J'ai abordé Anvers en sachant un minimum de choses sur Bolano et son parcours. Ce qui m'a frappé dans ce recueil divisé en 56 micro-récits, c'est la façon de l'auteur d'écrire impulsivement, de brouiller les pistes et de revenir à quelques obsessions (la violence policière, la sexualité dépravée, son errance et celle des gens). A partir de ce dispositif, Roberto Bolano conditionne une hyper-réalité qui déconstruit l'unité littéraire. Le résultat est forcément qu'il désarçonne son lecteur dans ce dédale de sens sans aucune ligne directrice.
Pour dire les choses franchement, l'auteur parle aussi beaucoup de lui-même et de ses sensations exacerbées même s'il utilise une distanciation stylée ( sans complaisance) avec la troisième personne. La lecture ultérieure de l'autobiographie de Roberto Bolano m'a permis de comprendre qu'Anvers retrace sa vie à Barcelone et alentours entre 1977 et 1980. Il était alors gardien de camping et passait beaucoup de temps à observer les gens. Les scènes où la police débarque semblent faire ressortir sa peur panique des forces de l'ordre chilienne dévouées à la répression sous Pinochet.
Reconnaître à Roberto Bolano un savoir-faire dans un agencement narratif retors sur Anvers est justifié mais crier au génie serait quelque peu hâtif. Cependant cette lecture donne envie d'aborder l'auteur sur un roman au long cours pour voir comment son style a évolué.