Almond par eggs_02

Ce n'est qu'une tragédie déguisée, comme ces illustrations pour enfants qui vous font pleurer toutes les larmes de votre corps, littéralement.

"Peut-être que c'est parce que tu es spécial. Les gens ne supportent tout simplement pas qu'il y ait quelque chose de différent. Eigo, mon adorable petit monstre."

Raconté en trois parties, Almond, du nom des deux neurones en forme d'amande (les amygdales) responsables de notre capacité à ‘ressentir’, suit l’histoire de Yunjae, né avec une condition cérébrale appelée Alexithymie, qui l'empêche de vivre pleinement ses émotions. Cette condition pousse la société à le qualifier de ‘monstre’, ce qui entraîne sa protection par sa grand-mère et sa mère, qui s’efforcent de lui enseigner ‘l’étiquette émotionnelle’.

Tout au long de sa vie, Yunjae a vécu en dehors du monde, détaché du présent, observant les événements comme un spectateur extérieur. Il n’était jamais capable de s’engager pleinement ou de s’impliquer, semblable à ce poisson solitaire qui, hors de l’aquarium, regarde les autres nager. Même dans les situations les plus tragiques, il ne pouvait que regarder.

"Tout le monde était le public. Y compris moi."

Ce livre résonne profondément avec l'expérience de la parentalité, capturant la douceur amère de voir ses enfants grandir. J'apprécie la manière dont il laisse un goût persistant de mélancolie, témoignage du développement de Yunjae, particulièrement après sa rencontre avec Gon. C'est l'histoire de deux 'monstres' — l'un qui ne ressent rien et l'autre qui ressent trop.

"Puis je me suis demandé : serais-je capable d’offrir à cet enfant un amour inconditionnel, peu importe à quoi il ressemblerait ? Même si l’enfant devenait quelqu’un de complètement différent de ce que j’avais imaginé ? Ces questions m’ont conduite à la création de deux personnages qui m’ont poussée à me poser cette question. Si c’étaient mes enfants, est-ce que je pourrais les aimer ? C’est ainsi que Yunjae et Gon sont nés."

C'est vraiment fascinant de constater comment cette histoire établit un parallèle saisissant entre Yunjae et Gon. Tous deux luttent sous la pression de devoir incarner quelque chose qu'ils ne sont pas : l'un tente de combler le vide émotionnel en feignant des sentiments, tandis que l'autre, submergé par ses émotions, se cache derrière une façade de dureté.

Le livre explore toute une palette d'émotions que nous redécouvrons avec Yunjae à chaque étape de son parcours, qu'il s'agisse de...

Deuil;

"Mais sa voix, qui remplissait autrefois mes oreilles, commençait à s'éteindre. Bientôt, je risquais d'oublier sa voix complètement. Tout ce que j'avais connu était en train de s'éloigner de moi."

Amour:

"D'après ce que j'avais compris, l'amour était une idée extrême. Un mot qui semblait forcer quelque chose d'indéfinissable dans la prison des lettres. Mais ce mot était utilisé si facilement, si souvent. Les gens parlaient de l'amour si facilement, juste pour signifier le moindre plaisir ou remerciement."

Force;

"Il y a des gamins qui se vantent de leur jeune âge quand ils ont commencé à voler ou à traîner avec des filles, et de ce qui les a conduits au centre pour mineurs. Ils ont besoin de ce genre d'histoires ou de témoignages pour être acceptés dans leurs bandes. Supporter les coups des autres enfants était peut-être un rite de passage dans ce sens. Mais pour moi, tout ça n’était qu’une preuve de leur faiblesse. C’était une manifestation de leur vulnérabilité, parce qu’ils cherchaient la force."

Amitié;

"Parce que j'ai réalisé que c'était mon ami."

Simple et direct, ce livre est devenu l'un des rares romans jeunesse que je chérirai toujours dans mon cœur.