Au début du XIIIe, Richalm, prieur du monastère de Schöntal au sud de l’Allemagne confie son trouble au frère N. qui consignera son récit. Longuement, Richalm raconte ce qu’il entend et ce qu’il perçoit des nombreux échanges entre les démons qui saturent l’air du monastère et tentent par tous les moyens de corrompre les moines, que ce soit en leur infligeant des maux de toutes sortes (des nausées quotidiennes aux attaques des puces) ou en les détournant de leur devoir sacré. Soutenu par de bons esprits à l’origine de visions bénéfiques et apaisantes, et convaincu de l’efficacité des signes de croix qu’il impose frénétiquement sur chaque partie de son corps susceptible d’être touchée par les démons, Richalm n’en continue pas moins de lutter contre les assauts sataniques.
Ni roman gothique ni élucubration d’un homme rendu fou par la vie monacale, Le livre des révélations est un exceptionnel manuscrit du XIIIe siècle qui restitue les conversation de Richalm et de N. Jean-Claude Schmitt le décortique sérieusement et savamment pour en extraire la substantifique moelle, passée au tamis de ses sujets de prédilection à commencer par le rapport au corps et aux gestes et le recours à la vision et au rêve au Moyen Âge.
A travers son analyse, c’est tout un rapport au monde et à sa part invisible et intangible (mais pourtant pas insensible, l’ouïe et l’odorat permettant souvent de prendre contact avec le monde des esprits) qui se dessine. Une grande leçon d’histoire culturelle du Moyen Age, qui éclaire brillamment la psyché collective imprégnée par la démonologie et l’intarissable culpabilité de la doctrine chrétienne.