir au tableau tant il accumule ici et là quelques erreurs assez visibles mais est contrebalancé par une photographie proprement superbe et surtout une bande son ravissante. La mise en scène d'Andrew Patterson est un tour de force incroyable, énergique, dense et ingénieuse, elle atteint même une virtuosité rare lors d'un plan séquence central qui switch le point de vue entre deux personnages et qui s'impose comme une démonstration de force exceptionnel surtout au vu de ses limitations techniques. Mais Patterson n'occulte jamais son récit ou l'imaginaire de son spectateur sur l'autel de son propre talent et fais mine d'une science du dosage impressionnante et qui laisse toute la place à son spectateur d'apprivoiser son oeuvre et d'y déverser sa propre imagination.
The Vast of Night est un excellent film qui fait mine d'une inventivité rare pour parvenir à aller au bout de son propos sans jamais se laisser coincer par ses limitations budgétaires. Cela fait longtemps qu'on aura pas vu une telle déclaration d'amour à la SF et à la série B d'autant plus que l'hommage n'est jamais ici le focus tant l'oeuvre parvient à exister d'elle-même et réactualise son genre.

Drunk
7.3
5.

Drunk (2020)

Druk

1 h 55 min. Sortie : 14 octobre 2020 (France). Comédie dramatique

Film de Thomas Vinterberg

Flaw 70 a mis 9/10.

Annotation :

Thomas Vinterberg et Mads Mikkelsen signe avec Druk ce qui est à ce jour leur meilleure collaboration dans un film doux-amer sur le portrait d'une crise existentielle porté par l'ivresse du désespoir.
Le cinéaste aborde ici avec une grande délicatesse la dépression à travers le parcours d'une bande de profs sur le déclin qui se confronte à leur jeunesse passée et tentent alors de s'y replonger grâce aux affres de l'alcool. Entre bon délire de potes et rappel brutal à la réalité, Vinterberg n'épargne rien alors qu'il évoque la difficulté de se reconnecter avec soi-même lorsque la vie nous érode. Empli d'humanité, on se retrouve face à un récit souvent drôle et parfois bouleversants qui impressionne par ses quelques moments de grâce éblouissants.
On reprochera peut-être quelques moments attendus de ce genre de drame, mais souvent relevé par un casting excellent avec en tête un Mads Mikkelsen absolument grandiose. Il porte le film avec une justesse, une énergie et un naturel sidérant, couplé avec la mise en scène enlevée de Thomas Vinterberg qui le magnifie et offre des morceaux de bravoure galvanisants. En ça la conclusion délicieusement ambigu s'impose comme une séquence mémorable qui marquera assurément 2020 par sa fougue sans modération.
Druk s'avère être un excellent film, autant comédie jubilatoire que drame poignant, il parvient à porter un regard bourré d'empathie et de justesse à une crise existentielle universelle. Audacieux, habité et touchant, Vinterberg signe à la fois avec Druk un de ses meilleurs films mais surtout offre à Mads Mikkelsen son meilleur rôle. De quoi réveiller une année bien troublée.

Sound of Metal
7.4
6.

Sound of Metal (2019)

2 h. Sortie : 16 juin 2021 (France). Drame, Musique

Film de Darius Marder

Flaw 70 a mis 9/10.

Annotation :

Issue de l'école de Derek Cianfrance, dont il a co-écrit le scénario de The Place Beyond the Pines, Darius Marder signe avec Sound of Metal son premier film aussi co-écrit avec le soutien de Cianfrance. On ressent l'influence du cinéaste sur le film de Marder sans que celle-ci ne vienne l'étouffer.
Sound of Metal vient aborder la question de la surdité avec une justesse souvent désarmante dont on reconnait souvent l'âpreté bouleversante de The Place Beyond the Pines. Divisé en 3 parties distinctes, le film explore la perte auditive à travers la dépendance du son et déploie un point de vue inédit et intelligent autour de la question de l'autodestruction et de l'écoute dans une approche métaphorique. Ici, on peut entendre sans écouter, que ce soit les autres ou soi-même. Thérapeutique, audacieux et touchant, le film explore le parcours initiatique de son personnage sans détour sachant être tout autant bouleversant que parfois léger et drôle.
Darius Marder déploie déjà une maîtrise de son art assez saisissante tant il parvient à construire un récit habile et précis qui ne laisse rien au hasard sans jamais en faire trop. Il apparaît déjà comme un cinéaste accompli et offre une réalisation tout bonnement somptueuse. Même si l'image se montre irréprochable, que ce soit à travers la très jolie photographie ou une mise en scène sobre et brut au plus près des émotions de ses personnages, c'est surtout le travail sur le sound design qui impressionne. Sans jamais virer dans l'expérience sensorielle veine, il adapte le son au parcours physique et émotionnelle de son personnage. Arrivant dans certains passages l'utiliser lui ou son absence pour déployer une couche émotionnelle bouleversantes.
Sound of Metal est aussi tenu par un casting irréprochable, chaque acteurs livrant ici des performances emplies de justesses et de nuances, en tête un bouleversant et magistral Riz Ahmed . Sound of Metal est donc un excellent film, qui apparaît aussi simple que complexe tant il arrive avec un naturel sidérant à émouvoir tout en se drapant d'une maîtrise technique impressionnante. A découvrir absolument.

