Basil, fils cadet de bonne famille, tombe éperdument amoureux de la fille d'un marchand de drap, rencontrée dans l'omnibus. Il décide donc de lui faire la cour à l'insu de son père qui refuserait de se déshonorer par une telle mésalliance. Jusqu'à ce point, le roman ressemble à une histoire d'amour contrarié entre des jeunes gens que séparent les barrières sociales. Du déjà vu, me direz-vous!
Pourtant "Basil" est surtout un roman noir, comme Wilkie Collins les aime tant. Le jeune héros -qui raconte son aventure à la première personne - se trouve rapidement pris dans un odieux complot. Figure diabolique de la vengeance, Mannion, plane sur son destin comme un oiseau de mauvaise augure. A qui Basil peut-il vraiment faire confiance? A sa belle fiancée Margaret? A son frère, Ralph, noceur impénitent? A son père, si pointilleux sur les questions d'honneur? J'ai trouvé le personnage principal plutôt attachant: certes, il semble un peu naïf et faible envers la femme qu'il aime; mais il est aussi doté de solides qualités morales, comme l'honnêteté et le sens de l'honneur. Le seul moment où il se départit se sa douceur est celui où, découvrant une trahison suprême, il décide de tuer...
Le roman vaut la peine d'être lu, car il comporte de beaux moments de suspense et des scènes particulièrement dramatiques. Ce suspense tient à l'intrigue bien menée, ainsi qu'à la psychologie des personnages qui se trouvent confrontés à des dilemmes: passion ou dévouement filial? Amour paternel ou principes moraux? Tels sont les choix que devront affronter les protagonistes. Difficile donc d'interrompre la lecture pendant les 300 premières pages (sur les 350 que comporte le roman).
Seules les dernières pages m'ont quelque peu déçue. Après de nombreuses péripéties qui tiennent le lecteur en haleine, Basil trouve enfin la paix, dans "une existence obscure" et utile au dessein divin de par son humilité même. A cette fin affadie par la morale, j'aurais préféré une fin ouverte. Le journal quotidien de Basil et les lettres qui lui sont ajoutées nous orientent vers un "happy end". Mais il aurait été autrement terrible de suggérer que Mannion continue de poursuivre sa proie aux quatre coins de la terre...