L'éternité, c'est long, surtout vers la fin. C'est de qui déjà ? Woody Allen ? Peu importe, c'est le sentiment que l'on a en refermant le livre monstre de Tristan Garcia, 7, qualifié par l'auteur de romans (mais oui) et qui s'impose comme l'ouvrage le plus surprenant de la rentrée littéraire au côté de La septième fonction du langage (hum, encore ce chiffre 7), dans un genre très différent, cela va sans dire.Tristan Garcia n'obtiendra pas de prix littéraire, sans doute, mais son (ses) roman(s) pourrai(en)t bien devenir culte. Pour certains lecteurs, en tous cas, qui se seraient laissés entraîner, volens nolens, dans les multiples strates de 7, objet difficilement identifiable mais oh combien jubilatoire pour les esprits non cartésiens, à part vers la fin, c'est vrai mais personne n'est parfait et il est bien connu que terminer est plus difficile que commencer. 7 commence par 6 récits indépendants de 40 à 60 pages, tous baignés par un halo de fantastique. Il n'est pas besoin de savoir où l'auteur souhaite nous entraîner. Se laisser porter par ces histoires à l'absurde logique suffit à notre bonheur. Et puis vient le septième segment qui a lui la longueur d'un roman "normal" : 255 pages, divisé en 7 chapitres, évidemment, lesquels se rapportent aux 7 vies d'un immortel. Stupeur et tremblements : nous voici dans un remake de Replay, la merveille de livre signée Ken Grimwood (si ce n'est déjà fait, lisez-le !). Sauf que non, c'est autre chose, une variation sur le même thème, ou comment renaître et tenter de changer les choses avec cette impression, et pour cause, de déjà vu. Bien entendu, ce sont nos choix de vie que Tristan Garcia interroge. Et puis changer le monde tant qu'on y est puisque l'humain est un être naïf et plein d'espérance. Tristan Garcia joue avec tout cela, malicieusement et cruellement, parce qu'au fond c'est le rêve de tout un chacun : vivre des vies multiples. Il y a des liens, dans cette dernière partie, avec les 6 histoires précédentes, mais ils sont ténus et laissés en grande partie à l'imagination du lecteur. De cette exploration de la condition humaine, entre bonheur et malheur, révolution et résignation, amour et haine, l'auteur tire des conclusions fatalement pessimistes. L'homme est un animal triste, n'est-il pas ?; et qui plus est tout à fait conscient de l'être. Donnez-lui l'éternité et vous verrez bien ce qu'il en fera. Des confettis de petites joies dans un océan de mal être. Par sa construction, son caractère philosophique et son style sans fioritures, 7 s'impose comme le roman des possibles, impossible à décrire fidèlement. A lire absolument pour les esprits curieux et qui croient à l'éternité, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Quitte à trouver qu'elle est vraiment, mais vraiment, interminable.