En piochant dans la littérature (La Modification), le cinéma (La leçon de piano), les séries télévisées (The Affair, magnifique...), la bande dessinée, le manga, les comics (Love & Rockets), les animés (Vision d'Escaflowne), l’actualité… il n’est pas rare de tomber sur des relations extraconjugales – le fait qu’une personne mariée entretienne des relations (affectives, sexuelles…) avec une autre personne, le cas échéant mariée elle aussi.


Pour autant, comment comprendre que des individus choisissent de s'engager durablement dans cette voie ? Démon de midi ? Volonté de se rassurer ? Crainte de voir son capital érotique se dégrader ? Envie de trouver mieux ?


Pour aller au-delà de la spéculation et du sens commun, la sociologue Marie-Carmen Garcia s’est intéressée, pendant plusieurs années, aux relations extraconjugales durables (d’au moins deux ans, parfois plusieurs décennies), entre individus hétérosexuels et sans que la relation ne donne naissance à des enfants. Comment comprendre que des personnes s’engagent dans une relation réprouvée socialement (peu voire pas de soutien pour les amants clandestins), impliquant nombre d’inconvénients (taire la relation, ne pas pouvoir se montrer au grand jour…) et qui, le plus souvent, ne débouche pas sur une mise en couple officielle ?


Le parcours proposé et les différentes configurations analysées se lisent avec une certaine gravité : si les relations ne reposent pas sur le seul ressort sexuel, ce n’est pas un univers enchanté. Les relations extraconjugales sont, le plus souvent (par rapport à l’échantillon analysé par la sociologue) difficiles à vivre pour les femmes comme pour les hommes – même si les premières semblent subir plus de coûts.


Car ces couples non-officiels n'échappent pas au poids de l'idéologie familialiste, de la domination masculine (même si elle peut être amoindrie). Vivre une relation en secret ce n’est pas vivre libéré du poids du monde social. La construction de soi des individus s’en trouve affectée : l'auteure montre ainsi les tensions à gérer de chaque côté, la volonté de ne pas devenir une « pute gratuite », éloigner le stigmate de la « putain », de l’homme qui trompe la mère de ses enfants…


Ce travail vise ainsi, entre autres choses, à inscrire l'amour, le sentiment amoureux, dans un monde social passablement agonistique : « L’amour, pourtant, ne conduit pas forcément à la ‘construction de soi’, il n’est pas non plus le garant de la paix entres les partenaires. Ses formes sont diverses, ses effets également, et si l’on écarte toute définition préalable de l’amour, dire que l’on s’aime ne signifie pas toujours dire que l’on se fait mutuellement du bien, ni que l’on construit une image positive de soi avec son partenaire. » (p. 35)


En un peu plus de 200 pages on tient une contribution éclairante sur l'adultère durable, qui permet de saisir un bout de la société contemporaine. Pour quoi faire ? Beaucoup de choses : « Les œuvres de la raison ne peuvent que donner l’instrument aux groupes et aux individus qui les composent ; c’est à ceux-ci qu’il incombe de s’en servir pour leur bien…, s’ils veulent…, s’ils peuvent. » (Mauss, 1927, cité p. 29 de l'ouvrage)


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Anvil
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le 18 oct. 2016

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