1974 est un drame criminel éminemment politique car il souligne la situation de la Grande-Bretagne à cette période. Les policiers sont dépeints pour l'essentiel comme corrompus, violents, réactionnaires et souvent désemparés face à la dureté de leur quotidien. Les journalistes représentent pour la plupart des personnages antipathiques, nihilistes et égoïstes. Leur relation de travail commune est très fragile, l'argent achète le silence et le plus souvent la liberté de la presse. Néanmoins, le héros torturé et frustré Eddie Dunford a une morale qui le pousse à rechercher de nouvelles pistes sur un homicide récent. Ce flic en herbe qui a raté sa vocation, et qui n'aura de plus pas l'empathie du lecteur, sera le plus souvent confronté à des hommes en uniforme bien plus justiciers ou juges, voire même bourreaux, qu'hommes de loi. Il morfle, car ce monde, ce pays, ces villes sont impitoyables et faites pour des personnes endurcies et si vous n'êtes pas blanc, de sexe masculin, hétérosexuel et de surcroît policier, vous êtes alors un sacré suspect quand un meurtre a été commis dans le coin.
Le travail du traducteur a dû être difficile... D'une écriture sèche et incisive, aux phrases hachées comme déréglées, quelquefois répétitives et aux absences de verbe et de sujet, ce premier volume est par tous ces points d'un accès peu évident. La lecture est en effet parfois difficile et ne tolérera surtout pas d'être mise de coté trop longtemps, au risque de perdre le fil et rendre la suite très éprouvante. Il n'y a pas la moindre scène d'horreur, rien n'est d'ailleurs répulsif. Non, c'est surtout pessimiste, il faut foncer, et comme les romans de Chandler ou James Ellroy avec Los-Angeles, David Peace signe avec le Leeds de 1974 un récit vertigineux et viscéral, combinant des données historiques et des images de son mental, subtil mélange de réalité et d'imagination. C'est un roman noir d'une grande richesse, un coup de poing indispensable dans toute bibliothèque qui se respecte.
-- 7.5 --