Ce livre est l’incroyable témoignage d’une jeune rescapée du génocide arménien, Aurora Mardiganian, bien que le témoignage ait été transcrit par H.L Gates en 1918 aux Etats-Unis, il n’a été publié en français que près de 100 ans plus tard, en 2017, dans l’édition «Ararat».
Aurora Mardikanian, d’origine arménienne, née en 1901 dans l’Empire Ottoman, a témoigné en afin de faire connaître au monde entier les massacres dont était victime son peuple, espérant ainsi recevoir une aide et sauver les siens. Son témoignage fera l’objet d’un livre intitulé: «Revished Armenia» puis on en fera une adaptation en film, reprenant le titre du livre, Aurora y joua son propre rôle. Le livre et le film connurent un réel succès, permettant ainsi de transmettre le message de la jeune femme. Aurora se maria et eu même un fils, mais tourmentée par ses souvenirs, elle perd la raison et meurt à 93 ans, en 1994.
Aurora Mardiganian, jeune arménienne de 14 ans, issue d’une famille aisée, verra sa vie basculer lorsqu’en 1915, à Pâques, Vartabed, le berger, vient prévenir la famille d’un songe à caractère divin qui annonçait un danger. On ne l’a pas cru, jusqu’à ce que l’on annonçe la déportation des Arméniens. Très vite c'est au tour d’Aurora et sa famille d’être déportés de leur ville, Tchemech-Gedzak, un voyage long et pénible débuta. Elle est enlevée à plusieurs reprises, et placée dans des harems mais elle s’échappe tantôt en sautant d’une falaise tantôt en poignardant un soldat. Aurora a dû faire à des scènes d’horreurs: des viols, exécutions, agressions. Néanmoins, elle a réussi à survivre en surmontant le chaos, la faim, l’humiliation, la peur, la douleur, la peine... Son calvaire prend fin lorsqu’elle rejoint les Etats-Unis, à l’aide du général Andranik et des troupes russes. Une fois à destination, elle témoigne avec ferveur de l’un des plus grands génocides que l’histoire ait jamais connus.
L'Empire ottoman était composé d’ethnies multi-religieuses comme il n'en existe nulle part ailleurs, et, comme d'autres minorités chrétiennes, les Arméniens bénéficiaient d’un statut autorisant la liberté du culte et de la langue, néanmoins ils étaient marginalisés de par leur statut de "dhimmis". Cette hostilité envers les Arméniens engendre les massacres hamidiens, orchestrés par le sultan Abdulhamid II en 1894-96, faisant environ 250 000 victimes. Puis vint la Révolution des Jeunes-Turcs. Le gouvernement des Jeunes -Turcs, connu sous le nom de Comité Union et Progrès, reprend le pouvoir par un coup d'état en janvier 1913 dirigé par Talaat Pacha, premier ministre et grand vizir, d'Enver Pacha, ministre de la guerre et de Djemal Pacha, ministre de la marine, c'est d’ailleurs eux qui, plus tard, commanditeront le génocide. Leur idéologie nationaliste, panturquiste, consistait à reconstituer un empire unifié. Or, les 2 millions d’arméniens ottomans, chrétiens, constituaient un obstacle. La Première Guerre mondiale va aggraver la situation. Opposant l’Empire ottoman, allié de l’Allemagne, à la Russie, elle place les Arméniens ottomans et Russes en situation d’affrontement, les Arméniens sont accusés de trahison. Et, dans ce contexte de guerre propice aux violences de masse, le Comité Union et Progrès déclenche son plan d’extermination: à partir de février, désarmement puis exécution progressive de près de 250 000 conscrits arméniens, 24 avril 1915, arrestation de l’élite arménienne de Constantinople, qui est déportée puis assassinée, assassinat de la population mâle résiduelle dans les provinces et enfin déportation des femmes, enfants et personnes âgées dans des marches de la mort en direction du désert de Syrie et de Mésopotamie.
Ce livre est pour moi une réelle découverte, je pensais connaître le sujet, mais en réalité je n’en connaissais que les grandes lignes, ce livre m’a permis de plonger au coeur de la souffrance même de ces pauvres gens. Ce qui m’a marquée, c’est cette grande foi dont a fait preuve le peuple. La mère d’Aurora en est un bel exemple car lorsque celle-ci retrouve sa fille, là ou d’autres l’auraient prise dans leurs bras, cette mère-là s’est agenouillée et prie pour montrer sa gratitude envers Dieu: «alors que j’accourais vers elle maman se laissa glisser au sol [..] Sois patiente ma fille. Je m’adressais à Dieu, je le remerciais d’avoir exaucé mes prières». Je me suis beaucoup attachée au personnage d’Aurora , car suivre tous ses malheurs, suscite de la pitié chez le lecteur. Son arrivée aux Etats-Unis a été donc un soulagement pour moi mais de connaître les conditions de sa mort m’a beaucoup attristée car le fait qu’elle soit morte éloignée de sa famille, dans un hospice m’a paru si injuste pour cette femme qui méritait tellement plus de reconnaissance, elle qui s’est battue avec courage pour faire connaître le sort de son peuple. Au-delà d’être une histoire très touchante et intéressante, c’est aussi, selon moi, une manière de préserver la mémoire des victimes tout en luttant contre le négationnisme, car plus on fera connaître ce génocide et moins il pourra être nié. Je répondrais à Hitler qui dit un jour: « Qui se souvient encore des massacre des Arméniens?» que tous les ans le 24 février, les Arméniens vont déposer une fleur dans le mémorial située en Arménie, dédié aux victimes du génocide arménien. Tant que les Arméniens vivront, jamais le génocide ne sera oublié.
(Cette critique n'est pas la mienne mais celle d'une jeune Arménienne de ma connaissance. J'espère qu'elle vous aura donné envie de lire le témoignage d'Aurora, si vous ne craignez pas les scènes violentes. )