Une soeur et un frère ont donc investi la vie artistique française du tiers central du XXe siècle, Camille et Paul Claudel, elle dans la sculpture, dans le sillage douloureux d'Auguste Rodin, lui dans la littérature, alors qu'il est engagé dans une carrière diplomatique assez brillante. Elle est bohème quand lui est confit en dévotion, elle éclos avant de sombrer sous le joug du tempérament impétueux de son maître et amant, dans l'endettement puis la folie qui l'isolera de plus en plus, au point que son frère finisse par l'abandonner. Lui connaître les honneurs, puis le succès, ainsi que l'élection à l'Académie française en fin de parcours.
Ce double portrait montre la différence de traitement du talent artistique provenant des deux sexes, ainsi que le rejet des existences hors norme, l'excentricité faisant peur et la réussite rendant jaloux les hommes en vue. Ces données sociologiques expliquent cette longue descente aux enfers de Camille et la montée en puissance lente, sûre et certaine de Paul. Effroyable factuellement et glaçante, cette double biographie en apprend beaucoup sur cette famille et le climat social d'une époque, dont nous sortons peu à peu, fort heureusement.