“Il ne faut jamais demander aux êtres de ne pas mentir. Et il ne faut jamais leur en vouloir de mentir.” (Henri de Montherlant). Dans Courrier des tranchées du belge d'expression flamande, Stefan Brijs, le mensonge, alors que la première guerre mondiale éclate, est omniprésent. Mensonges de la presse ou des autorités (anglaises en l'occurrence) qui minimisent les pertes sur le front et exagèrent les victoires. Et surtout ces télégrammes que reçoivent les familles endeuillées ; 'Killed in action", une formule bien pratique pour faire de la mort un acte héroïque sans dire la vérité sur les causes précises du décès. Le héros de Courrier des tranchées, John, est un jeune anglais qui n'a aucune envie de s'engager en 1914, au contraire de son meilleur ami. Le roman est à son meilleur quand il décrit sur plus de 300 pages un pays imbibé de haine pour les "Huns", victime de la propagande, dans un climat délétère où ne pas aller combattre est considéré comme un acte antipatriotique réservé aux traîtres. Que de subtilités dans la progression psychologique de John, pacifiste dans l'âme, coeur romanesque bercé par les écrits de Keats. La plume de Brijs est sobre et élégante, précise et épidermique. La deuxième partie du livre n'insiste pas sur les faits de guerre, plutôt sur les effets collatéraux, sur le moral des troupes, sur les pensées, peurs et doutes des soldats, leur relation entre eux et avec ceux qui sont au pays : mères, soeurs, amies et amoureuses. John, détenteur de courriers qui annoncent la mort aux familles dissimule la vérité, ment pour ne pas blesser. Tout est là, dans ses propres interrogations, quand une simple lettre peut détruire, réconforter, donner de l'espoir ou l'annihiler. Courrier des tranchées est un hymne aux mots, ceux qui vous transportent dans les livres, ceux qui vous transpercent le coeur en quelques lignes dans des froides missives officielles. Par ce prisme original, Stefan Brijs n'a pas écrit un nouveau livre sur la guerre de 14, son propos est universel et touche directement à ce qui nous donne le courage de continuer à vivre, à travers le destin (la vie ou la mort) de ceux qui nous sont les plus chers.