Milla
6.8
7.

Milla (2020)

Babyteeth

1 h 58 min. Sortie : 28 juillet 2021 (France). Comédie, Drame

Film de Shannon Murphy

Flaw 70 a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Premier film d'une sensibilité désarmante, Babyteeth est le genre d'oeuvre à avoir la finesse de trouver l'harmonie dans la dissonance. Même si il présente une romance qui pourrait paraître borderline, il trouve toujours l'humanité de ses personnages et tire un très beau portrait empli de compassion.
De prime abord, il est difficile de vraiment se laisser aller à cette romance entre une ado de 16 ans et un toxicomane de 23 ans tant elle apparaît sur bien des aspects comme une relation toxique. Pourtant très vite le film nous désarme dans sa volonté de faire voler en éclats les conventions en brossant 4 portraits de personnages en souffrances qui tente de s'en sortir et s'accorder un peu de bonheur avec les cartes que leur a distribué la vie. La relation tumultueuse entre la protagoniste et son petit ami ainsi que l'impact que cela à sur ses parents sera le cœur du film et le récit se fera toujours un malin plaisir de prendre nos attentes à revers pour nous amener là où on ne l'attends pas jonglant souvent entre une douce comédie et un drame dévastant.
On pourra peut-être reproché quelques sous-intrigues un peu inutile autour des parents surtout une qui n'a pas vraiment d'incidence et qui apparaît vraiment comme une distraction un peu mal amené. Mais grâce à sa structure audacieuse, Babyteeth parvient toujours à nous embarquer tout comme il se renouvelle sans cesse avec brio jusqu'à un dernier tiers renversant. Avec en plus un casting brillant dont on retiendra la formidable Eliza Scanlan qui porte le film en adolescente solaire et un Ben Mendelsohn grandiose de justesse et de sobriété, ou encore une réalisation exemplaire par son audacieux montage et sa sublime photographie, Babyteeth impressionne de maîtrise. La mise en scène douce et consciencieuse de Shannon Murphy venant en plus encadrer le tout avec beaucoup de savoir-faire.
Babyteeth est une très belle surprise, une dramédie aussi drôle et léger que terriblement émouvante parvenant même à traiter de la maladie et de son impact avec un regard nouveau, frais et diablement original. Évitant tout pathos ou envolées moralisatrices, le film regarde ses personnages avec beaucoup d'empathie et livre des sublimes portraits empli d'espérances, de souffrances et d'humanités. Quand bien même Babyteeth traîne un peu trop sur une sous-intrigue dispensable, il reste un film d'une grande maîtrise habité par un casting hors pair.

Séjour dans les monts Fuchun
7.1
8.

Séjour dans les monts Fuchun (2020)

Chun jiang shui nuan

2 h 30 min. Sortie : 1 janvier 2020. Drame, Romance

Film de Gu Xiaogang

Flaw 70 a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Premier film passionnant mais surtout premier opus d'une trilogie qui s'annonce ambitieuse et dont on attend déjà la suite, Séjour dans les monts Fuchun s'impose comme une fresque chorale saisissante de beauté et de simplicité.
S'inspirant de vieilles peintures chinoises pour asseoir l'esthétique de son film, Xiaogang Gu filme ses paysages avec une grâce infinie dans de longs plan séquences paisibles et inspirés qui évoque autant le calme d'une fleuve qui s'écoule que l'inarrêtable fil du temps. Avec sa sublime photographie qui capte sa nature avec beaucoup de tendresse, il évoque les changements d'une société chinoise en constant changement, un chaos urbain bouillonnant qui n'en finit plus de muter tel un champ de construction qui n'en finit plus.
La métamorphose qu'opère la ville, dans un contexte social instable où menace constamment les soucis financiers, le jeune cinéaste en tire un récit autant autobiographique qu'universelle qui tend vers l'onirisme de la méditation. Finement écrit et passionnant dans le portrait de ses personnages, c'est surtout dans ce qu'il raconte sur la situation de son pays qui tend à rendre Séjour dans les monts Fuchun mémorable tant il transparaît d'une lucidité assez rare dans le cinéma chinois. Du moins rarement exposé de manière si frontale.
On pourra peut-être lui reprocher sa longueur excessive, qui avec son rythme assez lent rend le récit pas moments un peu trop embué. Mais la majesté de l'ensemble compense très souvent les rares faiblesses de ce Séjour dans les monts Fuchun qui nous donne envie de suivre son jeune cinéaste de près et d'attendre avec impatience la suite de sa fresque familiale et de l'étude de son pays. Un peu trop rhétorique par instants pour son propre bien et qui risque de perdre certains spectateurs mais le voyage n'en reste pas moins très beau.

Ema
6.7
9.

