Une Andorra blanche comme neige
Andri est un jeune juif adopté par le professeur du village qui grandit dans un pays menacé d’invasion. Il ne cesse de subir des discriminations de la part des habitants, de vrais patriotes...
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le 19 nov. 2020
Andri est un jeune juif adopté par le professeur du village qui grandit dans un pays menacé d’invasion. Il ne cesse de subir des discriminations de la part des habitants, de vrais patriotes andorriens, amoureux de leur pays. Il souhaite devenir menuisier et épouser sa sœur adoptive Barbeline dont il est épris depuis des années. Andri est exclu de la communauté d’Andorra, et l'antisémitisme dont il est victime le pousse à se rejeter lui même.
Malgré ses talents et sa rigueur, les habitants antisémites et xénophobes lui refusent le métier de ses rêves. S’en est trop pour Andri lorsque son père adoptif lui refuse à son tour la main de sa fille. On apprend par la suite que l'identité d’Andri est basée sur un mensonge de son père; le professeur alcoolique ne l’a pas adopté, Andri est le fruit d’une aventure avec une femme du pays voisin. Les casques-noirs antisémites du pays voisin finissent par envahir Andorra; Andri est dénoncé par les habitants qui l’ont vu grandir. Le maître des écoles s’efforce à révéler la véritable identité de son fils mais personne ne le croit, pas même Andri qui décide enfin de s’assumer juif dans un pays antisémite. Plus que la figure du juif, c’est celle de l’étranger qui est rejetée. L’arrivée de la Señora (véritable mère d’Andri) à Andorra chamboule les habitants. Certains pensent qu’il s'agit d’une “agente secrète” et tous se questionnent sur la raison de son arrivée. L’aubergiste doit se justifier auprès des andorriens de lui avoir accordé une chambre et l’étrangère finit par être assassinée. Le maître d’école préfère faire passer son fils pour un juif qu’il aurait recueilli plutôt que d’assumer sa relation avec une étrangère. Il était plus facile de se faire passer pour un héros, sauveteur d’un inoffensif enfant juif que d’élever un bâtard. Ce mensonge aura des conséquences dramatiques sur la vie d’Andri, qui entretiendra une relation incestueuse avec sa soeur. Lorsque le maître d’école se décide enfin à révéler la vérité au grand jour, il est trop tard. Andri est abattu par un soldat ennemi et le sang coule à flot sur la cité toute blanche d’Andorra. Dès la fin du premier tableau, l’aubergiste, s'avance à la barre des témoins pour nous révéler la véritable identité du faux juif ainsi que le dénouement tragique de la pièce. On assiste tout au long d’Andorra au procès des habitants qui l’ont côtoyé, tous auraient été dupés et aucun ne plaide coupable. Chacun des douze tableaux se terminent par les révélations des andorriens qui ont lieu sur le devant de la scène. Cette dramaturgie profondément brechtienne permet au lecteur/spectateur de ne pas se focaliser sur l’intrigue, mais sur comment va se dérouler l’action. Max Frisch dépeint un milieu communautaire, replié sur lui même; celui des “petites gens” qui ont besoin de vivre de mythes. Soldats écervelés, maître des écoles alcoolique, médecin cantonal égocentrique ingénu, et autres habitants aux mentalités étriquées se complaisent dans l’ignorance et l’amour de leur patrie. L’auteur nous fait assister à la création par une communauté, de l’étranger: le juif indispensable, éternel bouc-émissaire. Les croyances sont tellement fondées, que lorsque nous apprenons que le sacrifié n’est pas juif le moins du monde, rien ne pourra changer à son tragique destin. Une pièce satirique en douze tableaux grinçante et drôle à la fois.
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le 19 nov. 2020
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