J'ai mis la même critique sur tous les red riding, hein, parce que je pense qu'il est dommage de les séparer.
Entre 1999 et 2002, David Peace frappe quatre grands coups secs avec son Quatuor du Yorkshire (Red Riding Quartet en VO).
1974, 1977, 1980 et 1983. Ce ne sont pas les années où Anne Roumanoff a réussi à faire rire avec un de ses sketches, mais les titres des quatre volumes du Quatuor du Yorkshire, descendant direct du Quatuor de Los Angeles (Le Dahlia Noir, Le Grand Nulle Part, LA Confidential et White Jazz). Comme chez James Ellroy, source d'inspiration revendiquée de l'auteur David Peace, on y croise des flics bien ripoux, des prostitué(e)s, des journalistes, des tueurs et des personnages généralement aussi tordus qu'un ruban de Möbius.
Comme chez James Ellroy, il y a des meurtres qui cachent plus qu'on le croit, des machinations, du fric sale, des meurtres atroces, du glauque, du noir, du poisseux. Sauf que si autour de Los Angeles, il y a le strass et les paillettes, autour du Yorkshire il n'y a rien d'autre que le chômage et le désespoir d'une région qui se meurt. Derrière les années Thatcher qui remplacent les années Kennedy, c'est surtout l'espoir avide des années 90 a fait place à la détresse sociale des années 2000.
Comme chez Ellroy, la langue est maltraitée pour le bien de l'atmosphère. David Peace hachure ses phrases, entrechoque les propositions, n'hésitant pas à faire le compromis difficile de rendre son récit parfois plus confus en échange d'une immersion totale. L'histoire vraie du serial killer qui hantait le Yorkshire à l'époque sert de décor de fond à un tableau très stylé, et à une toile de maître, plus Francis Bacon que Murakami.
Pour une fois, l'adaptation télé en trois films (et non plus quatre, Channel 4 ayant fait l'impasse sur 1977, l'épisode le plus sanglant) est tout à fait à la mesure de la qualité des livres. L'adaptation est excellente, la photographie splendide, la mise en scène toujours juste. Légèrement moins osée en violence et en sesque que la source, elle est aussi plus facile d'accès, le média filmique rendant l'intrigue bien plus claire. Sans Braquo ni Carlos, ça donnerait presque envie d'émigrer de l'autre côté de la manche.
Suite à son Quatuor, David Peace, exilé au Japon, s'est lancé dans une trilogie consacrée au Tokyo de l'après-guerre. Si le premier, Tokyo Année Zéro, avait un peu déçu, le deuxième, Tokyo Ville Occupée, a largement rassuré. Malgré un nom qui facilite les jeux de mots ras-du-sol, David Peace impose finalement l'admiration.
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