Publié sur L'Homme Qui Lit :
Cela fait un moment que j’ai envie de me plonger dans ce roman dont la thématique m’est particulièrement chère, et j’ai adoré me laisser embrigader dans cette histoire : un premier roman réussi, et de loin, pour Maylis Adhémar, journaliste indépendante en Haute-Garonne. Il faut dire que, si je suis un pédé de gauche, infirmier se rêvant libraire, j’ai grandi dans une famille aux valeurs traditionnelles, reçu une éducation catholique et passé quelques années à proximité de ce milieu catho-intégriste vers lequel mes copains scouts se dirigeaient par déterminisme social.
C’est ce qui attend Sixtine Duchamp, jeune fille de bonne famille, bien sous tout rapport, lorsqu’elle épousera Pierre-Louis Sue de la Garde après une cour des plus prudes, à peine agrémentée d’un baiser. Elle basculera alors dans le cercle de l’intégrisme religieux, Pierre-Louis faisant partie des Frères de la Croix, pseudo-confrérie et vraie secte fondée par un prêtre qui renie le Saint-Siège depuis l’ouverture au monde prônée par Vatican II. Pour son jeune mari entrepreneur et ses camarades, la France est à reconquérir face à tous les dégénérés qui tentent de la détruire : immigration, homosexualité, apostasie, artistes, gauchisme, il y a de la haine à revendre dans ces mouvements, la haine de tout ce qui ne porte pas de particule ni de chaussures bateau.
Sixtine se retrouve rapidement enfermée dans le rôle de la femme potiche, utérus dévot destiné à accueillir sans plainte ni plaisir les assauts hebdomadaires de son jeune mari afin de repeupler la France de ces petits soldats d’extrême-droite. Finies les études, les loisirs, la vie sociale : sa vie entière doit être consacrée à la tenue de la maison, à son époux, à l’enfantement et à la prière. Sa belle-famille, sa mère et la secte des Frères de la Croix l’enferment alors dans une emprise terrible, la laissant comme exsangue même lorsqu’elle devra faire face aux drames. Une seule solution, la fuite, au risque de découvrir que la vie est belle avec plus de liberté.
Voilà une excellente lecture, certes difficile et que l’on pourrait parfois penser exagérée, mais il est nécessaire de rappeler que l’extrémisme religieux et l’extrême droite sont un fléau comme les autres qui, même s’il est constitué de fins de race, existe encore et fait des ravages dans la société et la vie de beaucoup de personnes fragiles. Un livre incroyablement documenté, au point qu’on se demande si l’autrice n’a pas elle aussi côtoyé ce milieu des MST (mocassins serre-tête) à un moment de sa vie. C’est étouffant comme on si on y était, intelligent dans son analyse, très juste dans le ton et porteur d’un beau message d’espoir : laissons les gens penser par eux-mêmes et faire le choix des valeurs qui leur conviennent.
Bénie soit Sixtine, de Maylis Adhémar, a paru le 20 août 2020 aux éditions Julliard.