La littérature du Far West revisitée ?

Longtemps, on a cru que l’âge d’or du western était révolu. Derrière nous, Ennio Morricone, la grande époque des grands Westerns Spaghetti, l’heure de gloire de Lucky Luke et de Blueberry. Et pourtant, depuis quelques années, on constate dans l’imaginaire commun un regain d’intérêt de plus en plus concret pour le Far West, au cinéma comme en littérature. C’est dans ce contexte que surgit Avaler du sable, signé par le Brésilien Antônio Xerxensky. Ce roman plutôt particulier s’inscrit-il dans cette tradition du Western classique ? C’est ce que nous allons voir.

Avaler du sable s’enracine à Marvak, un endroit marqué par la rivalité ancestrale de deux familles : les Rodriguez contre les Marlowe. Récemment, Martin Rodriguez a été retrouvé mort, assassiné. Bien que les Marlowe réfutent toute responsabilité dans cette affaire, ce meurtre ravive de plus belle la haine entre les deux clans. Dans ce contexte tendu débarque un shérif, chargé de remettre de l’ordre dans ce village sans foi ni loi. Cerise sur le gâteau, Juan, le blanc-bec du clan Rodriguez, est amoureux de Vienna Rodriguez, un amour bien sûr impossible qui n’est pas sans rappeler certains classiques de la littérature (vous avez dit Romeo et Juliette ?).

La première partie du roman s’inscrit donc incontestablement dans la tradition du Western comme on aime se le représenter. Un monde hostile, vaste, poussiéreux, où tout tourne entre le saloon, le lupanar et la case du shérif. Dès que l’on quitte la ville, c’est pour s’aventurer dans un désert de canyons et de cactus, infesté d’indiens emplumés que l’on ne côtoie qu’à ses risques et périls. Toutes ces références bien connues et tant exploitées par le passé, comme le shérif dur à cuire, la Marie-couche-toi-là ou encore le pistolero irascible, permettent au lecteur de se sentir en terrain connu, tout en appréciant la manière dont le sujet est habilement traité par l’auteur.

Et pourtant, par la suite, l’œuvre s’écarte de plus en plus des sentiers battus. L’ambiance à la Ennio Morricone tourne au vinaigre pour laisser place à une ambiance apocalyptique aux relents de Walking Dead, tout ça parce que la prophétie d’un vieux chaman à moitié fou, annoncée dès la première ligne du roman, se réalise : « Et les morts reviendront à la vie ». Alors là, les puristes du Western risquent de refermer le livre d’un coup sec, mais ceux qui apprécient de voir les grands genres revisités y trouveront sûrement de quoi satisfaire leur curiosité.

Je terminerai malheureusement cette critique par un léger bémol à propos de certaines libertés que s’autorise le narrateur. En effet, à maintes reprises, l’auteur du roman joue à se mettre lui-même en scène : il se décrit en train de réfléchir à son texte et se plaint des petits tracas de la vie, il déplore le comportement de son fils ou le mauvais fonctionnement de son ordinateur… L’utilité de ces intrusions du narrateur dans l’œuvre m’a absolument pas sauté aux yeux, bien au contraire, ces radotages ont plutôt eu tendance à casser l’atmosphère du récit, pourtant assez réussie.
Lalo_Cura
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les écrivains dans les livres, La vie de village, Les meilleurs livres de zombies et Litterature western

Créée

le 21 févr. 2015

Critique lue 161 fois

Lalo Cura

Écrit par

Critique lue 161 fois

D'autres avis sur Avaler du sable

Avaler du sable
MarianneL
7

Le western spaghetti, -zombie et métafictionnel d’un écrivain brésilien à suivre.

À son retour dans sa ville natale de Mavrak, un trou ensablé du Far West où les conflits se règlent à coups de colts, Juan, l’intellectuel de la famille Ramírez, est pris dans la lutte ancestrale et...

le 25 avr. 2015

1 j'aime

Avaler du sable
Lalo_Cura
7

La littérature du Far West revisitée ?

Longtemps, on a cru que l’âge d’or du western était révolu. Derrière nous, Ennio Morricone, la grande époque des grands Westerns Spaghetti, l’heure de gloire de Lucky Luke et de Blueberry. Et...

le 21 févr. 2015

Du même critique

Un océan d'amour
Lalo_Cura
9

La grande Odyssée du petit pêcheur breton

Lupano : ma dernière découverte de grande qualité dans le monde de la BD. La découverte remonte à il y a à peu plus deux ans, quand je suis tombé par hasard sur Le singe de Hartelpool, juste parce...

le 5 nov. 2014

17 j'aime

2

Monsieur Glouton
Lalo_Cura
4

Critique de Monsieur Glouton par Lalo Cura

Dans l'ensemble, j'adore les Monsieur Madame, je les lis depuis toujours et mes gosses les liront à leur tour. Cependant, l'histoire de Monsieur Glouton me laisse perplexe. Dans cette collection, il...

le 4 mars 2014

12 j'aime

2

Le Comte de Monte-Cristo
Lalo_Cura
8

Peut-être le chef-d’œuvre le plus mal écrit de la littérature française

Vers quinze ans j’ai découvert le Comte de Monte-Cristo. C’était mon premier Dumas. Et quelle révélation ! J’ai dévoré les aventures d’Edmond Dantès avec un appétit de passionné. Plus récemment,...

le 22 déc. 2014

12 j'aime