"Tout cela manque de sang"
Marie-Aude Murail, c'est un peu "cette" auteur qu'il faudrait mettre en italique quand j' en parle, et pour laquelle je ne suis pas du tout objective. Bien sûr, d'emblée j'ai pour elle énormément de tendresse, c'est une personne tout en lumière et qui avait les mots juste pour m'atteindre même dans l'abysse de crétinerie de mes 13ans.
Soit.
3000 façons de dire "je t'aime" n'est probablement pas son meilleur livre, pas le plus abouti, pas le plus bouleversant. Certains personnages sont parfaitement bancals, d'autres carrément mal écrits, c'est "du Murail" avec tout ce que ça implique... Et moi je n'ai plus 13ans.
Mais 3000 façons de dire "je t'aime", c'est une très belle entrée dans la littérature de théâtre quel qu'en soit le siècle, c'est parvenir à donner vie aux alexandrins, aux vers d’Apollinaire, à donner envie de se laisser envahir bêtement par les mots - et à aimer ça. Si je ne suis pas sûre que les ados tomberont amoureux des personnages, ou s'identifieront à eux facilement, je suis persuadée que, comme eux, ils pourraient tomber sous le charme des lettres.
3000 façons de dire je t'aime, c'est parler de la désillusion d'un soi qui grandit, qui se construit doucement et par hasard, qui a des regrets, des espoirs impossibles. Le tout, très idéalisé sans doute, avec des airs de bohème très parisienne, un juste retour des choses à la fin, vers un ordre plus classique (dommage, mais attendu...).
N'empêche, il fallait oser tenter de parler de théâtre sans tomber dans la désuétude ou le fantasme total, parler de malhonnêteté, de transfert d'ambition, d'amour à trois, parler de la prépa et de tout ce que ça peut avoir d'immonde et de cassant, mais surtout, il fallait oser parler de médiocrité, d'amertume sans tomber dans le cynisme, parce que c'est important.