Titre moins connu que les aventures du « Cycle des Épées » ou que Le Vagabond, voire « La Guerre uchronique », du moins dans le cercle des lecteurs de Science fiction, Ballet de sorcières (un jeu de mots coupable que je n’aurais jamais osé, quoique… ) ne dépare finalement pas du tout dans la bibliographie de Fritz Leiber, où ce court roman dégage un petit parfum désuet, loin d’être désagréable.


Lorsque le roman commence, la carrière de Norman Saylor, dont la réputation repose en grande partie sur l’étude des analogies entre superstitions primitives et névroses modernes, semble sur le point de prendre un tournant capital. La chaire de sociologie d’une université convoitée lui semble enfin promise. L’affaire est d’importance pour Norman car il a connu bien des difficultés afin de se faire accepter au sein du monde universitaire de la petite ville où il travaille. Fort heureusement, il a bénéficié de l’influence de son épouse Tansy, gagnant peu-à-peu la confiance d’un milieu où l’avis des femmes importe davantage que le savoir et les compétences.



« Norman Saylor n’était pas homme à aller fouiner dans le boudoir de
sa femme. Et c’est en partie pour cette raison-là qu’il le fit. »



Dans ce court roman, Fritz Leiber introduit d’emblée l’événement déstabilisateur, ne s’embarrassant pas d’un préambule longuet ou d’un chapitre d’exposition fastidieux. D’entrée de jeu, le raisonnable Norman Saylor est amené à reconsidérer ses certitudes sur la conduite du monde moderne. Sa stupéfaction est en effet grande lorsqu’il découvre que sa femme pratique la sorcellerie à son insu. Mais, Tansy n’est pas un cas particulier puisque toutes les femmes sont des sorcières. Réprouvant l’aspect irrationnel de sa trouvaille, il rejette le phénomène et convainc son épouse d’abandonner des pratiques que la raison réprouve. Puis, le doute fait irruption dans son esprit, renforcé par des faits qu’il aurait considéré comme anodins sans cette connaissance obtenu par hasard. Le malaise s’installe, fait son nid à son domicile et sur son lieu de travail pour finalement éclater au grand jour, bouleversant sa routine bien ordonnée.



« La magie est une science pratique. Il y a une différence énorme
entre une formule de physique et une formule magique, bien qu’elles
portent le même nom. La première décrit, en brefs symboles
mathématiques, des relations générales de cause à effet. Mais, une
formule magique est une façon d’obtenir ou d’accomplir quelque chose.
Elle prend toujours en considération la motivation ou le désir de la
personne invoquant la formule : avidité, amour, vengeance ou autres.
Tandis que l’expérience de physique est essentiellement indépendante
de l’expérimentateur. En bref, il n’y a pas, ou presque pas, de magie
pure comparable à la science pure. »



Ballet de sorcières a le charme suranné des récits classiques des années 1940. Le surnaturel est prétexte à une étude de mœurs et une analyse sociale empreinte d’une ironie feutrée. Le récit s’enchaîne sobrement, sans effusion pyrotechnique, poussant la logique fictive jusqu’à son terme, avec en prime une petite pirouette finale. Bref, pour les amateurs de récits fantastiques classiques, Ballet de sorcières est un plaisir coupable, n’étant pas sans évoquer la série Bewitched avec Elizabeth Montgomery. Avis aux curieux.


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leleul
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le 11 juin 2020

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