Au début du mois de mars 2020, Jakuta Alikavazovic a passé une nuit entière au musée du Louvre, dans le département des Antiquités Grecques. Un privilège rare qui a de quoi faire rêver tout un chacun, et qui est aussi l’occasion pour elle de méditer sur la figure de son père, qui a quitté un pays qui aujourd’hui n’existe plus afin de s’installer à Paris « pour le Louvre », et avec qui elle a souvent parcouru enfant les galeries du musée, lors de visites toujours ponctuées par la même question : « et toi, comment t’y prendrais-tu pour voler la Joconde ? »
Je découvre enfin la jolie collection Ma nuit au musée de chez Stock avec ce précieux petit récit, que je ne pouvais pas rater vu mon attachement personnel au Louvre. En 150 pages, Jakuta Alikavazovic restitue l’électricité toute particulière qui la parcourt à l’occasion de cette nuit unique, et initie des réflexions sur l’art dans lesquelles on reconnaît certaines de ses obsessions - la disparition, l’appartenance à la langue, l’exil.
Au fil de cette méditation qui, quittant occasionnellement le Louvre, nous emmène contempler la Spiral Jetty de Smitshon ou évoque le vol du Palladion au temps de la guerre de Troie ou celui d’un Rembrandt à Boston, Jakuta Alikavazovic se penche sur ce désir de possession absolue que l’art fait naître en nous - et qui est impossible à rassasier, sauf à commettre le vol parfait… A moins que la solution soit plutôt de laisser un peu de soi parmi les chefs-d’œuvre. Et vous, comment vous y prendriez-vous pour voler la Joconde ?