13 heures qui se dévorent en 4
Je vais vous le dire franchement : je ne lis jamais de polars. A part les Agatha Christie qu'on nous forçait à lire au collège, et la trilogie de Stieg Larsson qu'on m'a placée d'autorité entre les mains, j'ai eu peu d'occasions de lire ce style de livres dans ma vie. J'avoue que c'était pour moi un genre mineur, le livre de vacances qu'on achète chez "Relais" facile à lire et qui ne dérange pas notre conscience pour nos trajets en train ou nos bronzettes sur la plage.
C'est d'ailleurs exactement pour cette raison que j'ai acheté "13 heures". J'avais oublié mon "vrai livre" chez moi, et je ne voulais pas passer 45 minutes dans le métro à fixer mes congénères d'un œil morne, désœuvrée. La petite librairie du coin ne proposant pas un choix phénoménal, je me suis dit qu'un polar me distrairait sans pour autant me détourner du roman assez ardu que je venais de commencer.
Mes attentes envers ce livre étaient très modestes puisque j'espérais seulement qu'il ne me tombe pas des mains au bout de 3 pages.
Quelle ne fut donc pas ma surprise de me voir happée par le roman dès les premières lignes, prise au piège par l'histoire qui nous propulse immédiatement dans l'action et par la plume très honorable de l'auteur (et du traducteur, car Deon Meyer écrit en afrikaans).
Voici en guise de teaser le début du roman :
"Cinq heures trente-six : une fille gravit en courant la pente escarpée de Lion's Head. Sur le gravier du sentier large, le bruit de ses chaussures de course dit l'urgence. À cet instant précis où les rayons du soleil découpent sa silhouette à flanc de montagne tel un projecteur, elle est l'image même de la grâce et de l'insouciance. Sa natte brune rebondit contre son petit sac à dos. Le bleu pastel de son tee-shirt fait ressortir son cou hâlé. Vêtue d'un short en jean, elle avance à grandes foulées énergiques et rythmées, propulsée par de longues jambes. Elle personnifie la jeunesse athlétique — vigoureuse, saine, déterminée.
Jusqu'à ce qu'elle s'arrête et se retourne pour regarder par-dessus son épaule gauche. Alors l'illusion s'évanouit. Son visage respire l'angoisse. Et l'épuisement absolu (...)"
Le livre est découpé en chapitres correspondant à des tranches horaires. Si vous avez fait attention au titre, vous aurez donc compris qu'en 13 heures tout sera bouclé, les méchants en prison et les gentils à la maison. En tout cas vous l'espérez.
Au bout de quelques pages j'ai compris que Meyer n'était pas un novice (contrairement à moi), tous les codes du polar sont maîtrisés et le roman admirablement construit.
Les sous-chapitres s'enchainent de façon fluide alternant des histoires qui évoluent en parallèle. Evidemment Meyer interrompt toujours ses paragraphes au moment où la tension est à son comble, nous faisant passer d'une intrigue à l'autre, et nous tenant ainsi en haleine pendant toute la lecture du bouquin. C'est le roman idéal pour être porté à l'écran, tout est là, aucune adaptation n'est nécessaire. Deon Meyer est un redoutable scénariste.
Sans rien vous dévoiler du livre (ce serait vraiment salaud de ma part, pas vrai ?), on est au Cap et on suit l'inspecteur Driessel, un vieil afrikaner qui a de la bouteille (dans tous les sens du terme), les déboires de sa vie privée, son enquête sur une jeune fille traquée, sur un patron de maison de disque assassiné, au milieu d'une concurrence latente entre flics, tout cela immergé dans l'Afrique du Sud d'aujourd'hui, où l'Apartheid est encore très présent dans les consciences. En négatif, Meyer nous donne un aperçu du paysage social de ce pays, le racisme latent entre ethnies zoulous et xhosas, la discrimination positive envers les blancs, la culture des afrikaners, le regard porté sur les métis. J'ai finalement appris beaucoup sur le sujet, ignare que j'étais.
"13 heures" m'a donné envie d'en savoir plus sur l'Afrique du Sud, et surtout de replonger bien vite dans un nouveau Deon Meyer !