Je lis très peu de dystopies. On ne va pas se mentir, c'est rarement très joyeux et on en sort souvent avec une sensation désagréable. Certains diraient qu'il suffit d'écouter les infos pour se rendre compte qu'on est dans un monde qui va mal... Bref, tout ça pour dire que je n'ai pas beaucoup de références en la matière mais force est de constater que ce petit livre se lit d'une traite.
Le monde d'après est terrible : la disparition des abeilles et autres polinisateurs a entraîné la mort des arbres fruitiers, fleurs et légumes, obligeant les êtres humains à se munir de boîtes de pollen et de perches pour "peindre" chaque jour chaque bourgeon de chaque arbre et ainsi assurer leur pitance... Leur pitance ? Eh non, celle des riches. Eux ont droit à des patates. Une journée de travail signifie 5-6 pommes de terre. Les travailleurs sont malnutris, remplis de carences en tout genre, bref ils sont devenus des sortes de robots incapables de réfléchir. En somme, d'excellents travailleurs qui n'ont pas la force de se rebeller contre l'ordre établi. Pourtant... Quelque chose a changé. Et c'est ce que nous comprenons en lisant le récit.
Que dire des personnages ? Pas grand chose malheureusement. On a d'informations uniquement sur le personnage principal dont nous suivons le quotidien. Il a une épouse, Manon, mais c'est loin d'être l'amour fou. Elle "sombre dans la folie" (vraiment ?) et n'est pas d'un grand soutien. Mais est-ce que lui l'est ? Il ne pense qu'à lui, qu'à s'en sortir et lorsqu'il pense à se rebeller, le lendemain il n'y pense plus. Les autres personnages, les hommes de son équipe par exemple sont à peine nommés alors même qu'ils font partis de son quotidien. Les Ducs, deux hommes qui ont su tirer leur épingle du jeu dont un dans la contrebande, sont un peu plus décrit.
La seule qui a droit à de longs paragraphes est la fille du Duc, Apolline. Sauf qu'on dirait plus qu'on nous décrit un chien qu'une jeune femme. Elle a des humeurs changeantes, ne sait pas tenir en place et veut toujours jouer... Mais bon, au moins elle lui fait des câlins donc il est content. Tellement content que... Non, allons, ne soyons pas mauvaise langue, la preuve : finalement le livre ne s'appelle pas Lolita. Entre une épouse folle et une femme-enfant, ce sont les seules femmes du récit. Deux face à la multitude de personnages masculins qui peuplent les lignes. Bref, vous l'aurez compris, vaut mieux ne pas être une femme dans la dystopie de Nicolas Cartelet.
En conclusion, c'est un court texte qui se lit facilement. Albert est un anti-héros par excellence. L'auteur évite certains écueils (j'ai eu beaucoup d'appréhensions pour la relation entre Apolline et celle d'Albert) mais saute à pieds joints dans d'autres.
Dans un monde où on insiste sur le fait que les hommes ne savent plus bander, faire de Manon une prostituée est tout de même tiré par les cheveux. Et ne parlons même pas de la fin où Albert la laisse en prison malgré qu'on sous-entend la fin désastreuse qu'on donne "à ce genre de femmes". Au lieu de ça, il en profite pour partit cheveux au vent avec sa fille adoptive/amante/seconde épouse ? Preuve s'il était nécessaire que oui, Albert est égocentrique et est uniquement capable de penser qu'à sa petite personne (et à sa queue).