Ema (2019)

1 h 47 min. Sortie : 2 septembre 2020 (France). Drame

Film de Pablo Larraín

Flaw 70 a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Avec Ema, Pablo Larrain signe un de ses œuvres les plus retorses et fascinantes alors qu'il nous immerge dans les mouvements chaotiques de sa protagoniste qui se débat en quête de liberté et de transcendance.
Ici la liberté, que ce soit celle d'agir ou celle du corps, n'a jamais paru autant entremêlé avec l'acte de destruction alors que l'on suit Ema qui se libère autant qu'elle se détruit et détruit les autres. Pour s'affranchir des contraintes il faut faire tomber les barrières et brûler ce qui nous enferme dans le conformisme et l'apathie pour pouvoir y construire quelque chose de nouveau. La liberté devenant ici une conception abstraite devenant en soi sa propre prison régit par le chaos.
Trouble et obsédant, le parcours de cette protagoniste en devient aussi humain et antipathique tant il émerge d'un souffle anarchique qui ne respecte et n'épargne rien. Et sans jamais forcé le trait, le récit arrive à marcher sur cette fine ligne de l’ambiguïté moral sans jamais porté de jugements et parvenant à établir ses propres règles. Le résultat est unique, vertigineux et parvient à s'imposer comme une expérience sensorielle sans pareil.
Pablo Larrain signe une mise en scène hypnotique, transcendé par une musique enivrante et une photographie brillante qui retransmet par le traitement de la couleur l'état émotionnel de son personnage, où l'acte de bouger devient un pur geste érotique dans des scènes de danses fiévreuses et superbement chorégraphiés. Rarement on aura aussi bien su capter la sensualité des corps et de faire de la danse un acte aussi bipolaire et contradictoire tant elle paraît aussi salvatrice que destructrice, personnelle que collective et aussi harmonieuse que chaotique à la manière du plus simple acte d'amour.
Et on rajoute par dessus cela la performance magnétique de Mariana Di Girolamo qui crève littéralement l'écran et on obtient avec Ema un des films les plus audacieux, sensuel et fascinant de l'année. Peut-être aurait-il gagné à être un peu plus resserré vers sa fin ou de pousser un peu plus loin certains de ses aspects les plus abstraits notamment son imagerie du feu mais cela reste que de petits défauts face à la maîtrise que déploie Pablo Larrain. Il signe avec Ema ce qui est probablement son meilleur film.

Madre
6.9
10.

Madre (2019)

2 h 09 min. Sortie : 22 juillet 2020 (France). Drame, Thriller

Film de Rodrigo Sorogoyen

Flaw 70 a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Pour son 3e film en solo, le 5e de sa carrière ses deux premiers étant des co-réalisations, Rodrigo Sorogoyen prend pour base un court-métrage qu'il a sortie en 2018 et en imagine la suite dans un drame intense et fascinant.
Alors que l'introduction n'est autre que son fameux court-métrage, qui filme dans un plan séquence sidérant de maîtrise l'impuissance d'une mère face au kidnapping de son fils par téléphone, scène tétanisante qui vaut pour elle seule le déplacement, le film fera ensuite un bon de 10 ans pour étudier l'après de ce drame lors d'une relation tumultueuse. Brisée, ayant refais sa vie non loin de l'endroit où son fils à disparu, Madre va suivre cette femme en deuil alors qu'elle se laisse aller à une amitié ambigu avec une jeune homme de 16 ans qui ressemble à son fils
Entre la découverte du désir de l'un et le besoin de contact de l'autre, Sorogoyen brosse une relation qui flirte avec l'ambiguïté morale, thème récurrent de son cinéma, et offre ici un travail d'équilibriste hors pair en dépeignant les portraits de ses deux personnages sans jamais céder au malaise ni pour autant éviter ses éléments les plus tendancieux. On se retrouve face à un récit courageux, bourré d'empathie et d'humanité et qui regarde avec brio les tréfonds de la souffrance et les ténèbres à affronter avant de ré-apercevoir la lumière.
De ça, Rodrigo Sorogoyen tire une mise en scène viscérale et virtuose, peut-être trop par instants tant cette démonstration de force récurrente devient un peu répétitif lors de la deuxième partie du récit. Un bien maigre défaut tant la prouesse reste là, Sorogoyen filmant le tout avec l'énergie qui a caractérisé ses précédents films flirtant encore une fois avec la fièvre du thriller pur. Évoquant le cauchemar avec une rare subtilité lors d'une espace nocturne dans l'obscurité de la nuit ou montrant la valse de ses personnages qui s'apprivoisent avec une caméra qui suit le mouvement des vagues qui incarne le flot du désir ou encore en virant dans une confrontation intenable dans un climax vertigineux. Sorogoyen montre encore une fois tout son talent et le compose avec une photographie somptueuse et un sens du cadrage et de la composition impressionnant.
En plus incarné par un très bon casting, notamment Marta Nieto brillante d'incandescence et de fragilité, Madre est un drame intense et poignant qui assoit définitivement Rodrigo Sorogoyen comme un cinéaste majeur et un brillant esthète. Une grande bouffée de cinéma.

Flaw 70

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