Cible nocturne par ArbitreDuMepris
Détourner les structures de roman policier est une spécialité sud-américaine, semble-t-il. Ricardo Piglia s'y colle lui aussi pour nous raconter un bout de son Argentine. Mais à la différence de ses contemporains sud-américains (Bolano, Fresan, Aira), son écriture est glaciale et toute empreinte de pudeur. Il ne fait pas de cas de la possible implication émotionnelle du lecteur dans son histoire. C'est un narrateur implacable qui n'a que faire de vous caresser dans le sens du poil. Il déroule, abrupt, ses personnages qui semblent un peu faux, un peu fous. Et nous ? Et nous, il nous reste à piocher, à relire pour saisir les instants d'une Argentine rurale qui se délite autour d'un assassinat, d'un policier qui simule la démence et d'une famille mystérieuse en surface, et d'autres personnages névrosés qui se livrent aux passions humaines sans emportement, sans effusion, à coups d'arrangements tranquilles et étouffants.