Avec un grand scientifique comme Jean Jouzel, je m'attendais à un état des lieux des dernières connaissances scientifiques sur la climatologie. Malheureusement, il s'agit d'un entretien beaucoup plus tourné sur des questions politiques que scientifiques, ce qui n'est pas mal en soi, mais qui aurait nécessité une vision politique plus affûtée de la part des interlocuteurs.
Le livre consiste en effet en une discussion entre un jeune élu LR (Les Républicains) et le climatologue Jean Jouzel qui, lui, veut soutenir Anne Hidalgo (PS : Parti Socialiste), et se termine sur une merveilleuse note d'espoir : malgré leur désaccord partisan les deux intervenants sont d'accord sur tout et, notamment, sur l'idée d'une finance verte et d'un capitalisme vert ! Étonnant accord sachant que le Parti Socialiste a été fondé justement pour mettre fin au capitalisme... Ah, on me dit que ce n'est plus d'actualité depuis quelques années déjà, mais pourquoi se disent-ils "socialistes" s'ils promeuvent le capitalisme ?
Mais toutes ces questions sont politiques, et il faut à tout prix éviter de faire de la politique quand on parle de sauver le climat, c'est en tout cas ce qu'affirment plusieurs fois les intervenants de cet entretien. Le capitalisme vert, oui, la finance verte, oui, un conseil scientifique pour le climat, oui, la politique non ! Tout l'entretien est politique, mais il ne faut pas faire de politique ? Il me semble reconnaître l'idéologie dominante qui prend ses chimères pour la seule et vraie "réalité" : n'est politique que ce qui remet en cause l'ordre établi, le capitalisme n'est pas politique c'est le réel. D'ailleurs Jean Jouzel, même s'il soutient une candidate socialiste (qui est donc pour la socialisation des moyens de production ?) n'est "surtout pas" anticapitaliste, sans expliquer pourquoi ce serait mal ni expliquer pourquoi le capitalisme vert serait une meilleure solution. Il se réfère toutefois à Thomas Piketty pour alerter sur la question des inégalités et sur le fait que les mesures à prendre, telles que les taxes écologiques, doivent être pensées de façon à ne pas pénaliser les plus pauvres.
Quelques fois son sens politique tombe un peu plus juste quand il sépare nettement la nécessité d'un avis éclairé donné par des experts sans en faire pour autant les décideurs : les experts expliquent, la politique fait ses choix et en assume les conséquences. De la part d'un scientifique, c'est tout de même une position qui nécessite du recul et de l'humilité. Jean Jouzel a bien sûr le droit d'avoir un avis politique et de le partager, comme tout citoyen, mais j'aurais préféré qu'il dépense son énergie dans un entretien plus scientifique que politique, afin de mettre à disposition des informations solides pour en tirer nous-mêmes nos propres conclusions.