La touche finale d'un désastre annoncé par les deux premiers tomes. Un étonnant sabotage méthodique.
Et bien non, le troisième tome de 1Q84 ne sauve pas les deux premiers du désastre qui se profilait à l'horizon : ce monument de 1 500 pages (en 3 parties) est vraiment lourdement raté.
Le développement d'un personnage d'enquêteur esquissé dans le tome 2, plutôt réussi, ne parvient pas un instant hélas à faire oublier l'incroyable lenteur du déroulé poussif de l'intrigue, tellement téléphonée que tout lecteur attentif peut vraisemblablement l'écrire sans même se donner la peine de lire ce dernier morceau, les innombrables répétitions par lesquelles le narrateur s'assure que le lecteur n'oublie pas les informations qui lui ont été révélées toutes les 30 pages (parfois toutes les 10 pages, pour être sûr), les incohérences internes (où l'on voit un personnage redécouvrir avec l'émerveillement de la nouveauté un élément qui lui a déjà été dévoilé 100 ou 200 pages plus haut - en plusieurs occasions), ou encore la profusion de détails narratifs plats, qui n'apportent rien à l'atmosphère, et semblent n'être là que pour gagner de précieuses lignes supplémentaires.
Comme Murakami Haruki valait infiniment mieux que cette palinodie, la seule vraie question pour moi demeure celle-ci : est-on ici en présence d'un écrivain prématurément épuisé (mais dans ce cas, c'est un effondrement vraiment spectaculaire !), ou plus simplement, mais presque aussi tristement, d'un auteur ayant cédé aux sirènes éditoriales lui promettant que s'il acceptait de diluer sa substance d'un facteur 4 ou 5, et de simplifier, simplifier, simplifier son écriture, jusqu'à la nausée décérébrée finale, il pourrait enfin, après les millions de lecteurs des travaux précédents, atteindre les dizaines de millions dans le monde entier ? La réponse semble hélas assez claire à la lecture.
Une note 4 qui ne se justifie (plutôt que 1 ou 2) que par un lâche attachement à celui qui fut le formidable auteur de "La course du mouton sauvage" ou des "Amants du Spoutnik", et par quelques dizaines de pages, restes d'une splendeur passée, bribes de poésie fantastique, que l'on pourrait sauver de ce massacre industriel...