Askja
6.9
Askja

livre de Ian Manook (2019)

Le roman fait référence à un scandale qui a secoué l’Islande dans les années 70 mais qui nous est totalement étranger, l’Affaire Eirnarsson : Des gamins accusés d’un meurtre qu’ils n’ont pas commis sont mis en isolement total pendant une période allant de 655 à 1.553 jours (garde à vue plus longue que pour les plus dangereux suspects de Guantanamo). Harcelés, moralement torturés, confrontés à des preuves imaginaires et des reconstitutions fantaisistes, ils finiront par avouer et seront condamnés. Cet événement a d’ailleurs fait l’objet d’une exposition photographique retraçant toute la chronologie de l’affaire, prenant à contre-pied ce petit pays exemplaire…
https://www.vice.com/fr/article/vdwwgx/lhistoire-de-la-disparition-de-deux-hommes-en-islande-et-la-folie-qui-a-suivi
Si Ian Manook s’en inspire dans son roman c’est pour mettre en exergue la notion de «syndrome de méfiance de la mémoire», les questions de certitude et d’incertitude, du manque de fiabilité de la mémoire et du pouvoir de suggestion tels que définis par la psychologie qui distingue trois catégories de fausses confessions.
C’est qu’ici aussi, il y a scène de crime avec de nombreux indices mais pas de corps et les deux témoins passés rapidement au stade de suspects et qui semblent souffrir de problème de mémoire sont prêts à endosser les crimes.
Si l’enquête est assez complexe et tortueuse, sans être très originale, elle se déroule sans enthousiasme ni passion. Chaque personnage, de Kornélius aux figurants, en passant par les seconds rôles, joue sa partition sans fausse note. La mécanique tourne sans à-coups. Les dialogues sonnent justes et quelques situations un peu absurdes allègent sensiblement la trame policière ainsi que quelques vraies trouvailles comme les inspecteurs Komsi (qui commence ses phrases comme ça) et Spinoza qui ne peut s’empêcher de nous balancer des aphorismes à deux balles, un peu comme les Dupond et Dupont. Mais là où Hergé parvenait, avec toute sa science, à ne jamais aller trop loin dans le gag, Maniook tout heureux de sa trouvaille en use et abuse un peu trop.
Impossible toutefois de ne pas saluer cette répartie : « C’est quand le moustique se pose sur ton testicule que tu conçois que la violence n’est pas toujours la solution »
Restent les défauts récurrents de Manook : Descriptions paysagères façon carte postale avec sites, monuments et gastronomie (N’oublions pas que Patrick Manoukian a été journaliste touristique) mais avec parfois quelques belles envolées pleines d’un lyrisme bucolique de bon goût ; les incursions inévitables dans les légendes troll et elfes et ses préjugés négatifs envers les touristes qui dénatureraient un pays qui n’est pas le sien.
Un Ian Manook fidèle donc à lui-même mais enclin à moins de violence et plus d’humour. Je prends.

page
6
Écrit par

Créée

le 21 sept. 2021

Critique lue 181 fois

page

Écrit par

Critique lue 181 fois

D'autres avis sur Askja

Askja
YvesMabon
10

Critique de Askja par Yv Pol

Pour sa seconde aventure, Kornelius ne fait pas dans la dentelle et le facile. Deux meurtres, pas de cadavre. Des témoins qui disparaissent. Une équipe qui fait bloc autour de lui jusqu'à un certain...

le 12 janv. 2021

Du même critique

Le Maître des illusions
page
9

Epoustouflant

J’avais lu ce roman il y a vingt ans sans en retirer un plaisir particulier mais après avoir adoré « Le petit copain » et « Le chardonneret », j’ai relu cet ouvrage. Mon Dieu comment avais-je pu...

Par

le 8 août 2016

9 j'aime

La Chasse
page
6

Un Minier mineur mais engagé…

Dans un polar, il est normal que la police occupe une position centrale. C’est même la moindre des choses. Et puisque c’est toujours le commandant Cervaz qui conduit l’enquête dans le dernier roman...

Par

le 7 juin 2021

6 j'aime

C’est arrivé la nuit
page
4

Encéphalogramme plat

Il y a près de vingt ans que je n’avais plus ouvert un livre de Marc Lévy mais j’ai craqué pour son dernier. Non parce que j’ai soudain éprouvé des remords devant son impressionnante bibliographie...

Par

le 30 nov. 2020

5 j'aime