Comparativement à un Cyril Collard dévoreur de vie(s) ou encore un Hervé Guibert à la morbidité éclairée, Pascal De Duve, autre auteur médiatique des années 90 ayant écrit autour et sur le sida, semble le plus sensible. Son approche de la maladie se tient par la véracité de ses réflexions simples, lui donnant un sens, voire un équilibre.
« Cargo Vie » loin de toute provocation ou d’intellectualisation mécanique offre au lecteur un aperçu réaliste et sans mise en scène de ce qu’endure l’individu frappé par le sida.
Il «désingularise » cette pathologie qu’il replace, au même titre que le cancer, ou autre altération de l’organisme, à son stade de souffrance physique et morale. Son périple de 26 jours chroniqué en quelques mots révèle plus sur l’état d’âme face à l’abomination que tous les romans et films sur le sujet.
26 jours est le temps qu’il à fallu à Bouddha pour méditer sous le figuier, selon les bouddhistes… C’est le temps qu’il faudra à Pascal de Duve pour s’apaiser… 26 jours de retraite, 26 jours et nuits de larmes enfouies, de sourires masqués, 26 jours d’émerveillements régénérant (profiter des petits bonheurs), de colères à peine contenues face à l’abandon d’un ex inhumain… Les jours passent, la maladie progresse au même rythme que la sagesse annonciatrice de la fin de vie. Quoi de plus terrible que de quitter la vie en souffrance.
Pascal De Duve n’accable pas, ne regrette pas. Il subit la Fatalité-Sida de l’époque avec courage, optimisme et une volonté d’exister jusqu’au dernier instant. Le style est ici des plus incisifs et très précis. L’auteur distille ses mots, les détourne, en joue pour livrer une épure des plus éblouissantes en matière de leçon de mort.