Dos au mur
6.4
Dos au mur

livre de Nicolas Rey (2018)

La longue litanie pathétique et mal écrite d'un auteur médiocre.

Dos au mur est un très mauvais roman qui a cependant une particularité déconcertante : il est
uniquement et ridiculement destiné à attendrir le lecteur, à l'émouvoir et à le berner. D'une certaine manière, l'auteur a trouvé une stratégie très efficace pour être édité : faire pleurer dans les chaumières, séduire un lectorat bourgeois prompt à pleurnicher sur la médiocrité à la sauce dandy des autres et faire pitié. Si l'objectif d'un livre était de pousser le lecteur à la pendaison, alors Dos au mur serait incontestablement un chef d'oeuvre. Malheureusement, en littérature, le lecteur n'est pas totalement dupe de ces attrape-nigauds vieux comme le monde, qui consistent à traiter un sujet très grave pour faire passer une merde intégrale pour un éventuel Prix Goncourt. Ainsi, Nicolas Rey signe un roman, qui est surtout une auto-biographie en fait, dans lequel il raconte sa maladie due à ses excès passés, sa rupture avec la femme de sa vie, ses déboires professionnels et sa relation particulière avec sa sœur, son père et son fils. Loin de moi l'idée d'être totalement insensible à la tristesse que désire nous insuffler l'auteur, puisque celui-ci y parvient régulièrement, mais à partir d'un certain moment, la complainte désespérée d'un auteur médiocre, plagiaire, égocentrique et inconscient fatigue et oppresse. Pendant deux cent pages, qui semblent être une forme de journal intime d'un adolescent en quête de reconnaissance, Nicolas Rey se plaint, râle, se flagelle et se complaît dans sa propre médiocrité de pleureuse. Ce n'est pas seulement une confession, soi-disant humble, que nous offre l'auteur, c'est presque un pamphlet contre lui-même qu'il écrit, tellement cela frise à de nombreux moments le grossier, le caricatural et le gonflant. Nicolas Rey parvient à se rendre plus antipathique qu'il ne l'était déjà à l'origine, ce qui est un exploit tout à fait remarquable.


Dos au mur se place donc dans la droite ligne de l'auto-fiction, qui se dit roman, alors qu'il n'est en réalité qu'une mise en scène de soi-même à peine romancée. Outre l'égocentrisme insupportable qu'induit un tel genre, Nicolas Rey ajoute l'indicible à l'irritable. L'homme, qui a fait une erreur somme toute pardonnable, celle d'avoir plagié une nouvelle à un de ses amis, s'excuse comme un imbécile pendant des heures et des heures, dans une forme d'aveu franchement pitoyable, pour se soulager la conscience d'une faute dont le lecteur se fout comme de sa première chemise. Il n'y a rien non plus d'intéressant à se focaliser sur ses relations avec les membres de sa famille, et Nicolas Rey évoque une forme d'adolescent adulte mal dégrossi, incapable d'assumer ses responsabilités et incapable d'empathie. Quand il évoque les autres, c'est toujours pour lui-même : pour son bien, pour son mal, pour sa bourse ou pour son honneur. Ce livre même est une forme d'acte égoïste et immature au plus haut de tous : aller mieux en gavant un lecteur consentant, qui supporte et presque, se réjouit, du malheur d'un homme qui n'inspire que pitié et pourtant jamais la compassion. Parfois même, l'auteur a du génie dans le pathétique, avec quelques moments de grâce, malheureusement bien rares. Cependant, la littérature s'accommode de ce genre de démarches, quand elles sont accompagnées d'un style magnifique. Ce n'est ici, à notre plus grand regret, absolument pas le cas.


L'auteur de Dos au mur ne semble même pas avoir fait le travail minimum de l'écrivain français moyen. Dans des chapitres qui n'en sont pas, qui durent deux pages, le lecteur voyage dans des événements superficiels de la vie de l'auteur, par l'intermédiaire d'une prose fade, pleine de phrases emplies de caciques, d'une simplicité qui évoque des rédactions de CM2 très laide stylistiquement. Le lecteur hésite : cette nullité, et même cette médiocrité, est-elle due à la fainéantise de l'auteur ou à un choix délibéré du minable pour déshonorer la littérature française ? Dans le texte, l'auteur explique qu'il est très difficile d'écrire sans drogue, et que cela entraîne paresse et manque d'inspiration : cela se voit, et on ne saurait que trop conseiller à Nicolas Rey de reprendre la cocaïne ou tout du moins d'arrêter de nous infliger de telles phrases indigestes et vides de sens. Les phrases sont de l'ordre du premier degré, racontent une vie grise d'ennui, sans aucune métaphore, sans aucune figure de style notable et même sans effet de manche. Parfois, cela évoque les paroles d'un pilier de bar dessoûlé qui voudrait tout à coup récupérer son ancienne épouse, et se lancerait dans un discours glaçant de bêtise et, inconsciemment, de prétention, dont tout le monde voudrait juste que cela se termine, et n'oserait pourtant le dire poliment, de peur de retrouver l'homme pendu le lendemain dans un vieux grenier. Dos au mur n'aurait sans doute pas été édité s'il ne venait pas d'un auteur déjà connu, faisant du "livre business", tant il a l'air facile à écrire (en une journée c'est réglé), et se révèle surtout être un cadeau fait à l'auteur pour tirer sa révérence, ce qui est quand même finalement compréhensible, et en même temps est forcément un peu injuste. Ce livre médiocre, sans style, sans fond, sans fondement, sans raison d'être, ne risque de rester dans les mémoires que comme un adieu, un bien pauvre adieu pour la littérature.

PaulStaes
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le 24 juil. 2018

Critique lue 238 fois

Paul Staes

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