Avertissement : livre lu et critique rédigée dans le cadre du prix SensCritique du Premier Bouquin.
Le pitch : c'est la vie de l'acteur Charles Bronson, racontée par quelqu'un qui se sent étrangement obsédé par cette vie, par la manière dont elle résonne avec la sienne, depuis qu'il a vu le film The Mechanic où Bronson incarne un tueur à gages laconique.
On est donc en pleine exofiction ici. L'exofiction, c'est comme l'autofiction, mais avec quelqu'un d'autre comme sujet au lieu de soi-même. Et l'autofiction, c'est comme l'autobiographie, mais sans l'obligation des attaches à la réalité. Compliqué, pas vrai ? « Biographie romancée » serait peut-être plus clair, mais ce n'est pas vraiment approprié pour décrire ce bouquin, le narrateur y est trop présent et s'y auto-psychanalyse trop régulièrement pour qu'il ne s'agisse que d'une biographie romancée de Bronson. Enfin, tout ceci n'est que définitions, la question, c'est : est-ce que c'est un bon bouquin ?
Et je dois dire que je ne sais pas trop. Les passages biographiques sont intéressants si, comme moi, vous ne connaissez pas grand-chose à la carrière de Bronson ou plus généralement au cinéma américain de la période, mais ils sont écrits sans génie, comme le ferait le premier journaliste venu chargé de pondre une nécrologie en quatrième vitesse. Et encore, même pas pour le Monde, hein, plutôt pour un canard un peu crapoteux, parce qu'on revient quand même beaucoup sur les anecdotes les plus juteuses, que ce soit les frères de Bronson qui se tuent littéralement à la tâche dans les mines de charbon de Pennsylvanie ou les turpitudes de l'âge d'or d'Hollywood où ce n'est que violence, suicides, relations amoureuses sans amour, viols et avortements forcés. Pas d'angélisme mal placé, certes, mais j'ai du mal ne pas sentir une pointe de complaisance là-dedans. Les descriptions d'extraits du film The Mechanic qui ponctuent les entames de chapitres offrent déjà quelque chose de plus littéraire, mais il est difficile de ne pas se demander si le lecteur ne ferait pas mieux de tout simplement regarder le film au lieu d'en lire un résumé, aussi bien écrit soit-il. (Moi ça m'a donné envie de le voir en tout cas.)
Mais le véritable problème, c'est que ce n'est pas vraiment Charles Bronson le sujet du bouquin : c'est bien d'Arnaud Sagnard qu'il est question, de sa propre vie, de l'effet qu'a eu Bronson sur lui et de la manière dont il perçoit la personnalité de cet acteur. L'auteur a beau décrire régulièrement les longues recherches auxquelles il s'est livré, leur crédibilité se retrouve réduite à néant du simple fait qu'il ait choisi d'en tirer un roman et non un essai en bonne et due forme. En fin de compte, ce n'est certainement pas le livre à lire si vous voulez une biographie un tant soit peu objective de Bronson, et du coup, à quoi bon revenir de manière aussi extensive sur sa vie ? D'autant qu'à côté, celle d'Arnaud Sagnard n'a rien de foncièrement extraordinaire, et au fur et à mesure qu'on avance dans le livre, elle s'entortille de plus en plus autour de celle de Bronson, comme le lierre qui étouffe un chêne, jusqu'à la phagocyter presque complètement dans les dernières pages.
Bref, j'ai fini ce livre sans déplaisir, mais je n'ai pas été séduit. S'il s'était agi d'une véritable biographie, j'aurais sans doute été bien plus enthousiaste, mais cette exofiction qui a le cul entre deux chaises ne me satisfait ni d'un point de vue documentaire, ni d'un point de vue littéraire. Tant pis pour moi.