So I turned myself to face me
But I've never caught a glimpse
How the others must see the faker
I'm much too fast to take that test.... (Changes)
Nous sommes en 1971 et Bowie n'est pas encore une star. Il a déjà fait l'aveu de sa propension à travestir la vérité....
David Bowie, une étrange fascination est un livre de David Buckley de 1999.
Depuis l'âge de 15 ans, j'admire David Bowie pour sa musique et la puissance de l'image qu'il a réussi à créer au travers de ses avatars. J'avais lu quelques ouvrages sur l'artiste britannique mais je dois reconnaitre que cette biographie m'a passionnée (Merci à Pierre Arno pour sa recommandation).
Oui, que vous n'y connaissiez rien ou que vous soyez fin connaisseur de cet artiste majeur de la deuxième moitié du XXème siècle, je vous encourage à lire cet ouvrage si le monde du rock vous intéresse.
Un ouvrage documenté
Extrêmement documenté, Une étrange fascination n'est pas une biographie inventaire de plus sur un artiste musical. David Buckley a rassemblé une somme inouie d'informations dans cet ouvrage de près de 500 pages (qui cite ses sources) permettant d'abord de parfaitement analyser le processus de création de l'artiste et l'écriture de chaque album de ses débuts en 1967 jusqu'en 1999, date de la sortie de Hours.
Buckley analyse avec une précision d'historien la genèse des albums, les met en perspective avec les relations professionnelles et privées de Bowie et l'obsession de ce dernier à conquérir les marchés britannique et américain. Buckley aborde également en creux l'évolution de la musique rock durant une vingtaine d'années. Si Bowie fut une source d'inspiration pour beaucoup, il était également une "éponge" qui puisait son inspiration dans les courants musicaux et les artistes qu'il admirait. Dés ses débuts, le jeune chanteur britannique singeait notamment Anthony Newley et son accent cockney comme il avait plagié en 1967 sur son premier album une partition de guitare rythmique du Velvet Underground .
En 1970, David Buckley compare les parcours de Bolan et Bowie, notamment dans leur quête de roi du Glam rock, un mouvement musical que David Bowie avait anticipé comme éphémère, contrairement à Marc Bolan, qui au final, ne parviendra jamais à en sortir.
Au détour des pages, le livre fournit un tas d'informations sur Iggy Pop, Lou Reed, Mick Jagger ou Mick Ronson.
Jamais complaisant, l'ouvrage ne fait pas l'impasse sur la part d'ombre de l'artiste, son coté mythomane (Bowie est un vrai autodidacte, il n'a jamais fréquenté une école d'art contrairement à ce qu'il prétend...) ni sur son coté vampirique et plutôt déloyal. Tant avec les producteurs (Tony Visconti, Ken Wood) que les musiciens (Mick Ronson, Carlos Alomar..), l'ouvrage montre de façon évidente la propension de Bowie à se servir des autres et leur coté kleenex et cela, durant toute sa carrière. Buckley évoque également la fascination de Bowie pour Nietzsche, Allistair Crowley, le Nazisme mais aussi son engagement tardif en faveur du Tibet.
Golden years
J'ai pris énormément de plaisir à lire les deux premiers tiers du livre, consacrés aux années prodigues de l'artiste. Les phases de transition et l'anticipation de Bowie pour passer d'un courant musical à un autre (en précédant les modes) sont parfaitement analysées et mises en perspective avec le processus de création (Usage sans modération notamment de cocaine, une drogue extrêmement destructrice à long terme pour l'organisme). Oui, quoique l'on pense de l'usage des stupéfiants, David Bowie n'aura jamais été aussi créatif que durant la période 1973-1976, avec 2 albums par an et quels albums!
1983-1999: le déclin...
A partir de 1983, on comprend que David Bowie a "perdu le nord". Il ne veut plus être l'artiste rock plébiscité par la critique drainant un public d'ultras, il veut se fondre dans la masse et faire fortune. S'il y parvient avec Let's dance, il perdra définitivement son talent et sa "vista" par la suite. Le livre montre alors les sincérités successives de l'artiste, un parcours presque constamment jalonné d'erreurs durant les 15 années suivantes: intégrer le mainstream en perdant son âme, se fondre dans un groupe pour ne plus exister en tant qu'individu (Tin machine) alors que l'on est l'artiste le plus individualiste de son temps, devenir un suiveur s'inspirant des tendances du moment (Rock industriel, Drum'n Bass...) alors que l'on est l'un des musiciens les plus créatifs -et les plus influents- de l'histoire du rock.
Malheureusement, les années 90 sont celles où Bowie a perdu sa voix, il ne peut plus monter dans les aigus, comme dans les années 70, la faute à la consommation de 3 paquets de cigarettes quotidien depuis ses 20 ans. En studio, le chanteur prend moins de risque au chant, privilégiant les balades. En concert, Bowie laisse souvent le micro à sa bassiste Gail Anne Dorsey pour interpréter certains titres.
Bien que richissime, Bowie verra même certains labels refuser de sortir ses créations (Période Outside), par crainte de l'échec commercial. L'ouvrage se termine en évoquant l'admiration des fans, celle ci se transformant parfois en fanatisme, allant pour certains jusque au mimétisme absolu.
Au final, David Bowie une étrange fascination constitue, par sa qualité d'écriture, son objectivité et son exhaustivité, une restitution passionnante de la carrière de David Bowie, un artiste que je considère, en effet, comme majeur pour la deuxième moitié du XXéme siècle.
Ma note: 9/10