Des regards écarquillés, prêts à trouver toute solution pour résister, et faire tenir leur famille. Sur chaque double-page, on voit cette famille au complet, qui serait composée d’une grand-mère, une mère et son bébé, et une jeune fille. (et puis aussi un oiseau qui apparait tout au long de l'album)
On suit un certain cheminement, qui est juste suggéré, effleuré : peu de mots, peu d’images ; il faut contempler, et interpréter. Quatre femmes/filles quittent leur habitat car il n’est plus viable : l’eau est absente, « le désert avance ». Sur de courts tableaux, on les voit marcher, franchir un grillage, naviguer dans une sorte de barque, arriver sur une nouvelle terre avec de grands bâtiments, être seules au milieu d'une foule uniforme, puis dans une petite cabane isolée.
Sur les personnages, sculptés dans l’argile par Christian Lagrange, on perçoit à la fois l’épuisement, le poids d’un fardeau à porter, la contrainte, la désillusion, la petitesse de l'humain face au monde et aux éléments ; mais aussi la force intérieure qui permet d'avancer malgré tout, la quête de solution, l’union indéfectible.
Cet album, dans sa composition, me laisse un vide. Il y a peu de choses dedans, il est très épuré : beaucoup de blanc ; les 4 sculptures, toujours semblables ; des fonds succincts, en noir et blanc. Ça permet aussi de rendre compte du vide que l’on pourrait ressentir dans une situation pareille : vide de force, vide de sa personnalité, actions mécaniques salvatrices dues à un instinct de survie. Ce minimalisme est peut-être nécessaire pour traiter avec respect le thème de l’émigration, et réussir à induire des questionnements chez les lecteurs. L'album est contemplatif, malgré le thème difficile qu'il aborde.