Le roman fait référence à un scandale qui a secoué l’Islande dans les années 70 mais qui nous est totalement étranger, l’Affaire Eirnarsson : Des gamins accusés d’un meurtre qu’ils n’ont pas commis sont mis en isolement total pendant une période allant de 655 à 1.553 jours (garde à vue plus longue que pour les plus dangereux suspects de Guantanamo). Harcelés, moralement torturés, confrontés à des preuves imaginaires et des reconstitutions fantaisistes, ils finiront par avouer et seront condamnés. Cet événement a d’ailleurs fait l’objet d’une exposition photographique retraçant toute la chronologie de l’affaire, prenant à contre-pied ce petit pays exemplaire…
https://www.vice.com/fr/article/vdwwgx/lhistoire-de-la-disparition-de-deux-hommes-en-islande-et-la-folie-qui-a-suivi
Si Ian Manook s’en inspire dans son roman c’est pour mettre en exergue la notion de «syndrome de méfiance de la mémoire», les questions de certitude et d’incertitude, du manque de fiabilité de la mémoire et du pouvoir de suggestion tels que définis par la psychologie qui distingue trois catégories de fausses confessions.
C’est qu’ici aussi, il y a scène de crime avec de nombreux indices mais pas de corps et les deux témoins passés rapidement au stade de suspects et qui semblent souffrir de problème de mémoire sont prêts à endosser les crimes.
Si l’enquête est assez complexe et tortueuse, sans être très originale, elle se déroule sans enthousiasme ni passion. Chaque personnage, de Kornélius aux figurants, en passant par les seconds rôles, joue sa partition sans fausse note. La mécanique tourne sans à-coups. Les dialogues sonnent justes et quelques situations un peu absurdes allègent sensiblement la trame policière ainsi que quelques vraies trouvailles comme les inspecteurs Komsi (qui commence ses phrases comme ça) et Spinoza qui ne peut s’empêcher de nous balancer des aphorismes à deux balles, un peu comme les Dupond et Dupont. Mais là où Hergé parvenait, avec toute sa science, à ne jamais aller trop loin dans le gag, Maniook tout heureux de sa trouvaille en use et abuse un peu trop.
Impossible toutefois de ne pas saluer cette répartie : « C’est quand le moustique se pose sur ton testicule que tu conçois que la violence n’est pas toujours la solution »
Restent les défauts récurrents de Manook : Descriptions paysagères façon carte postale avec sites, monuments et gastronomie (N’oublions pas que Patrick Manoukian a été journaliste touristique) mais avec parfois quelques belles envolées pleines d’un lyrisme bucolique de bon goût ; les incursions inévitables dans les légendes troll et elfes et ses préjugés négatifs envers les touristes qui dénatureraient un pays qui n’est pas le sien.
Un Ian Manook fidèle donc à lui-même mais enclin à moins de violence et plus d’humour. Je prends.