J’ai fini le deuxième roman de David Dufresne, 19h59. 19h59 reprend le même type d’idées que Dernière sommation, son premier. Dufresne ancre son histoire dans le temps présent, dans le réel instantané dont il tire une roman, il l’appuie sur les faits, manie de journalistes, il invente des héros, rajoute sa sauce qui a bien pris en 2018, et tisse une intrigue mêlant les politiques, le renseignement, la police, le cynisme urbain, les parisiens, le terrorisme, la violence, d’état, des citoyens, qui couve, gangrène, menace, exalte, effraie.
19h59 n’est pas aussi bon que Dernière sommation ni même bon tout court. Il est verbeux, bavard, il est un produit de l’entre-soi, pétri de semi-portraits réels, de demi-vérités masquées, de clins d’œil en forme de private jokes. On est en plein dans les arcanes du pouvoir par l’un de ceux qui en sait plus qu’il peut dire, tente de dire sans dire, de faire comprendre entre les lignes. Il manque sa cible malheureusement.
Il reste bien écrit, précis, taillant parfois, mais le plus souvent, en dépit de sa brièveté, il ne fait qu’étaler de longs discours pseudo alarmistes, se perd dans les partis pris et les revendications des personnages, un poil caricaturaux, l’extrême droite ça fait chier, il se perd aussi dans la litanie des noms, ces faux noms de vraies gens, ces noms à peine transformés parfois que les plus adeptes du monde décrit se gargariseront de reconnaître, ou se foutront de reconnaître, ces hérauts nationaux, les pierres angulaires du fonctionnement de l’État, des médias, de l’Élysée, du gouvernement, les puissants qui avancent masqués ou en pleine lumière, les archétypes opposés perclus des regrets de l’âge, abattus par le poids du pouvoir, des gueules cassées en costume cravate tailleur soie, ces gens chiants qu’on peut plus voir en peinture.
Dans 19h59, on peut pas adhérer à la moindre idée, on déteste tout le monde, il y en a pas un pour rattraper l’autre, entre ceux qui sont brossés à l’arrache, ceux qui, trop lisses, ennuient, les traitres, personne n’aime les traitres, les puissants qu’on hait depuis qu’ils sont là, les profiteurs, les limités, les opportunistes et les lâches. Ils font rien que des choses qu’on voudrait plus jamais voir, on s’attarde sur la psyché d’ersatz insupportables. C-News, Praud, Bolloré, Macron, le Pen, il n’y a que du mépris à suinter de ces pages, sales, puantes. La violence qu’on voudrait, on la retrouve pas, c’est qu’une arnaque que le système récupère. Pour le coup c’est bien vu. Mais avec tout ça on en oublie de refermer dignement les intrigues et les vaisseaux qui portaient l’histoire s’évaporent devant les événements, le fantasme du pire jamais complètement annoncé, espéré un peu.
On profite néanmoins de quelques bribes sur un thème que l’auteur avait sans doute pas vu venir si fort en plein milieu de notre quotidien, il a pas écrit son bouquin fin février, c’est le lien avec l’Ukraine, la Russie, le Donbas, Kiyv, Marioupol, encore plus sous les feux des projecteurs de l’actualité et qui servent de toile de fond contextuelle enrichissante.