Le dernier roman de la sélection du Prix Sens critique du Premier Bouquin.… Où il est question du grand acteur que fut Charles Bronson, on le comprend tout de suite. Mais que va donc bien en faire Arnaud Sagnard dans son roman ? Voilà qui intrigue !
Je trouve que l’ouvrage est bien écrit, l’écrivain raconte joliment le parcours de la star, on comprend mieux le bonhomme. Certes, les pages parlant de Bronson ne sont peut-être qu’une petite partie de l’ouvrage, ce qui le rend quelque peu décevant, mais au moins ces pages-là sont-elles bien écrites, le propos semble pertinent, le rendu réussi : Sagnard est doué pour nous raconter l’homme, pour nous le décrire de l’intérieur, pour imaginer ce qu’il était, au-delà des faits objectifs que l’on peut trouver dans une biographie classique. Il analyse de façon intéressante Bronson et il le restitue superbement grâce à son sens de la formule, quoiqu’on puisse le trouver parfois sentencieux.
Mais le « roman » comporte aussi des aspects pénibles, quand Arnaud Sagnard ne parvient pas à ne pas se mettre en scène, bref, quand il se met en avant, il ne peut s’empêcher de nous dire ce que lui a appris la consultation des archives, à plusieurs reprises, il ne peut pas s’empêcher de se la ramener sur son travail de recherche : voilà un tic un peu pénible qui aurait pu être éliminé par l’éditeur.
D’autant plus que Sagnard s’éloigne trop souvent du sujet, nous apportant trop d’anecdotes inutiles ou inintéressantes, il donne un peu l’impression d’étaler toute sa culture ou les infos glanées de-ci-de-là, ce qui lui fait perdre de vue Bronson ! Alors que la vie de l'acteur est intrigante, alors qu’il a des qualités littéraires et un certains sens de la formule, Arnaud Sagnard parvient à nous ennuyer, c’est assez extraordinaire, il fallait le faire ! Que de fioritures !
Bronson, c’est son « obsession granitique ». C’est bien, mais au fond, on s’en fout un peu. Bronson, à travers les personnages qu’il a incarnés, est un homme fascinant, il est vrai, celui qui ne parle pas, avec ses mystères, que l’on aimerait percer. Sagnard utilise ses lectures, ses recherches et ses visionnages des films de Bronson pour tenter de percer la carapace de la star, mais son propos est parfois confus, et je n’ai pas bien compris son quasi-amusement à noter le morbide dans la vie de Bronson voire d’Hollywood car Sagnard s’égare : les enfants qui meurent, les drames, il y a chez lui une sorte de fascination pour cela, pour ces drames… Et que d’inutiles digressions, que de vaines anecdotes pour en arriver là, c’est un peu dommage !
D’autant plus qu’Arnaud Sagnard semble conscient de ce qu’il nous inflige, en tout cas de ce qu’il nous impose. Il le dit bien page 96, évoquant « ces scènes que je vous force à voir au début de chaque chapitre », qui sont l’œuvre d’un scénariste peu connu et que j’ai eu du mal à ne pas sauter au bout d’un moment, car pour moi c’est du délayage inutile : Sagnard tente de nous faire comprendre Bronson, il pense que cet artifice l’aidera dans sa tache, mais pour ma part, il m’éloigne de Sagnard, et de Bronson. Ainsi Sagnard se perd trop souvent, il perd le fil de Bronson, et il nous perd par là-même, ses réflexions de nature autobiographique ne m’ayant pas du tout intéressé. Au final, Sagnard parle presque plus de lui que de Bronson. Je comprends sa fascination pour Bronson, mais j’espérais en apprendre plus sur Bronson que sur Sagnard, dont je me contrefous. Sa vie ou son parcours sont peut-être intéressants, c’est bien possible, mais il n’a pas réussi à les mettre en valeur, et il ne m’intéresse pas plus maintenant que j’ai fini le livre. C’est donc raté, Bronson ne m’est pas beaucoup plus familier, et Sagnard ne m’attire pas vraiment, ce qu’il me raconte ici de lui ne me touche pas. Raté, donc, en ce qui me concerne.
Si, il m’a quand même donné envie de découvrir The Mechanic, film dans lequel « Charles Bronson n’est rien d’autre que la mort transportée sur un écran. Jamais l’industrie du cinéma n’avait réussi à formuler cette vérité-là ». Rien que ça ! Ce qu’il écrit quelques lignes plus loin est intéressant, mais il aurait fallu qu’il se l’applique davantage : « il tue comme il faudrait écrire, finalement. Sans aucun geste superflu et dans la plus grande indifférence »…
Au bout d’un moment, on ne sait plus trop si Sagnard parle de lui ou de Bronson, il y a là un mélange des genres pénible : s’il est évident que l’on parle aussi de soi lorsque l’on prépare un travail biographique, je trouve que Sagnard parle trop de lui ici. Certes, c’est un roman, mais on est un peu perdu, on nous annonce Bronson, et on finit par avoir principalement Arnaud Sagnard, imaginez la déception !
Bref, il y a des qualités littéraires dans ce roman, un sujet passionnant, des analyses très intéressantes. Le souci est qu’Arnaud Sagnard parle trop de lui sans qu’on parvienne à s’y intéresser, et qu’il accumule des anecdotes et des références sans grand intérêt, des descriptions de films que le lecteur ne connait pas. Sagnard est passionné, il peut être passionnant, mais il doit apprendre à canaliser son verbe pour ne retenir que l’essentiel et ne pas perdre son lecteur en route.