Critique de Compagnie K par Procope
Pas le temps d'écrire une critique détaillée. Je précise simplement qu'il s'agit pour moi d'un des dix meilleurs romans du vingtième siècle.
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le 27 nov. 2013
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Engagé volontaire dans les Marines en 1917, William March quitta l’Alabama pour Verdun en février 1918. Son premier roman, «Compagnie K», du nom de son unité dans l’armée, fut publié en 1933. Il eut un succès immédiat aux Etats-Unis, et est enfin édité en français, quatre-vingts ans plus tard, grâce aux éditions Gallmeister.
En 113 brefs chapitres, qui expriment les points de vue d’autant de soldats de la compagnie K, ce récit hors normes livre une vision panoptique de la guerre et de l’expérience des soldats, dépouillée de tout pathos, authentique, terrifiante.
«J’aimerais que les types qui parlent de la noblesse et de la camaraderie de la guerre puissent assister à quelques conseils de guerre. Ils changeraient vite d’avis, parce que la guerre est aussi infecte que la soupe de l’hospice et aussi mesquine que les ragots d’une vieille fille.»
«Compagnie K» est la guerre dans la tête, les tripes et le cœur des soldats. On est confronté aux manques, de nourriture, de souliers confortables, de bain, qui progressivement deviennent des obsessions, à l’idée de l’héroïsme et à la désillusion, au courage, à la chance, aux contacts, souvent complexes, avec des civils français subissant l’horreur de la guerre depuis déjà quatre ans, au sifflement des obus qui rend fou, à la peur qui génère les actes les plus horribles, à l’horreur nue, aux mauvaises décisions, aux erreurs de jugement et à leurs conséquences irrattrapables, à la culpabilité, à la fin de la guerre quand d’un coup les tirs cessent, aux blessures, aux séquelles, à l’impossibilité de se réintégrer, à la reconnaissance des soldats avec des médailles et des discours mais si peu par les actes, à la fiction sur le champ de bataille pour supporter la guerre.
«J’ai jamais vu les tranchées aussi calmes que cette fois-là à Verdun. […]
Les gars ont inventé une histoire comme quoi il y avait personne devant nous, rien qu’un vieux qui avait une bicyclette, et sa femme qui avait une jambe de bois. Le vieux roulait sur les caillebottis et sa femme transportait la mitrailleuse en courant derrière lui. Et puis l’homme s’arrêtait, il lançait une fusée pendant que la vieille envoyait la mitraille. Et après ils remettaient ça, jusqu’au matin.
Les gars ont tant parlé du vieil Allemand et de sa femme à la jambe de bois qu’au bout d’un moment tout le monde s’est mis à croire qu’ils étaient vraiment là.»
Certaines situations, terribles, comme la fusillade de prisonniers de guerre allemands, sont racontées par les voix de plusieurs soldats, condensé d’humanité du pire jusqu’au meilleur. Enfin, même au cœur du pire, on croise parfois l’humour, un combat au déroulement négocié entre américains et allemands, ou encore le sort du pire soldat de tous, celui qui n’a jamais réussi à apprendre à tirer.
A l'instar de ce soldat qui, mourant, efface toute trace de son identité, pour que son nom ne serve jamais à glorifier la guerre, «Compagnie K» est, porté par 113 voix, un livre sans héros pour une guerre sans héroïsme.
En quoi la guerre nous concerne-t-elle ? "Compagnie K" permet d'approcher une réponse à cette question qu'on ne finit jamais de sonder.
Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/03/29/note-de-lecture-compagnie-k-william-march/
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Créée
le 13 nov. 2013
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