Dans la continuité de Bashō senseï, et dans la même édition en invitation linguistique à se dépayser par l'immersion, je découvre Yosa Buson, l'un de ses successeurs au rang de maître ancestral de l'art du haïku. Le même plaisir de la contemplation se retrouve ici enrichit d'une présence plus affirmée de l'auteur derrière les mots,
de l'homme au cœur de cette nature qui le conditionne.
C'est d'abord la personnification des éléments de la nature qui fait la distance avec l'admiration sereine mais retenue de la nature. Ici
« paille et parapluie (…) devisent », « les lentes journées (…) se
suivent », « le mont Yoshino (…) recrach(e) des pétales ».
La nature s'active, bruissent, se déplace, s'émeut. Yosa Buson l'investit d'une part d'humanité afin de mieux l'habiter.
Car l'homme aussi s'impose. Où Matsuo Bashō témoignait sans s'immiscer, Yosa Buson s'investit, se découvre, s'expose. Se confie. Le temps lui pèse, et si la nature en subit les conséquences, ce n'est que parce qu'elle ne peut s'extraire de ce reflet de désespoir qu'elle absorbe.
Ici l'homme souffre, subit, vibre.
Et sa parole alors y trouve peut-être quelque écho où l'auteur dit l'irrémédiable temps qui passe, insatiable, vorace et empressé, et propose l'échappatoire, un éloge de la paresse, une invitation à se laisser pénétrer, à faire corps avec le monde, avec ce monde qui bruisse à l'unisson de nos souffles.
Si l'édition reprend le schéma appliqué au recueil consacré à Matsuo Bashō, au fil des saisons, de la naissance printanière aux dernières palpitations hivernale, les haïku de Yosa Buson disent autre chose que ce temps contemplé. Les joies s'exclament, les douleurs suintent.
L'homme se mesure à sa propre nature en reflet de celle qui l'entoure.
Et la poésie concise du poète palpite. Montrant la voie aux suivants :
Nature ne vaut
que si l'homme à l'or l'embrasse
d'une immersion saine.