Enfants de la faim et du froid

Prusse orientale (région aujourd'hui partagée entre la Pologne et la Russie), en l'an 1946 : l'Armée rouge traite sans ménagement la population locale (allemande), surtout composée de femmes et d'enfants, la chassant de leur logement et l'abandonnant à la faim et au froid. A l'ombre des loups, premier roman du lituanien Alvydas Slepikas, a attendu 9 ans sa traduction en français mais ce n'est pas une raison pour passer à côté car son sujet est très peu connu et s'appuie sur des témoignages que l'auteur a utilisé pour une fiction au réalisme parfois insoutenable. Slepikas s'attache notamment aux enfants d'une famille qui se perdent peu à peu de vue, les uns déportés, les autres se rendant dans la Lituanie voisine pour essayer de ramener un peu de nourriture, l'un d'entre eux se mêlant un temps aux "enfants-loups" qui vivent de rapines et se cachent dans la forêt. A l'ombre des loups est un livre très dur et sans concession mais il a aussi le défaut, dans sa première partie, de passer sans cesse d'un personnage à un autre, dans un désordre narratif dommageable. Le roman est bien plus puissant et saisissant quand il se concentre sur un enfant en particulier, comme c'est le cas dans les dernières pages du livres. L'écriture est le plus souvent sèche, notamment pour les scènes les plus difficiles, mais aussi nimbée de poésie funèbre. La lecture d’À l'ombre des loups n'est pas une partie de plaisir mais son thème et la façon dont son auteur le traite, au moins en partie, méritent d'être découverts, d'autant plus si l'on est curieux de la littérature lituanienne contemporaine, assez rare en traduction.