En 1896, le jeune Autrichien Lajos Ligeti, passionné d’architecture, quitte la majestueuse Vienne pour la bouillonnante Budapest, alors en pleine fièvre bâtisseuse. Apprenti au sein d’un grand cabinet d’architectes, il découvre les réalités du métier : la difficulté de séduire commanditaires et maîtres d’oeuvre, les rivalités et les manœuvres déloyales des concurrents, la nécessité de louvoyer et de pactiser avec les puissants … Il lui faudra des trésors de détermination pour percer et imposer son style, au cours d’une carrière qui lui fera connaître grandeur et décadence.
Classique et soigné, le récit ressuscite de façon vivante et crédible l’atmosphère optimiste et insouciante de la Belle Epoque, ces quatre décennies de paix qui ont favorisé la croissance économique et d’extraordinaires progrès techniques. Vienne, alors considérée comme l’une des plus splendides capitales d’Europe, affirme son prestige au travers d’une architecture devenue reine des arts, réinventée dans de nouveaux développements décoratifs en rupture avec l’académisme. Budapest, la seconde capitale dédaignée de l’Empire austro-hongrois, ville en profonde transformation, cherche à renforcer son identité nationale, et trouve également dans l’Art Nouveau un symbole de son affirmation et de son émancipation.
Dans cet âge d’or où se multiplient les grands chantiers publics, de nombreux architectes autrichiens et hongrois acquièrent une renommée internationale. Au milieu de ces personnages réels, l’auteur a imaginé l’apprentissage d’un jeune homme passionné et idéaliste, qui va tout sacrifier à son art. Et c’est presque dommage, tant la restitution soignée du cadre historique et le récit aux allures de biographie appelaient à la résurrection d’un de ces hommes aujourd’hui presque oubliés, plutôt qu’à l’invention romanesque d’un héros au final bien moins crédible et consistant que le riche univers pour lui si précisément recréé. Lajos Ligeti, peint dans son unique obsession professionnelle, manque globalement d’âme et d’émotions pour réellement s’incarner et convaincre.
Au bémol près de son personnage central un peu trop monolithique pour être à la hauteur du reste du roman, Art Nouveau restitue, avec force détails fascinants, un moment particulier de l’Histoire qui permit, en Europe Centrale bien plus qu’ailleurs, le bref fleurissement d’un art moderne et réformateur.
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