« La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.»
Amoureux de l’adaptation de Zemeckis et attendu le pédigrée du bouquin, voilà un bout de temps que je me promettais de parcourir le texte original!
Pour commencer par le négatif il faut signaler que Zemeckis a fait un excellent travail de synthèse et d’ajustement, de sorte qu’il n’y a guère de découvertes à la lecture malgré certaines divergences majeures entre les deux œuvres…Si on attendait quelques révélations sur les E.T. ce qu’on trouvera ici est susceptible de décevoir…En contrepartie le livre demeure plus riche et offre une intimité indéniablement plus intense avec le récit ; si je baisse ma note par rapport au film c’est que j’attends d’avantage du papier que de la pelloche mais, pas de doute, « Contact» est un bon roman de science-fiction.
Pour un bref résumé il s’agit de l’histoire d’Eleanor Arroway, radioastronome passionnée, initiatrice fictive du SETI, qui scrute le ciel à la recherche d’ondes émises par une hypothétique civilisation extra-terrestre…
Après quelques chapitres décrivant l’enfance de l’héroïne contenant notamment de vives descriptions des premières amours d’Elie pour les univers numériques et leurs applications pratiques on enchaine avec une narration manifestement imprégnée de ce qu’étaient les premiers temps du SETI: équipe motivée de scientifiques tournée en dérision par de distingués sceptiques tout attachés à flétrir le rêve des naïfs. On menace de couper les subsides, de mettre le programme au placard etc.
Bien sûr, in extremis, on capte du côté de Socorro un message en provenance de Vega et BOUM ! Charnière décisive de l’histoire des sciences, le récit démarre à plein régime !
Toute la perspective donnée par le choc du «NOUS NE SOMMES PAS SEULS ! » permet de dresser un portrait global et tendrement satyrique de la société, aussi Sagan profite-t-il de l’élan de la découverte pour se pencher sur les mesquineries humaines avec affection, peut-être même avec une touche d’humour, sans jugement radical …au contraire, la philanthropie ingénue de celui qui choisit l’univers pour étalonner la vie colore le récit d’une joie et d’une positivité bienvenues de sorte que l’œcuménisme généré par la réception – et les exigences…– du message extra-terrestre vient graduellement bousculer l’inertie de l’exécutif, les cécités volontaires, étouffer les vieilles querelles et porter le monde à l’orée d’une utopie internationale.
Durant toute la transition historique et l’évolution de la société – car l’histoire s’étend approximativement sur deux décennies – ressortent les luttes intestines de l’humanité, les oppositions de la science et de la religion, des gouvernements fourbes, des divers acteurs économiques…
Les aspérités humaines sont souvent personnifiées par des avatars romanesques : secrétaire à la défense méticuleusement paranoïaque, self-made-man mégalo, religieux fanatique, religieux de bonne foi…quelques groupuscules variés plus ou moins raisonnables et un magma humain pertinemment idiot et béat : l’ensemble que définit l’humanité de « Contact » est convainquant et les longues phases de dialogues où se frottent les unes aux autres les instances figurées pourvoient pour une bonne part au plaisir de lecture!
Carl Sagan ayant certainement maturé en lui-même les impacts potentiels de la découverte rêvée et par ailleurs fortement investi de son imaginaire le champ de la spéculation exobiologique était sans aucun doute la personne la plus indiquée pour écrire ce bouquin ; les remerciements s’adressent, entre autres, au Frank Drake de la fameuse équation qui comporte le plus de paramètres incertains et à Kip Thorne dernièrement célébré pour son travail de conseiller sur « Interstellar »…Ici aussi il sera question de sauts de puce supraluminiques à travers l’écume cosmique…
Avec ce beau monde dans le background on se doute que la forme lorgne joyeusement du côté de la hard SF mais sans toutefois en faire des tonnes et tout en restant accessible, toujours ! On se laisse emporter par le rêve de ces esprits originaux, on partage leurs passions, leurs frustrations, leurs joies…
Finalement on ferme le bouquin avec une grosse envie de revoir le film…après avoir jeté un œil au ciel !