Le livre de Roxane Dunbar-Ortiz est un ouvrage fondamental, qui reconstitue l'histoire des États-Unis à travers l'expérience de ses indigènes, amérindiens, peuples autochtones, peu importe leur nom qu'on leur donne, et que les américains appellent "Natives".: à travers leurs modes d'existence avant et pendant la conquête, leurs résistances, leurs luttes, leurs défaites et leurs victoires aussi, des origines à nos jours. Il en résulte un décentrement de cette histoire, qui apparait sous un tout autre jour qu ce qu'en dit l'historiographie traditionnelle, et même l'historiographe critique comme la superbe "Histoire populaire des États-Unis" de Howard Zinn, avec laquelle ce livre fait bon ménage sans faire double emploi. Il procède par exemple à une complète remise en cause radicale de la prétention étatsunienne à la vocation continentale sur la base de laquelle les territoires initiaux des 13 colonies britanniques ont été étendus jusqu'au Pacifique. Il insiste d'une manière convaincante sur l'importance du militarisme dans le tréfonds culturel des États-Unis, expliquant entre autre l'appétence de ces citoyens pour les armes à feu. Lorsque l'on apprend qu'au XXIe siècle encore, dans le langage militaire, on évoque les soldats qui se trouvent en territoire ennemi ou au delà de la ligne de front - que ce soit en Irak ou en Afghanistan - comme on le faisait d'ailleurs au cours des guerres du XXe, que ce soit la 2e guerre mondiale ou la guerre du Vietnam, comme se trouvant "en territoire indien", on prend la mesure de ce que la conquête et sa violence ont imprimé dans l'ethos national. Même si vous avez été nourris aux meilleurs westerns, vous ne regarderez plus jamais l'Amérique de la même façon.