Témoignage d'une salariée de l'Ofpra
« J'ai toujours eu beaucoup d'empathie et d'admiration pour les migrants. Pour ces personnes qui ont fait le choix de partir de chez elles, de quitter leur famille, leur maison, leur pays, leur terre natale pour trouver quelque chose de meilleure ailleurs, dans cet Occident idéalisé depuis les pays en voie de développement. J'ai beaucoup de respect pour tous les gens qui ont quitté amis, famille, enfants pour venir, quelles que soient les raisons qui les aient poussées à partir », introduit Clémence Armand dans l'ouvrage au sein duquel elle a choisi de « raconter l'Ofpra [l'Office Français de protection des Réfugiés et Apatrides] et sa mission, le traitement de la demande d'asile en France ».
Entrée à l'Ofpra en janvier 2005, elle y exercera pendant un an le métier d'OP. Officière de protection pour les profanes. Un titre bien séduisant pour un métier aux si lourdes responsabilités. Car désormais, il lui faudra recevoir chaque jour deux ou trois demandeurs d'asile et vérifier au cours d'un entretien fleuve le bien-fondé de leurs requêtes. Au terme de ces entretiens, il lui reviendra de rédiger le rapport qui décidera du sort du demandeur d'asile : octroi d'une autorisation de séjour en France ou obligation de quitter le territoire national. Car c'est à l'OP, maillon humain de la chaîne que revient de démêler le vrai du faux dans ces récits de vie toujours bouleversants et de décider du destin de ces individus en se plongeant dans leurs histoires personnelles.
C'est dans ce huit clos, qui statue chaque année sur le sort de cinquante mille personnes, que nous introduit Clémence Armand. Face à la détresse humaine, face à la règle de droit, face aux contraintes politiques et administratives, mais aussi juridiques, économiques et matérielles, la jeune femme confie sa sensibilité, son empathie, son désarroi, ses doutes et sa volonté d'accorder un droit d'asile juste et objectif. De manière simple et impartiale, elle nous dévoile le discours de ces exilés et la face méconnue de son métier : cadences imposées, formation bâclée, insuffisance des moyens, absence de suivi psychologique, de régulation d'équipes... l'attribution du droit d'asile en France se heurte aux failles de l'institution et tend à s'apparenter à une loterie géante. Déchirée entre la règle de droit, ses convictions humanistes et des situations personnelles et familiales tragiques, Clémence Armand a fini par démissionner. Aujourd'hui, elle a choisi, non pas de faire le procès d'une administration, mais simplement de témoigner de l'accueil des personnes qui demandent asile en France et de dépeindre cette réalité sous forme d'une succession de portraits vivants, de tranches de vie, d'anecdotes, mais aussi de rencontres et d'instants d'émotions.
A 28 ans, Clémence Armand a déjà un parcours en totale adéquation avec ses convictions humanistes. D'abord chargée des programmes associatifs au sein de Solidarité Sida, elle est aujourd'hui présidente de l'association Mix-Cité, un mouvement mixte pour l'égalité des sexes et œuvre par ailleurs aux programmes pour la jeunesse de la mairie de Paris.