Un voyage dans le temps, sans doute amusant pour un fan de polars comme je le suis, et qui semblera anecdotique à bien d'autres lecteurs. C'est un bouquin récupéré dans une vieille maison, avant qu'elle ne soit vendue. Paru en 1936, probablement une édition de l'époque. D'un obscur auteur anglais, Valentin Williams. Connu principalement pour sa série de l'homme au pied bot, un ignoble espion allemand. Vous voyez le genre. Là, c'est une série encore plus confidentielle, la série Trevor Dene. Bien sûr non référencée sur SC, grâce soit d'ailleurs rendue à celle - qui n'en était pas à son coup d'essai - qui me l'a référencée.
Que dire ? La traduction vaut son pesant d'or. Les romans d'Agatha Christie, contemporains de ce bouquin, ont probablement été retraduits depuis et les traductions que j'en ai lues, à partir des années 70, étaient bien plus modernes. Bien moins versées, en tout cas, dans l'usage de l'imparfait du subjonctif. On y découvre ainsi des descriptions de folie, parfaitement surannées, du genre " Un ébranlement des fenêtres, un tremblement des cadres, un tintement des lustres secoués par le claquement de la porte marquèrent le départ de l'inspecteur " ou bien " Comme d'un gouffre marin, Aline remonta du fond d'un sommeil agité par des rêves ".
Valentin Williams, qui était officier dans l'armée anglaise et auteur à ses heures perdues, ne brille pas non plus, disons par son progressisme. Dans ce bouquin, les hommes sont forts et protecteurs, souvent dans les affaires. Les femmes sont à la maison, fragiles petites choses qu'il convient de protéger, bien que pas sottes et non dépourvues de fierté. Les puissants sont nobles de cœur et d'esprit, ont du goût. Les classes inférieures (ici, les flics) sont dépeints comme des rustres. Chacun à sa place, et on n'en bouge pas. Et s'agissant des mœurs, on sent bien que l'époque victorienne n'est pas tout à fait révolue, cela constituant d'ailleurs l'un des principaux déterminants de l'intrigue. Pas franchement de la SF californienne des années 70, tout ça : le passage le plus torride du livre (attention, fermez les yeux, chastes internautes) est " Leurs lèvres se confondirent ".
Il n'en demeure pas moins que l'intrigue policière est relativement solide et bien emmenée tout au long du bouquin et que ça se lit finalement assez vite et avec plaisir. Même si bien sûr Williams n'a pas le talent d'Agatha Christie, ni l'acuité avec laquelle elle dresse des portraits de personnages pleins de justesse psychologique. A vrai dire, ça affleure par moment, mais c'est vite balayé par les stéréotypes que j'évoque plus haut. Quoiqu'il en soit, une forme de repos intellectuel après l’exubérance foisonnante et bien plus érotique des détectives sauvages...