Berthe Morisot s'est imposée dans le monde de l'art, à une époque et dans une famille qui se montraient hostiles à cette ouverture, de surcroît dans un mouvement, l'Impressionnisme, qui était mal considéré, d'une part car il luttait contre l'académisme d'Etat, d'autre part car ses peintures ne correspondait pas, ou pas encore aux canons de beauté et de preuve de maîtrise technique de ce temps. L'une de ses soeurs a mené une carrière artistique en parallèle, et l'appui solidaire des impressionnistes l'a beaucoup aidée, d'autant plus que sa stature, sa beauté et sa force de tempérament l'avaient vite imposée dans le groupe, si bien qu'Edouard Manet s'est épris d'elle, au sein d'une vie relativement dissolue. Elle finit par épouser son frère avec qui il obtint sa fille unique, Julie.
Les débats n'ont pas clairement tranché la question lancinante de savoir si sa qualité de femme représentait une qualité ou un handicap pour peindre, ce qui finit par montrer que l'argument était parfaitement neutre. Cette biographie "pointilliste", par les détails fournis, en montre la preuve. Bien documenté, riche, alliant description et psychologie, outre quelques tendances à la répétition, ce livre restitue bien le conservatisme du régime républicain naissant, qui a octroyé la démocratie et le suffrage pour tous, mais pas pour les femmes. Ce ne fut pas pour rien qu'une telle percée est restée si rare et exceptionnelle : aussi cet ouvrage s'avère fort pertinent pour montrer un destin hors norme et les difficultés à concevoir l'égalité des sexes.
Je le conseille donc assez vivement.